Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
- MariaStuarda
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Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Semiramide
Gioachino Rossini
Teatro la Fenice
Semiramide : Jessica Pratt
Arsace : Teresa Iervolino
Assur : Alex Esposito
Idreno : Enea Scala
Oroe : Simon Lim
Azema : Marta Mari
Mitrane : Enrico Iviglia
L’ombra di Nino : Francesco Milanese
Direction : Riccardo Frizza
Mise en scène : Cecilia Ligorio
Décors : Nicolas Bovey
Costumes : Marco Piemontese
Chorégraphie : Daisy Ransom Phillips
Maître des chœurs : Claudio Marino Moretti
Danseuses : Olivia Hansson, Elia Lopez Gonzalez, Marika Meoli, Sau-Ching Wong
Orchestre et chœur du Theatre La Fenice
Représentation du mardi 23 octobre 2018.
Semiramide est le dernier opéra de Rossini composé dans la péninsule et par sa maturité, un véritable chef d’œuvre. Cette œuvre magnifique est l’adaptation d’une œuvre de Voltaire au prix de quelques changements notables, dont la création du personnage d’Idreno dans le seul but de créer un rôle pour ténor.
Et pour cette production, c’est un retour aux sources puisque l’œuvre a été créée à la Fenice où fut réunie, en 1823, une distribution dominée par « La » Colbran. Reprendre cet opéra ici-même dans une version enfin complète (4h de musique), c’est continuer et renouveler l’histoire du théâtre qui plus est avec une équipe excellente d’une homogénéité parfaite. Notons que, hormis Jessica Pratt et Simon Lim, la distribution est largement italienne.
Habituée à la fréquentation des scènes italiennes qui glorifient Donizetti, Bellini et Rossini, Jessica Pratt est aujourd’hui une des interprètes qui s’attache le plus à faire vivre, voire renaître, le répertoire du bel canto. Elle perpétue ainsi une œuvre initiée par d’illustres devancières comme Maria callas, Joan Sutherland, Montserrat Caballé ou Bervely Sills et, dans la période actuelle, on a du mal à lui trouver concurrente dans la globalité de ce répertoire.
Elle a le talent pour le faire ! Le rôle de Semiramide est lourd ; Et Pratt l’assure crânement du début à la fin, suraigus compris. Son « bel raggio lusinghier » est magnifique mais l’apothéose de la soirée viendra, au second acte, du superbe duo avec Assur, duo où la reine de Babylone dévoile son côté sombre de comploteuse et d’assassin et où la voix se pare d’aigus tranchants et de graves magnifiques. Elle y fait alors preuve d’une autorité appuyée sur une largeur de registre impressionnante.
Teresa Iervolino, dans le rôle d’Arsace, est confrontée à la comparaison d’autres « poids lourds » rossiniens comme Marilyn Horne. Le personnage est un rôle clé de l’œuvre, celui du prince étranger qui se transformera en époux potentiel, puis en fils et assassin de la reine. C’est lui, comme Oreste, dont l’identité est ignorée de tous et par lequel tout se résout. Son air d’entrée est redoutable. Et dès le début on est frappé par cet art des vocalises - art qu’elle est probablement la meilleure à maîtriser parfaitement ce soir - ainsi que par la beauté du timbre même si l’on connut des graves et des aigus plus spectaculaires. Le duo avec la reine, magnifié par ces deux interprètes, rend incontestablement un hommage exceptionnel au chant rossinien.
Face à cet ange ignorant et vengeur, la figure sombre d’Assur, prince ambitieux et meurtrier, est assurée par l’excellent Alex Esposito. Sa voix, belle, puissante donne à ressentir l’autorité du « méchant » sans états d’âme qui affronte la quasi-totalité des autres personnages et est totalement en phase avec l’écriture et les caractéristiques du rôle.
Le rôle du ténor, que Rossini créa de manière artificielle puisque, comme rappelé plus haut, ce personnage n’existe pas chez Voltaire, donne aux mélomanes l’occasion de lui être reconnaissants pour l’éternité, notamment en raison des deux airs fantastiques que l’on trouve dans chacun des deux actes.
Dans le rôle d’Idreno, le chant d’Enea Scala est rompu aux exigences du compositeur, même s’il fait confidence être plus à l’aise chez Donizetti et Bellini en raison des nombreuses vocalises dans l’écriture du maitre de Pesaro.
On a du mal à faire siennes ces affirmations tant on est confondu par la beauté de ce timbre viril aux graves et au médium charpentés et sonores ainsi qu’aux aigus triomphants qui l’orientent de plus en plus vers une véritable typologie de baryténor.
Les deux airs sont une véritable splendeur et on ne peut que conseiller aux spectateurs français d’aller écouter le ténor à Marseille où il sera très présent cette saison respectivement dans La donna del lago, Traviata et Rigoletto.
Enfin, la distribution est complétée par un Simon Lim, puissant Oroe à la voix profonde.
Le spectacle est total et la réussite de la soirée tient également aux talents du chef, Riccardo Frizza, de l’orchestre et du chœur de la Fenice. La tension ne retombe jamais ; et le second acte qui voit se dénouer les fils tragiques de l’histoire est d’une intensité rare. Il est d’autant plus dommage qu’une partie des spectateurs, probablement déjà épuisée par les deux heures de musique qui précédaient, aient préféré aller se trouver une table de restaurant dans la cité des doges plutôt que de jouir de la totalité de cette œuvre superbe.
Enfin, la mise en scène de Cecilia Ligorio est non seulement belle mais également très juste dans l’interprétation de l’œuvre. L’univers de Babylone est d‘abord traité avec une certaine emphase, les costumes et les décors sont somptueux. Puis, la montée de l’intrigue et l’arrivée du spectre et de ses imprécations se traduisent par une opposition progressive entre les dorures éblouissantes du début et le noir de plus en plus présent, y compris lorsque la robe de Semiramide se souille de son infamie.
La scène finale de la tombe de Nino se déroulera dans une pénombre occupant un plateau devenu complètement nu. Le monde de la reine impie s’est effondré, le nouveau monde de Ninia peut émerger.
Après une réussite aussi totale, et alors que les intégrales enregistrées se font rares, on se dit qu’une maison de disque serait bien inspirée d’immortaliser cette soirée mémorable.
Paul Fourier
Gioachino Rossini
Teatro la Fenice
Semiramide : Jessica Pratt
Arsace : Teresa Iervolino
Assur : Alex Esposito
Idreno : Enea Scala
Oroe : Simon Lim
Azema : Marta Mari
Mitrane : Enrico Iviglia
L’ombra di Nino : Francesco Milanese
Direction : Riccardo Frizza
Mise en scène : Cecilia Ligorio
Décors : Nicolas Bovey
Costumes : Marco Piemontese
Chorégraphie : Daisy Ransom Phillips
Maître des chœurs : Claudio Marino Moretti
Danseuses : Olivia Hansson, Elia Lopez Gonzalez, Marika Meoli, Sau-Ching Wong
Orchestre et chœur du Theatre La Fenice
Représentation du mardi 23 octobre 2018.
Semiramide est le dernier opéra de Rossini composé dans la péninsule et par sa maturité, un véritable chef d’œuvre. Cette œuvre magnifique est l’adaptation d’une œuvre de Voltaire au prix de quelques changements notables, dont la création du personnage d’Idreno dans le seul but de créer un rôle pour ténor.
Et pour cette production, c’est un retour aux sources puisque l’œuvre a été créée à la Fenice où fut réunie, en 1823, une distribution dominée par « La » Colbran. Reprendre cet opéra ici-même dans une version enfin complète (4h de musique), c’est continuer et renouveler l’histoire du théâtre qui plus est avec une équipe excellente d’une homogénéité parfaite. Notons que, hormis Jessica Pratt et Simon Lim, la distribution est largement italienne.
Habituée à la fréquentation des scènes italiennes qui glorifient Donizetti, Bellini et Rossini, Jessica Pratt est aujourd’hui une des interprètes qui s’attache le plus à faire vivre, voire renaître, le répertoire du bel canto. Elle perpétue ainsi une œuvre initiée par d’illustres devancières comme Maria callas, Joan Sutherland, Montserrat Caballé ou Bervely Sills et, dans la période actuelle, on a du mal à lui trouver concurrente dans la globalité de ce répertoire.
Elle a le talent pour le faire ! Le rôle de Semiramide est lourd ; Et Pratt l’assure crânement du début à la fin, suraigus compris. Son « bel raggio lusinghier » est magnifique mais l’apothéose de la soirée viendra, au second acte, du superbe duo avec Assur, duo où la reine de Babylone dévoile son côté sombre de comploteuse et d’assassin et où la voix se pare d’aigus tranchants et de graves magnifiques. Elle y fait alors preuve d’une autorité appuyée sur une largeur de registre impressionnante.
Teresa Iervolino, dans le rôle d’Arsace, est confrontée à la comparaison d’autres « poids lourds » rossiniens comme Marilyn Horne. Le personnage est un rôle clé de l’œuvre, celui du prince étranger qui se transformera en époux potentiel, puis en fils et assassin de la reine. C’est lui, comme Oreste, dont l’identité est ignorée de tous et par lequel tout se résout. Son air d’entrée est redoutable. Et dès le début on est frappé par cet art des vocalises - art qu’elle est probablement la meilleure à maîtriser parfaitement ce soir - ainsi que par la beauté du timbre même si l’on connut des graves et des aigus plus spectaculaires. Le duo avec la reine, magnifié par ces deux interprètes, rend incontestablement un hommage exceptionnel au chant rossinien.
Face à cet ange ignorant et vengeur, la figure sombre d’Assur, prince ambitieux et meurtrier, est assurée par l’excellent Alex Esposito. Sa voix, belle, puissante donne à ressentir l’autorité du « méchant » sans états d’âme qui affronte la quasi-totalité des autres personnages et est totalement en phase avec l’écriture et les caractéristiques du rôle.
Le rôle du ténor, que Rossini créa de manière artificielle puisque, comme rappelé plus haut, ce personnage n’existe pas chez Voltaire, donne aux mélomanes l’occasion de lui être reconnaissants pour l’éternité, notamment en raison des deux airs fantastiques que l’on trouve dans chacun des deux actes.
Dans le rôle d’Idreno, le chant d’Enea Scala est rompu aux exigences du compositeur, même s’il fait confidence être plus à l’aise chez Donizetti et Bellini en raison des nombreuses vocalises dans l’écriture du maitre de Pesaro.
On a du mal à faire siennes ces affirmations tant on est confondu par la beauté de ce timbre viril aux graves et au médium charpentés et sonores ainsi qu’aux aigus triomphants qui l’orientent de plus en plus vers une véritable typologie de baryténor.
Les deux airs sont une véritable splendeur et on ne peut que conseiller aux spectateurs français d’aller écouter le ténor à Marseille où il sera très présent cette saison respectivement dans La donna del lago, Traviata et Rigoletto.
Enfin, la distribution est complétée par un Simon Lim, puissant Oroe à la voix profonde.
Le spectacle est total et la réussite de la soirée tient également aux talents du chef, Riccardo Frizza, de l’orchestre et du chœur de la Fenice. La tension ne retombe jamais ; et le second acte qui voit se dénouer les fils tragiques de l’histoire est d’une intensité rare. Il est d’autant plus dommage qu’une partie des spectateurs, probablement déjà épuisée par les deux heures de musique qui précédaient, aient préféré aller se trouver une table de restaurant dans la cité des doges plutôt que de jouir de la totalité de cette œuvre superbe.
Enfin, la mise en scène de Cecilia Ligorio est non seulement belle mais également très juste dans l’interprétation de l’œuvre. L’univers de Babylone est d‘abord traité avec une certaine emphase, les costumes et les décors sont somptueux. Puis, la montée de l’intrigue et l’arrivée du spectre et de ses imprécations se traduisent par une opposition progressive entre les dorures éblouissantes du début et le noir de plus en plus présent, y compris lorsque la robe de Semiramide se souille de son infamie.
La scène finale de la tombe de Nino se déroulera dans une pénombre occupant un plateau devenu complètement nu. Le monde de la reine impie s’est effondré, le nouveau monde de Ninia peut émerger.
Après une réussite aussi totale, et alors que les intégrales enregistrées se font rares, on se dit qu’une maison de disque serait bien inspirée d’immortaliser cette soirée mémorable.
Paul Fourier
- PlacidoCarrerotti
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Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Et moi demain pour mon propre compte
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).
Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Bah dites moi, alléchant le plateau!
- Snobinart
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Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Ah, tu t'es décidé finalement ?
- MariaStuarda
- Basse
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Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Qu’en as tu pensé ?
Parce que moi c’etait juste waoooooooo
- MariaStuarda
- Basse
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Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Ma critique est en tête du fil.
Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Après Marseille , Florence , Venise ou J Pratt affine son personnage , dommage qu Arsace a été confié a Iervolino car le reste de la distribution est de qualité
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- Ténor
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Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Ce n'est pas l'avis de tout le monde...
- MariaStuarda
- Basse
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Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Pas le mien en tous cas ... (pour Iervolino)
Re: Rossini - Semiramide - Frizza / Ligorio - La Fenice - 10/2018
Iervolino est magnifique!