Prokofiev - Les fiançailles au couvent - Barenboim/Tcherniakov - Staatsoper de Berlin - 04/2019

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HELENE ADAM
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Prokofiev - Les fiançailles au couvent - Barenboim/Tcherniakov - Staatsoper de Berlin - 04/2019

Message par HELENE ADAM » 22 avr. 2019, 22:34

Les fiançailles au couvent
de Serge Prokofiev

Opéra lyrico-comique en quatre actes composé en 1941.
Création le 3 novembre 1946 à Leningrad.

Livret du compositeur et de Mira Mendelson d'après la comédie ''La Duègne'' de Richard Brinsley Sheridan

Avec
Stephan Rügamer (Don Jérôme),
Andrey Zhilikhovsky (Don Ferdinand),
Aida Garifullina (Luisa),
Violeta Urmana (La Duègne),
Bogdan Volkov (Don Antonio),
Anna Goryachova (Clara d'Almanza),
Goran Jurić (Mendoza),
Lauri Vasar (Don Carlos),
Maxim Peter (Modérateur)

Staatsopernchor, dir. Martin Wright
Staatskapelle Berlin, dir. Daniel Barenboim

Mise en scène et décor : Dmitri Tcherniakov
Elena Zaytseva, costumes
Gleb Filshtinsky, lumières
Alexey Poluboyarivov, vidéo désign
Dramaturgie : Jana Beckmann, Detlef Giese
Staatsoper Unter den Linden

Retransmission en direct sur Mezzo TV, le 22 avril 2019.


Image
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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PlacidoCarrerotti
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Re: Prokofiev - Les fiançailles au couvent - Barenboim/Tcherniakov - Staatsoper de Berlin - 04/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 22 avr. 2019, 22:59

Je vais me réveiller...
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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micaela
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Re: Prokofiev - Les fiançailles au couvent - Barenboim/Tcherniakov - Staatsoper de Berlin - 04/2019

Message par micaela » 22 avr. 2019, 23:14

C'est effectivement bien interprété (chant et jeu d'acteur) et de façon assez réjouissante; mais la mise en scène ne m'a pas vraiment convaincue pour autant.
On passe sur le décor minimaliste et les costumes assez moches (semble-t-il exprès), mais franchement, Tcherniakov ne se renouvelle pas : il nous refait en vrac le coup de la thérapie, de la mise en abyme et de l'intrigue surajoutée; avec jeu de rôles. Sans parler des transformations de la partition (suppression de petits ou seconds rôles) ou des chœurs relégués en coulisses.
Un moment assez marrant à la fin, quand les chœurs réapparaissent, costumés en personnages d'opéra (pour la plupart assez facilement identifiables, et pour certains faisant allusion à des mises en scène et/ou artistes en particulier -les faux Pavarotti, Caballé et Callas). Il y en a que je n'ai pas identifiés (pas assez vus, pas eu le temps ou tout simplement je n'ai pas vu à quoi ça correspondait).
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)

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Re: Prokofiev - Les fiançailles au couvent - Barenboim/Tcherniakov - Staatsoper de Berlin - 04/2019

Message par HELENE ADAM » 23 avr. 2019, 14:51

Soirée du 22 avril 2019 retransmise en direct depuis l'opéra de Berlin
"Les fiançailles au couvent" ont été le moyen pour Prokofiev d'entrer dans les bonnes grâces du pouvoir soviétique stalinien d'alors. Composé en 1939, soit quelques années après le Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, ce conte sarcastique et vaudevillesque, s'apparente davantage à Falstaff le dernier opéra de Verdi qu'à la tragédie noire de son collègue.
Quand Chostakovitch, compositeur "officiel" n°1 de l'ère stalinienne, se fait rappeler à l'ordre pour l'audace musicale de son Lady jugée "inécoutable", le thème étant considéré comme déplaisant, et restreindra ses ambitions jouant dès lors sur l'ambiguïté, Prokofiev, lui, rentre en URSS en 1936 (opportunisme ?) pour y prendre une place de plus en plus importante.
Il a déjà composé depuis l'étranger, plusieurs de ses opéras dont "l'amour des trois oranges" et se lance dans ces fameuses "fiançailles" sachant qu'il joue sur du velours et ne risque pas la censure ou l'opprobre avec ce thème qui évoque "l'école des femmes" de Molière et lui est inspiré par la jeune étudiante Mira Abramovna Mendelsohn. Elle lui suggère en effet d'écrire un opéra à partir du "singspiel" écrit au 18ème siècle par l'Irlandais Richard Brinsley Sheridan sous le nom de "la duègne".
Prokofiev reprend d'ailleurs des chansons de l'oeuvre originale dans son opéra comique basée sur les quiproquos nés des déguisements des uns et des autres, ligués pour déjouer le complot ourdi par un vieux barbon voulant épouser une toute jeune fille.

C'est musicalement que l'oeuvre est la plus intéressante. On peut trouver en effet que l'histoire et ses rebondissements ont été assez souvent traités et que ces fiançailles n'apportent pas de grande nouveautés. Par contre la partition capable de passer de morceaux orchestraux classiques à des airs de jazz, d'airs lyriques et romantiques à des passages beaucoup plus contemporains parfois proches du sprechgesang, à des duos très opposés sur le plan vocal du plus bel effet, à des ensemble, notamment un sextuor final, très impressionnants de maitrise.
C'est cette étonnante variété, d'une grande richesse orchestrale, qui retient avant tout l'attention, illustrant un livret bien écrit et toujours assez poétique qui, sous le caractère burlesque de l'histoire, évoque sans cesse l'importance de la liberté, thème qui en 1939, alors que l'histoire est censée se passer à Séville, prend tout son sens.

Tcherniakov a choisi de tourner le dos à toute tentative d'interprétation de cette histoire en cohérence avec le propos de Prokofiev puisqu'il prend une grande distance immédiate dès les premières minutes lorsque s'affichent sur le fond de la scène, "sa" présentation des personnages : Aida, jeune soprano amoureuse de Jonas Kaufmann, mais l'idole ne répond pas à ses désirs, il faut qu'elle se débarrasse de son obsession, Violetta chanteuse sur le retour, ancienne gloire, qui ne peut se passer des planches et cherche à revenir sans cesse etc...
Les "personnages" sont donc d'abord appelés par le prénom des artistes eux-même et le "modérateur" est là pour leur proposer une thérapie de groupe (exactement comme dans son "Carmen" à Aix) pour qu'ils se débarrassent de leurs addictions.
Ils doivent monter un opéra (tout cela est écrit sur un paperboard au feutre noir), chacun y trouvera un rôle (Aida sera Luisa, Violetta sera la duègne etc) et leur exercice commun (tout le monde est en permanence sur le plateau) permettra de les guérir.
Les incursions de Tcherniakov sont assez nombreuses : à la fin de l'acte 2, une vidéo montre les artistes expliquant les bienfaits de la thérapie puisqu'ils sont débarrassés de leur addiction à l'opéra (c'est assez drôle quand on est soi même addict), les choeurs prévus dans l'oeuvre sont "écoutés" par les artistes avec des casques d'écoute blancs tous identiques, les artistes non sollicités par l'oeuvre de Prokofiev à l'instant "t" regardent leurs camarades chanter et jouer leurs rôles, tout en rigolant, ou en allant boire un coup, dormir, faire l'amour etc...
Le tout n'est pas déplaisant, loin de là, mais très éloigné de l'oeuvre elle-même... :wink:
Un tel choix a dû décontenancer plus d'un spectateur même si le final semble réconcilier tout le monde avec... l'opéra lorsque les choeurs arrivent, représentants les personnages les plus célèbres (et leurs interprètes :wink: ) de Lohengrin et son cygne à Salomé et la tête coupée de Saint Jean Baptiste sur son plateau !

Mais musicalement et scéniquement, la soirée s'inscrit dans la qualité et finalement, on s'adapte assez vite à ce parti pris pour s'amuser franchement avec les artistes qui s'en donnent à coeur joie manifestement ravis de "jouer" à ce point la comédie en permanence.
Le succès de la représentation du 22 avril au Staatsoper unter den Linden, repose donc d'abord et avant tout sur la qualité des interprètes et l'homogénéité de leurs talents dans une oeuvre difficile, aux rythmes changeants et qui, volontairement, offre peu d'unité de style obligeant à des performances vocales inédites.
La revue est menée de main de maitre par le ténor allemand Stephan Rügamer (Don Jérôme), membre (et l'un des piliers) de la troupe du Staatsoper unter den Linden, dont la gaité et l'aisance sur scène font merveille d'autant qu'il chante admirablement la partition difficile du rôle principal et entraine manifestement tous les autres dans cette farandole un peu déjantée où personne ne se prend vraiment au sérieux puisque tout le monde joue un rôle.
En "face" en quelque sorte on trouve la basse Goran Jurić (Mendoza), truculent à souhait et trop facile à tromper, bon vivant évident et dont les vestes (et la barbe et l'allure) ne sont pas sans évoquer un certain ténor.
Le festival des talents continue avec Aida Garifullina qui campe une Luisa très délurée dont la "pudeur de jeune fille" est symbolisée uniquement par ses lunettes, sa sage coiffure et sa tenue d'écolière. Soprano très douée, elle était déjà une très remarquée Snegorouchka à Paris Bastille qui Adina dans le dernier Elisir. Elle n'est pas sans évoquer, surtout dans ce rôle de Luisa (joué par Aida etc etc), la jeune Anna Netrebko qui en fut une brillante titulaire. A l'opposé, la Clara de Anna Goryachova est une femme névrosée qui ne cesse de s'enfuir et multiplie les scènes hystériques. Sidérante de talent elle aussi...
Et quel plaisir de retrouver Violeta Urmana (La Duègne) dans un rôle qu'elle domine de bout en bout avec brio et panache, elle est drôle, tendre, sarcastique, efficace, virago à ses heures, mama quand il le faut, chantant tout avec talent.
Le baryton moldave Andrey Zhilikhovsky est un étrange Don Fernando pris de tics et obsédé sexuel tandis que le jeune Bogdan Volkov campe un Don Antonio, tendre à souhait, romantisme à revendre et sourire aux lèvres en permanence.
Sans oublier le Don Carlos peut-être un peu plus effacé mais fort bien chantant du baryton estonien Lauri Vasar.
Barenboim a choisi d'illustrer les "festtage" de Berlin par ces "Fiançailles" qui étaient l'un des joyaux qu'il présentait brillamment hier soir aux spectateurs. La veille avec le Wiener Philharmoniker, Barenboim avait également brillamment dirigé la Première Symphonie de Prokofiev.

Image
Goran Jurić, Aida Garufullina, Anna Goriachova, Andrey Zhilikhovsky, Maxim Paster


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Lauri Vasar, Goran Jurić, Violeta Urmana, Aida Garifullina, Bogdan Volkov

Photos ©Ruth & Martin Walz
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