Bach-Passion selon St Matthieu-Montgomery-Lyon 19/04/2019

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petitchoeur
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Bach-Passion selon St Matthieu-Montgomery-Lyon 19/04/2019

Message par petitchoeur » 22 avr. 2019, 17:49

Johann Sebastian Bach  (1685-1750):
Passion selon saint Matthieu [Matthäus-Passion], BWV 244 (1727)


Orchestre National de Lyon
Choeur de chambre de Namur
Maîtrise de la Primatiale  Saint-Jean-Baptiste de Lyon


Ian Bostridge, ténor (Evangéliste)
Mark Stone, basse (Christ)
Jane Archibald, soprano
Tara Erraught, mezzo-soprano
Ilker Arcayürek, ténor
Matthew Buswell, basse

Kenneth Montgomery, direction


En complicité avec le Centre Culturel de Rencontre d'Ambronay.

Auditorium Maurice Ravel à Lyon le 19 avril 2019.

A partir de 1724, Bach, chaque Vendredi Saint, organise la célébration de la Passion du Christ à Saint-Thomas de Leipzig. Ainsi le vendredi 11 avril 1727 (selon les dernières recherches du musicologue Joshua Rifkin) est créée la Passion selon saint Matthieu. Le sacristain de Saint-Thomas, Johann Christoph Roth, qui assiste à toutes les célébrations jusqu'en 1738, décrit leur déroulement. On commence à 13h15 par un choral commun, puis est interprétée la première partie de la Passion. Un nouveau chant commun précède le sermon du pasteur. Est donnée ensuite la deuxième partie de la Passion. Puis un motet de Jacob Gallus (1550-1591) est chanté par le choeur. Enfin un choral termine l'office dont la durée est d'environ 5 heures.
Pour cette Passion selon saint Matthieu, Bach met en œuvre un dispositif imposant : deux chœurs, plus un chœur de sopranos, deux orchestres, deux orgues, l'Evangéliste lui-même et de nombreux personnages, donc de nombreux solistes. A Leipzig, ce dispositif était réparti dans deux tribunes séparées ce qui ne peut être que rarement respecté aujourd’hui. Dans une lettre adressée en 1730 au conseil municipal de Leipzig, Bach réclame des effectifs importants : « Pour chaque chœur, il faut au moins 3 sopranos, 3 altos, 3 ténors et autant de basses […]. Il serait cependant préférable, si l’ensemble le permettait, de prendre 4 sujets pour chaque voix, chaque chœur pouvant alors disposer de 16 personnes ». A-t-il bénéficié de cet effectif en 1727? Ce soir les deux choeurs sont bien de 16 chanteurs chacun auxquels s'ajoutent les 12 petits chanteurs. Le nombre des instrumentistes est également imposant : une quarantaine.
Bach donne à ses Passions une forme nouvelle, influencée par l'opéra et l'Italie. Il abandonne la tradition de la récitation psalmodiée de l'Evangile, et la remplace par le recitativo secco (accompagné par la basse continue) ou accompagnato (soutenu par l'orchestre). Il emprunte au genre oratorio, né à Rome avec saint Philippe Neri dans la deuxième moitié du XVIème siècle, en introduisant des poèmes piétistes de Christoph Friedrich Henrici dit Picander (1700-1764) avec lequel Bach collabore pendant près de 20 ans pour ses livrets de cantates et d'oratorios. Ces poèmes sont les paroles des ariosos, sorte de récitatifs à l'expression plus lyrique, des airs, chantés en dialogue avec le choeur et/ou avec des instrumentistes choisis par Bach en fonction de la tessiture du ou de la soliste et de l'esprit du texte de Picander : les flûtes pour la voix de soprano, les hautbois, ou bien encore la viole de gambe pour l'air de basse. Ce sont aussi les textes de Picander qui forment le matériau littéraire des choeurs, à l'écriture vocale et instrumentale souvent complexe surtout quand ils interviennent dans le rôle de la foule (la turba). Les chorals sont des prières traditionnelles de la liturgie luthérienne, de formes mélodique et rythmique simples, que l'assemblée chante en s'unissant aux musiciens. Ainsi les fidèles peuvent réaffirmer leur foi, s'identifier aux différents acteurs du drame et intérioriser pleinement le mystère qui se joue devant eux. Selon Jean-François Labie in Le Visage du Christ dans la musique baroque (Paris-1992), Bach «écrit la plus fascinante des pièces de théâtre. Jésus, ses amis, ses bourreaux vivent sous nos yeux dans une suite éblouissante de figures mélodiques et harmoniques […] le choix d’un instrument, la courbe ascendante ou descendante d’un phrase, une légère inflexion de voix, tout est fait pour aider notre esprit à mieux saisir le déroulement du mystère ».
Bach construit son œuvre sur le récit de la Passion selon saint Matthieu aux chapitres 26 et 27, beaucoup plus longue que celle selon Jean. C'est une succession d'épisodes : l'onction de Béthanie, l'annonce de la trahison de Judas, la dernière Cène, Gethsémani, l'arrestation de Jésus, la confrontation de Jésus avec le Grand Prêtre, le reniement de Pierre, l'interrogatoire et les hésitations de Pilate avant de le livrer, la montée au Calvaire, la crucifixion et la mort de Jésus. Si des choeurs de grande ampleur encadrent l'ensemble, pour chacun des moments Bach utilise, avec quelques nuances, la même organisation : la narration fidèle au texte de Matthieu (récitatif) avec ou sans dialogue, suivie d'un arioso, d'une méditation (aria) et d' une prière (choral).
L'imposant dispositif musical de ce soir permet au Choeur de Chambre de Namur et aux musiciens de l'Orchestre national de Lyon de donner à cette Passion une puissance dynamique extraordinaire. Dès le choeur initial les qualités du Choeur de Chambre de Namur se révèlent : puissance, inflexions, articulations, précisions des attaques, beauté et homogénéité des timbres. Les choeurs de turba rendent particulièrement bien la violence de la foule. On admire aussi le bel équilibre partagé entre les deux choeurs et entre les voix de chacun. Et la belle émotion et la simplicité de leurs interventions dans les chorals. La Maîtrise de la Primatiale Saint-Jean-Baptiste de Lyon apporte une note de fraîcheur et d'enthousiasme à la première partie. L'Orchestre National de Lyon brille par ses solistes : flûtistes, hautboïstes, gambiste, violoniste, tandis que le groupe entier soutient le choeur et que le continuo assure sa partie avec précision et intelligence.
Ian Bostridge est un remarquable Evangéliste : rigueur métrique, élasticité de la voix, beauté du timbre, épanchement dans les ariosos. Il donne vie au texte de Matthieu. Il est le véritable metteur en scène des nombreux personnages qui participent à l'action. Mark Stone, Jésus, de sa belle voix de basse, profonde et sans effet inutile, est en harmonie avec les cordes qui l'accompagnent. L' institution de l'Eucharistie est chantée d'un phrasé très mélodique tandis que Mon Dieu ! Mon Dieu, pourquoi tu m'as-tu abandonné ? est donné avec la douleur la plus humaine. Jane Archibald et Tara Erraught assurent les solos de soprano et de mezzo-soprano de voix qui gagnent en puissance et en stabilité tout au long de la soirée. Ilker Arcayürek, ténor, est excellent de sa voix claire et bien timbrée. Matthew Buswell, basse, possède un timbre rocailleux et sombre nettement plus harmonieux dans son air accompagné par la viole de gambe. De nombreux membres du choeur assurent les petits rôles avec beaucoup d'autorité : servantes, témoins, Pilate et son épouse, Judas, Pierre.
Kenneth Montgomery remplace au pied levé Riccardo Minasi. Il dirige de manière très efficace, avec sobriété et grande simplicité un ouvrage de forme complexe. Il donne à l'imposant dispositif musical créé par Bach, une force et une dynamique sensible tout au long de cette Passion. Il sait passer de la sereine institution de l'Eucharistie par Jésus, aux pleurs et aux larmes de Pierre dans son reniement et à la frénésie et à l'exaspération de la foule chantée par les choeurs.
Une soirée de Vendredi Saint 2019 émouvante.
Pierre Tricou

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Piero1809
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Re: Bach-Passion selon St Matthieu-Montgomery-Lyon 19/04/2019

Message par Piero1809 » 22 avr. 2019, 20:47

Merci pour ce compte rendu très complet.
Magnifique distribution à Lyon. Je vois que l'aria Erbarme dich est chanté par une mezzo .
Vendredi Saint j'écoutais la passion selon Saint Matthieu à l'église Saint Guillaume de Strasbourg et chez nous c'est un contre-ténor excellent d'ailleurs qui chantait cet air fameux.
A priori c'est logique de faire chanter le rôle de Simon-Pierre par un homme mais il me semble que du temps de Bach, ce rôle était tenu par une femme.
J'avoue que je préfère une voix féminine. J'ai entendu dire qu'il faut considérer les chanteurs des airs comme des allégories plutôt que comme des personnages, la foi pour la soprano, la compassion pour l'alto...A l'époque baroque les peintres représentaient ces allégories par des femmes.

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Re: Bach-Passion selon St Matthieu-Montgomery-Lyon 19/04/2019

Message par micaela » 22 avr. 2019, 21:12

J'ai un peu cherché, je n'ai pas trouvé grand chose, sauf que c'est un air pour voix d'alto (on trouve d'ailleurs sur YT quelques interprétations par des contraltos). Il est possible qu'il ait été écrit pour une voix de femme .
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)

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