Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

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Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Markossipovitch » 26 nov. 2018, 11:58

Direction musicale Giuseppe Finzi
Mise en scène Bernard Pisani
Assistanat à la mise en scène et chorégraphie Sergio Simon
Scénographie Alexandre Heyraud
Costumes Jerome Bourdin
Lumières Nathalie Perrier réalisées par Bernard Barbero

Leila Gabrielle Philiponet
Nadir Julien Dran
Zurga Alexandre Duhamel
Nourabad Philippe Khan

Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice

23, 25, 27 novembre 2018

Pimène
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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Pimène » 02 déc. 2018, 12:04

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© Gabrielle Philiponet


Mon CR est à suivre. Je parlerai peu de la mise en scène, étant placé de façon particulière, dans une loge près de l'avant-scène, ce qui ne permet pas de l'apprécier pleinement. Par ailleurs, j'en ai déjà parlé dans mes CR de Limoges et de Reims:
http://www.odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=20259
http://www.odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=20368

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Bernard C
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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Bernard C » 02 déc. 2018, 12:29

Par les miracles de l'amitié je suis entrain d'écouter l'enregistrement audio de ce spectacle.

La scène 4 du I est somptueuse .

Dran offre un Nadir d'un style admirable, respirant la scansion des vers , les cesures par exemple dans " Mais à travers la foule elle s'ouvre un passage !" qu'évidemment un Camarena ne peut saisir , dans ce qui respire entre "travers" et "la foule" , pas même l'hémistiche si important ici musicalement autant qu'émotionnellement.

Les voix dans ce fragment sont admirables dans un duo où le viril Zurga de Duhamel déploie un timbre particulièrement riche.

Bref ils collent tous les deux à Bizet comme on aime.

À suivre ( en attendant les CR de ceux qui étaient sur place)

Bernard

Epatante dynamique de la direction .
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Bernard C » 02 déc. 2018, 13:00

Bravo pour la Romance , quel naturel de la voix , quelle sincérité du chant .
( J'entends par là , la congruence des inflexions avec l'intention du texte )
Bravo encore à Dran.

Dans cet acte I Leïla malgré une virtuosité certaine montre une justesse aléatoire qui me gène ( dans cet enregistrement en tout cas)

Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

Pimène
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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Pimène » 02 déc. 2018, 14:07

L’Opéra de Nice accueillait le 23 novembre la première représentation de la seconde reprise de la production des Pêcheurs de perles de Bizet concoctée par Bernard Pisani. Il l’avait créée à Limoges en avril 2018, et reprise une première fois en mai 2018 à Reims. Cette fois la distribution était en partie différente, et le chef n’était plus le même. Julien Dran et Alexandre Duhamel restaient pour le bonheur des spectateurs les splendides Nadir et Zurga vus à limoges et Reims, Gabrielle Philiponet remplaçant Hélène Guilmette en Leïla, Philippe Kahn reprenant Nourabad à Frédéric Caton. Giuseppe Finzi reprenait la baguette à Robert Tuohy.

Dès les premières notes, la différence saute aux oreilles : la gestuelle de Giuseppe Finzi est aux antipodes de celle de Robert Tuohy. Autant le chef américain était sobre et sans esbroufe, autant l’italien exécute force moulinets et cela se ressent dans sa direction, moins fluide, plus clinquante, plus forte, se rapprochant de la direction d’Alexandre Bloch à Lille et Paris en 2017, mais plus raide, d’un recto tono inexpugnable. On sent que l’accompagnement des chanteurs n’est pas sa priorité, et ils ont bien du mal à obtenir un semblant de rubato expressif par-ci par-là. On ressent un manque drastique de communication entre la fosse et le plateau. Là où Robert Tuohy dirigeait avec souplesse et construisait un arc dramatique avec une délicatesse d’orfèvre en respirant avec les chanteurs, Finzi fait caracoler son (magnifique) orchestre en mode symphonique (dont curieusement certains instrumentistes sont surélevés, juchés sur des chaises hautes, pour plus d’éclat ?) mais ne permet guère l’émotion du spectateur. Il ne semble pas maîtriser les codes de l’opéra romantique français, et c’est bien dommage. Même les chœurs en souffrent, moins souples et épousant moins la phrase musicale que ceux de Limoges, malgré de grandes qualités et des basses très impressionnantes ; l’étagement des plans admirables à Limoges est ici moins nettement esquissé. Leurs tutti sont même un peu violents, mais cette impression est peut-être dû à notre placement en loge près de l’avant-scène, au plus près d’eux.

Le début de la représentation, après le premier chœur « Sur la grève en feu » lestement enlevé, permet de retrouver en Nadir et en Zurga deux interprètes qui sans doute n’ont pas de rivaux aujourd’hui dans ces rôles, et pas seulement dans l’Hexagone : Julien Dran, délié, lumineux, délicat et puissant à la fois, coureur des bois et tout autant séducteur physiquement et vocalement, et Alexandre Duhamel, puissant mais souple, au timbre légèrement plus sombre qu’auparavant, mais tout aussi éclatant.

Ils portent beau dans leurs costumes orangés, sans changement depuis Limoges, les décors d’Alexandre Heyraud et la scénographie étant les mêmes et la mise en scène de Bernard Pisani légèrement modifiée pour s’adapter aux coulisses plus étroites de l’opéra de Nice.

Le premier à entrer en scène, après le chœur d’introduction « Sur la grève en feu », est Alexandre Duhamel. Son jeu sobre, mélange d’autorité et de morgue, dessine un dirigeant ambivalent, qui va peu à peu montrer son humanité, non sans hésitations, dans la jalousie comme dans le sacrifice. Le récitatif avec le chœur qui mène à son élection comme chef ne permet pas de douter de la force du personnage, pas plus que celle de l’interprète.

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© Dominique Jaussein


L’entrée de Nadir conduit vite au duo « Au fond du temple saint », qui propulse déjà la soirée vers les sommets. La fusion des timbres, la pureté de l’émission de chacun, la parfaite articulation, la diction superlative et l’évidente complicité des deux chanteurs, nous entraînent sans délai vers l’émotion la plus pure. La reprise « Oui c’est elle, c’est la déesse » se substitue cette fois à « Amitié sainte », pour le plus grand plaisir des chanteurs comme des spectateurs, la version originale étant cette fois remisée.

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© N. Agomeri

Le récitatif suivant montre Alexandre Duhamel encore une fois très à son aise dans la description tout en legato de la femme inconnue, quoiqu’il ne lance plus le fortissimo traditionnel sur « et ce chant», remplacé par un piano. Cette fois, « fête avec nous son arrivée », toujours aussi éclatant, n’est plus lancé vers la coulisse, mais le public en profite mieux.

Après les imprécations de Zurga arrive Leila, perchée au-dessus d’une vague, et Gabrielle Philiponet, qui s’était annoncée quelque peu malade, réussit néanmoins son entrée avec un impact certain. Ses réponses à Zurga sont assurées et lumineuses, et augurent bien de la suite.

Et la suite, c’est déjà la romance de Nadir, dont Julien Dran nous fait l’offrande, après un très souple récitatif, lourdement ponctué par l’orchestre. La ligne est d’une beauté absolue, la voix parfaitement mixée, les nuances réellement en situation, parsemées dans un legato de rêve, et l’extase du spectateur est totale, quand il se couche et paraît vraiment s’endormir après un dernier « charmant souvenir » en diminuendo, d’une longueur de souffle grandiose. Coup de grâce pour le public et ovation plus que méritée. Avec lui on comprend ce qu’est l’adéquation totale entre un artiste, une interprétation vocale et un rôle.

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© Marine Cessat-Begler

Après le chœur en coulisses « Le ciel est bleu » apparaît Nourabad, et cette fois c’est une franche déception. Ce n’est pas faire injure à Philippe Kahn que de considérer que l’essentiel de sa très belle carrière est derrière lui. Nourabad était-il un choix pertinent à ce stade de l’évolution de sa voix? Une grande partie du rôle est située entre le haut médium et l’aigu, qui maintenant sonnent chez lui éteints et sans projection. Il déclame plus qu’il ne chante, et une seule de ses apparitions lui permettra de s’exprimer presque librement. A part un petit déficit de projection, Frédéric Caton livrait à Limoges et Reims une prestation très supérieure dans tous les domaines, souplesse, liberté d’émission, articulation, fantastique présence muette : les regards entre Zurga et Nourabad, si prenants avec lui, perdent de leur force à Nice, malgré une haute stature et l’originalité d’une coiffure en dreadlocks.

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© Marine Cessat-Begler

Gabrielle Philiponet, quant à elle, prend possession de la scène et après ses échanges avec le chœur (« Blanche Shiva »), où fusent de lumineuses répliques de Nadir, elle délivre un air brillant (« Dans le ciel sans voile »), ponctué de trilles bien exécutés et de vocalises électrisantes, malgré un grave un peu sourd. Dans l’aigu, la voix franche et claire est projetée avec une netteté qu’Hélène Guilmette ne pouvait que lui envier, même si le timbre de la soprano canadienne était plus suave et son vibrato plus régulier. Seuls quelques graillons nous permettent de nous rendre compte que la soprano lutte contre quelques microbes, qui lui causent de rares instabilités. L’acte s’achève sur le duo Nadir/choeur (« Ah, chante, chante encore »), qui plonge Leila dans une douce rêverie.

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© Marine Cessat-Begler

L’acte deux, après l’entracte, s’ouvre, après le chœur « L’ombre descend des cieux », avec ses splendides rythmes aux tambours de basque, sur une intervention solide du Nourabad de Philippe Kahn, (« Les barques ont gagné la grève »), plus grave et confortable pour lui, avant que Gabrielle Philiponet confirme sa belle adéquation au rôle de Leïla avec son grand air « Me voilà seule dans la nuit… Comme autrefois », qui lui permet de se monter au niveau de ses partenaires et de donner à la production un équilibre différent. Sa beauté physique n’est pas totalement étrangère à l’impression qu’elle laisse au public.

Mais sans transition Julien Dran entonne sa chanson en coulisses, (« De mon amie fleur endormie ») avec un très net effet de rapprochement, le legato parfait et la longueur de souffle créant une sensation divine de suspension, et la lumière de son timbre ensorcelle l’auditoire, avant le duo.

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© Marine Cessat-Begler

Celui-ci se situe un cran en-dessous, un peu déséquilibré par les fortissimi quelque peu vrillés de Gabrielle Philiponet, qui tire un peu trop la couverture à elle, notamment dans le récitatif, Giuseppe Finzi maintenant ses chanteurs dans des rythmes sans souplesse de sorte que l’émotion du spectateur en pâtit, alors que Julien Dran, toujours prodigue en lumière et en legato, suspend le public à ses lèvres, jusqu’au pianissimo le plus ténu.

Quand Nourabad découvre les amants, la voix de Philippe Kahn se dérobe dans l’imprécation, et il parle plus qu’il ne chante. «Ô nuit d’épouvante » n’est pas le meilleur moment du chœur, légèrement instable chez les femmes, d’un rythme non sans faille, tandis que les basses, elles, resplendissent. La présentation des coupables n’est pas plus aisée pour Philippe Kahn, mais l’arrivée de Zurga, depuis longtemps absent de scène, est d’un éclat impressionnant : la puissance du baryton, modérée par une souplesse d’émission de haut vol, explose sans stridence ni excès, la voix pleine et libre s’épanouissant dans une fureur contrôlée. « Zurga commande en maître », dit le chœur, effectivement. C’est alors que le cri d’effroi de Zurga qui comprend la trahison de Leïla conclut l’acte deux avec une force grandiose, et ses appels à la vengeance étreignent le spectateur, alors que Giuseppe Finzi fouette les cuivres avec une joie quasi suspecte, tandis que le chœur finit l’action sur des phrases de prière (« Divin Brahma ») qui marquent son désarroi.

L’acte trois démarre de façon tellurique, avec un orage fouetté par Giuseppe Finzi, puis Zurga entame son grand air couché sur un canapé, et enfin délivré de son turban, ivre de rage froide après une nuit sans sommeil. L’éventail des nuances développées par le baryton français est d’une largeur confondante, à l’unisson des sentiments contradictoires qui oppressent le personnage. L’émotion qui l’étreint au souvenir de son « jeune âge » est traduite par une voix mixte totalement maîtrisée, les sentiments bouillonnent dans sa poitrine jusqu’à l’explosion du « Ah, pardonnez aux transports d’un cœur irrité », jusqu’au pianissimo final. Cette fois, l’ovation est pour Zurga, tout autant méritée.

La scène qui suit sera moins touchante, malgré l’incroyable puissance otellienne qui se dégage du jeu de scène d’Alexandre Duhamel, l’équilibre avec Gabrielle Philiponet étant cette fois encore imparfait dans « Je frémis, je chancelle », où la puissance de sa voix contredit un peu trop le texte, tandis que le grave, lui, est difficile d’accès.

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© Marine Cessat-Begler

Comme à Limoges et à Reims, c’est dans la retenue que la puissance d’Alexandre Duhamel s’exprime avec le plus de force: « Pour t’aider à mourir », traduisant le déchirement intérieur du personnage, est un modèle. La puissance des fortissimi de Gabrielle Philiponet se retrouvent plus en situation dans « « Eh bien, va, venge-toi donc, cruel », même si la scène se conclut sur un suraigu sans doute inutile, ce dont le chef n’est sans doute pas innocent.

Alors que Zurga réalise ce qu’il doit à Leïla, arrive le dernier tableau, celui du sacrifice, où les danseurs une fois encore accompagnent l’action de belle façon. Nadir sous émeut avec « Hélas, qu’ont-ils fait de Leïla ? » somptueusement phrasé, qui, après une intervention de Nourabad, nous entraine vers le duo « Ô lumière sainte », à peine mieux équilibré que les précédents.

Le finale explose alors, mené de main de maître par Zurga qui allume un incendie en forme de diversion, et laisse échapper les prisonniers, puis conclut l’œuvre de façon bouleversante, emporté par une vague après avoir lancé un dernier adieu à ses rêves d’amour.

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© Marine Cessat-Begler

Quand retentissent les derniers accords, on ne peut pas éviter de penser que cette série clôt une impressionnante aventure humaine pour certains de ses protagonistes, en attendant que cette production renaisse, qui sait, avec le même duo masculin, sur d’autres scènes.

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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Bernard C » 02 déc. 2018, 14:40

Énorme CR +++ , dont la qualité permet de faire vivre mon document audio " comme si j'y étais"

Merci
:wink:

Bernard
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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Pimène » 02 déc. 2018, 15:29

Merci Bernard!
Tu as mis le doigt dessus : plutôt que d'évoquer et critiquer, je cherche à faire revivre la soirée.

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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Bernard C » 20 déc. 2018, 21:34

J'ai écouté enfin la seconde partie.

Un Alexandre Duhamel dans ses grandes œuvres.

Bravo.

C'est vrai ce n'est pas une" révélation" .
Mais Dran comme Duhamel mériteraient vraiment cette année d'être salués parmi nos chanteurs qui nous donnent du bonheur...au moment où l'on va s'accorder sur des ODB d'or 2018.

Bernard
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Re: Bizet - Les Pêcheurs de Perles - Finzi/Pisani - Nice - 11/2018

Message par Markossipovitch » 21 déc. 2018, 14:26

Bien d'accord avec toi, Bernard!
Merci!!

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