Johann Strauss - La Chauve-Souris - Karoui/Pauthe - Compiègne - 26/04/2019

Représentations
Répondre
Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Johann Strauss - La Chauve-Souris - Karoui/Pauthe - Compiègne - 26/04/2019

Message par HELENE ADAM » 25 avr. 2019, 08:19

La chauve-souris (Die Fledermaus)

de Johann Strauss
Opérette en trois actes (1874)

Adaptation musicale Didier Puntos (pour sept instruments seulement).
Livret Richard Genée, Karl Haffner
D’après Henri de Meilhac et Ludovic Halévy "Le Réveillon"
En langue allemande, surtitré en français

Direction musicale Fayçal Karoui
Mise en scène Célie Pauthe
Avec les chanteurs et musiciens de l’Académie de l’Opéra national de Paris et de l’Orchestre-Atelier Ostinato Choeur Unikanti
Collaboration artistique Denis Loubaton
Scénographie Guillaume Delaveau
Costumes Anaïs Romand
Lumières Sébastien Michaud
Chorégraphie Rodolphe Fouillot
Assistantes à la mise en scène Solène Souriau et Jeanne Desoubeaux

Avec
Gabriel Von Eisenstein, Timothée Varon
Rosalinde, Adriana Gonzalez
Adèle, Liubov Medvedeva
Alfred, Jean-François Marras
Dr Falke, Danylo Matviienko
Prince Orlofsky, Farrah El Dibany
Frank, Tiago Matos
Ida, Nelly Toffon
Blind, Charlie Guillemin
Frosch, Gilles Ostrowsky

Orchestre :
Violon Marin Lamacque
Alto Marie Walter
Violoncelle Saem Heo
Contrebasse Chia-Hua Lee
Flûte Marlène Trillat
Clarinette Norma Rousseau
Piano Edward Liddall

Choeur Unikanti

A noter : La Chauve-Souris, de Johann Strauss, avec les musiciens et chanteurs en résidence à l’Académie de l’Opéra national de Paris, Orchestre-Atelier Ostinato, chœur Unikanti, Célie Pauthe (mise en scène), Didier Puntos (adaptation musicale), Fayçal Karoui (direction) a été d'abord jouée à la MC93 Maison de la culture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny en mars puis est partie en tournée : Les Deux Scènes de Besançon, du 3 au 5 avril ; Théâtre impérial de Compiègne, le 26 avril ; Maison de la culture d’Amiens, du 15 au 17 mai ; MC2 de Grenoble, du 22 au 24 mai.
La distribution évolue en fonction des lieux et des dates.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Johann Strauss - La Chauve-Souris - Karoui/Pauthe - Compiègne - 26/04/2019

Message par HELENE ADAM » 27 avr. 2019, 16:51

Soirée du 26 avril

C'est un pari assez audacieux auquel se livre l'ensemble de l'équipe de cette Chauve-souris en tournée depuis quelques semaines, autour du projet de la metteur en scène Célie Pauthe. Elle explique sa démarche en préalable, dans un cours récit en voix off, accompagnant un long travelling cinématographique qui nous fait découvrir ce qu'il reste du camp nazi de Terezín. Le film a été réalisé durant un voyage mémoriel qu’elle a effectuée en 2018. Et ce camp-forteresse où les nazis avaient regroupé les artistes juifs déportés, est le point de départ de sa mise en scène.
Célie Pauthe raconte qu’elle ne connaissait pas très bien cette "Chauve-souris" de Johann Strauss qu’on lui demandait d’illustrer et que, découvrant que l’œuvre avait été montée au camp de Terezin, fascinée par "cette rencontre entre Eros et Thanatos", elle avait alors décidé cette lecture semi-tragique d’une oeuvre essentiellement ludique. Elle campe le décor clairement en prélude, le rappelle de temps en temps par des images projetées le cadre de la « représentation » et introduit avant l’acte 3, cet incroyable film de propagande que les nazis réalisèrent pour vanter les beautés du camp de Terezin (Theresienstadt :Ein Dokumentarfilm aus dem jüdischen Siedlungsgebiet). Une phrase de Robert Desnos mort à Terezin, s’affiche tandis que retentissent les dernières notes à l’issue de l’opérette : "Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore De la splendeur du jour et de tous ses présents."
La violence intrinsèque de cette évocation ne cadre pas très bien avec la légèreté des bulles de champagne et l’ensemble, tout en étant émouvant, ne convainc pas complètement, voire laisse parfois un sentiment de malaise comme s’il était difficile finalement d’épouser deux états d’esprit aussi contradictoires en même temps.
Image

A l'issue de l'introduction, les artistes, tous jeunes solistes brillants de l’Académie de l’Opéra national de Paris, musiciens de de l’Orchestre-Atelier Ostinato et choristes des Choeur Unikanti, viennent sur la scène se présenter : sous leurs vrais noms, mentionnant leur pays ou ville d'origine et leur rôle.
Cet interlude est bienvenu avant que chacun prenne sa place pour le divertissement.

En effet l’œuvre de Johann Strauss fils est essentiellement joyeuse et drôle, même si elle porte l’empreinte d'une légère nostalgie au regard de ce monde de cette aristocratie viennoise déclinante. Composée en 1774, s’inspirant directement d'une pièce autrichienne de 1851, intitulée "la Prison" et surtout de son adaptation par Henri Meilhac et Ludovic Halévy, en 1872, pour le fameux "Réveillon", cette Chauve-Souris (Die Feldermaus) dans son titre original), dotée d'une discographie très riche, est donnée tous les ans pour le réveillon du nouvel an un peu partout en Allemagne et en Autriche.

L'ensemble de la représentation se déroule sur un plateau unique où prennent place tout à la fois les sept instrumentistes, les solistes et les choeurs, dans un décor volontairement minimaliste, meublé de quelques accessoires "récupérés" au camp et "enjolivés" pour la scène. Deux tapis, une caisse retournée, une "robe de chambre" très mitée, des costumes de carnaval, des bouteilles vides etc.

Dès l'ouverture, pourtant fort bien exécutée par les jeunes musiciens de l'orchestre-atelier fondé par Jean-Luc Tingaud, on regrette le choix de cette adaptation musicale pour sept instrumentistes tant il apparait évident que la luxuriance orchestrale propre à cette oeuvre ne sera pas au rendez-vous. Autant le choix de costumes ou de décors "bricolés" pour respecter la représentation de Térézin, ne pose aucun problème, autant cette trop grande réduction d'instruments nous éloigne beaucoup de l'équilibre d'une composition qui donne sa part belle à l'orchestre.
Nos réserves augmenteront encore avec le "mélange" des langues qui handicapera la compréhension des dialogues en français non surtitrés alors que le chant est en allemand.
L’opérette de Johan Strauss a été inspirée par Jacques Offenbach le prince de l’opérette française mais l’œuvre est profondément viennoise par sa structure musicale, la résurgence régulière des extraits des valses de la capitale autrichienne, des polkas, des galops et autres danses de référence.
L’œuvre a été donnée le plus souvent en allemand, mais également en français (qu’on se rappelle la savoureuse version dirigée par Marc Minkovski il y a quelques années à l’Opéra Comique) ou même en anglais. Il est très discutable de « mêler » deux langues différentes, en faisant apparaitre du coup les airs chantés comme étrangers aux dialogues et à l’histoire. Le genre « opérette » est un tout avec ce patchwork délicieux qui n’interdit pas d’ailleurs des ajouts d’actualité, clins d’œil comiques à des situations que le public se plait à reconnaître.

Image

Bon nombre de ces réticences s’effacent pourtant dès l’arrivée des jeunes artistes sur la scène, leur talent, leur jeunesse, la beauté de leurs interprétations est incontestablement la grande réussite de la soirée dans ce beau théâtre impérial de Compiègne.
D’entrée de jeu nous sommes en effets séduits par le couple Adriana Gonzalez/ Timothée Varon, brillantissimes interprètes des rôles principaux de Rosalinde et Eisenstein. Outre leur très impressionnante aisance sur scène dans ce petit périmètre où ils doivent déployer leur talent en suggérant les situations presque sans accessoires, leur diction des dialogues en français tout comme du chant en allemand est impeccable malgré les différences évidentes dans la prosodie des deux langues. Dotée d’un superbe timbre rond et charnu sur toute la tessiture, Adriana Gonzalez est littéralement éblouissante, jamais en repos, elle « incarne » son personnage avec un égal bonheur pour chacune de ses nombreuses facettes : la femme flattée (mais un peu agacée) par les excès démonstratifs d’Alfredo (LE ténor), la mondaine qui se déguisera pour se moquer de son mari à son insu, la « Hongroise » qui se livre à l’air le plus nostalgique et grave de l’opérette, la femme de tête qui dénoue la situation malgré sa précarité lors du dernier acte. Et je suis toujours profondément admirative envers les artistes capables d’une telle imagination vocale, qui maitrisent aussi bien les « humeurs » du personnage et qui, du grave à l’aigu flamboyant, ont cette capacité à dominer tous leurs registres.
C’est un baryton, le jeune Timothée Varon, qui campe son époux volage, arroseur arrosé, qui du baron VON Eisenstein au marquis Renard, démontre lui aussi un sacré talent multiple, de comédien et de chanteur, avec un aplomb de tous les instants. Je l’avais déjà remarqué lors du gala de l’Académie à Garnier en janvier dernier, dans le brillant duo de l’Elixir d’amour, alors exécuté avec le jeune ténor Jean-François Marras. La voix est admirablement bien projetée, puissante et le baryton montre une sacrée autorité dans la maitrise d’un rôle qui peut être également chanté par un ténor.
Jean-François Marras, lui, chante Alfred et si j’ai eu quelque doutes lors de sa première « apparition » (depuis la coulisse), un vibrato gênant s’étant installé dans des aigus un peu instables, j’ai été totalement séduite par la suite lorsque la voix s’est chauffée et qu’il a, avc un grand sens du comique, incarné le ténorissimo moins stupide qu’il n’y parait.
Appréciée également lors du concert de Garnier, la superbe mezzo égyptienne Farrah El Dibany en Prince Orlofsky confirme l’originalité extrêmement séduisante de son timbre profond et corsé qui domine rapidement tout le plateau et les ensembles des scènes du bal masqué. Une merveille de beauté pour une artiste dont on perçoit sans peine l’immense musicalité, le sens des nuances et l’adéquation à la scène.
J’ai été un peu moins convaincue par la jeune soprano russe Liubov Medvedeva, qui campe une Adèle mutine et drôle mais dont la voix est un peu petite et manque parfois de puissance même si aigus et vocalises sonnent fort joliment. Son « français » parlé est totalement incompréhensible ce qui est un peu dommage…
Image
Le Docteur Falke de Danylo Matviienko est sans doute un peu effacé lors de ses premières apparitions mais il prend rapidement son « rôle » en main et le dernier acte le voit déployer un talent subtil et brillant très plaisant lors de la révélation de sa « vengeance
Le Blind de Charlie Guillemin est drôle comme il doit l’être et le public rit de bon cœur lors de la scène finale et des mouvements-ballets entre la prison et la coulisse, lors des multiples déguisements et quiproquos qui s’accèlèrent.
Je n’ai par contre pas été très convaincue par le long monologue confié au Frosch de Gilles Ostrowsky, dont l’élocution volontairement pâteuse du gardien de prison pas très malin, sied mal au récit qui accompagne le film de propagande nazie. Peut-on rire ou même sourire à la vue de ces images d'un bonheur fabriqué pour masquer les horreurs bien réelles ?
Et même la bienvenue chanson yiddish "Bei mir, bist du shein" chantée alors au micro par la soprano Liubov Medvedeva , si elle apaise, n'amène pas naturellement l'acte final essentiellement vaudevillesque et drôle de notre "Chauve-souris".
Un tel mélange des genres est presque impossible à réussir.

Le public du théâtre de Compiègne a réservé une très belle ovation à l’ensemble des artistes parmi lesquels il faut également féliciter le chef d’orchestre, Fayçal Karoui, qui a eu fort à faire pour diriger depuis le plateau, instrumentistes, solistes et choristes et a insufflé le rythme nécessaire à cette opérette sans temps mort et les choristes-convives, qui ont tous et toutes admirablement chanté et joué.
A l’issue de cette intéressante expérience collective, il est clair que les artistes de l’Académie confirment amplement leurs immenses qualités qu’on a hâte de revoir rapidement dans d’autres œuvres.
Et nos compliments iront également au Théâtre de Compiègne, belle salle à la très bonne acoustique, qui n'hésite pas à offrir un beau cadre à ces jeunes gens si talentueux.

Hélène Adam
(photos ONP)
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Répondre