Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
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Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Et voilà ma critique de la soirée d'hier :
Candide
Leonard Bernstein
Théâtre des Champs-Elysées
Mercredi 17 octobre 2018
Candide est une œuvre principalement connue pour ses moments de bravoure, son ouverture et l’air de Cunégonde, airs facilement efficients en concert ou encore interprétés par les coloratures assez extraverties pour l’oser.
Ce bébé, conçu par « Lenny » Bernstein, originellement mal parti dans la vie, en échec à sa création en 1956, a pourtant vu plusieurs fées se pencher sur son berceau entre cette date et 1988 lorsque la version de l’œuvre devient définitive.
Le conte, mis en musique, tiraillé entre des parents comédie musicale - opérette d’une part, et opéra de l’autre, semble aussi bâtard que son héros. De surcroît, son écriture est alourdie, pour ne pas écrire plombée, par des récitatifs omniprésents, principalement destinés à situer les pérégrinations des personnages et les transitions qu’elles entraînent.
Pour autant, même si cet ensemble peine parfois à atteindre la dimension d’une œuvre globale, ce patchwork d’airs offre de belles surprises, à l’instar de celles naissant des solos de Candide, de Cunégonde ou de la gavotte de Venise.
Le conte philosophique de Voltaire qui s’inscrivait dans un débat entre celui-ci et Leibniz, entre un monde parfait imaginé par Dieu et le monde réel truffé d’horreurs, peine à trouver quelque résonance dans le contexte de notre époque. Certes, dans les années 50, du fait des monstruosités d’une guerre qui venait de s’achever et d’une Amérique tourmentée par le Maccarthysme, Berstein choisissait alors de donner un second souffle, amer, au récit de Voltaire. Mais l’époque de pessimisme que nous connaissons semble renvoyer toute philosophie d’espoir au passé et dater l’œuvre dans des temps révolus. Ne reste alors qu’une suite de situations rendues comiques par leur absurdité, notamment par les outrages et résurrections diverses connus par la bande de pauvres hères, bien pitoyables.
Pour le coup, cette œuvre demande un groupe de chanteurs / acteurs prêts à faire passer dans leur chant et leurs attitudes, le délire des situations qu’ils endurent et cela, paradoxalement aussi, dans une version concert.
Jack Swanson, jeune ténor américain, puise sans problèmes, dans ses racines, une voix riche relevant largement de la comédie musicale de Broadway. Son physique de jeune gendre, bien sous tous rapports, allié à sa voix idoine, donne une parfaite crédibilité à son héros qui promène sa candeur au milieu des catastrophes naturelles comme des bordels.
Même si elle respecte parfaitement la partition et ses difficultés, Sabine Devieilhe est, ce soir, en revanche, plus en difficulté, notamment à cause d’une projection clairement limitée et d’aigus privés de puissance. Dans son grand air, elle ne parvient pas à larguer les amarres, voire à « péter les plombs » pour incarner les délires vénaux et amers de la jeune fille innocente devenue foldingue de tripot.
Dès lors, Sophie Koch qui trouve des accents désopilants pour sa « vieille » rouée, parvient souvent à prendre l’ascendant dans les duos qu’ont les des deux femmes. La chanteuse française, qui remplaçait Anne-Sophie Von Otter, est idéale dans ce rôle et le contraste, entre la femme « chic », toute vêtue d’une élégante robe rouge, jouant avec ses lunettes de marque, et la matrone d’expérience « à une fesse » qui ne rechigne pas à pervertir Cunégonde, est savoureux.
Même si sa belle voix de baryton achoppe parfois sur les récitatifs en anglais, Nicolas Rivenq à qui échoue la dure tâche de raconter l’histoire, s’en sort avec les honneurs.
Tous parfaitement dans le ton farcesque de cette histoire acadabrantesque, Jennifer Courcier, Jean-Gabriel Saint-Martin et Kevien Amiel complètent joyeusement une distribution sinon exceptionnelle, mais du moins qui sert globalement bien cette œuvre atypique.
Enfin, Robert Tuohy, à la tête de l’orchestre, ainsi que le choeur dirigé par Emmanuel Trenque, contribuent à la dynamique parfois pompière mais indispensable à l’écriture de Leonard Bernstein.
Paul Favart
Candide
Leonard Bernstein
Théâtre des Champs-Elysées
Mercredi 17 octobre 2018
Candide est une œuvre principalement connue pour ses moments de bravoure, son ouverture et l’air de Cunégonde, airs facilement efficients en concert ou encore interprétés par les coloratures assez extraverties pour l’oser.
Ce bébé, conçu par « Lenny » Bernstein, originellement mal parti dans la vie, en échec à sa création en 1956, a pourtant vu plusieurs fées se pencher sur son berceau entre cette date et 1988 lorsque la version de l’œuvre devient définitive.
Le conte, mis en musique, tiraillé entre des parents comédie musicale - opérette d’une part, et opéra de l’autre, semble aussi bâtard que son héros. De surcroît, son écriture est alourdie, pour ne pas écrire plombée, par des récitatifs omniprésents, principalement destinés à situer les pérégrinations des personnages et les transitions qu’elles entraînent.
Pour autant, même si cet ensemble peine parfois à atteindre la dimension d’une œuvre globale, ce patchwork d’airs offre de belles surprises, à l’instar de celles naissant des solos de Candide, de Cunégonde ou de la gavotte de Venise.
Le conte philosophique de Voltaire qui s’inscrivait dans un débat entre celui-ci et Leibniz, entre un monde parfait imaginé par Dieu et le monde réel truffé d’horreurs, peine à trouver quelque résonance dans le contexte de notre époque. Certes, dans les années 50, du fait des monstruosités d’une guerre qui venait de s’achever et d’une Amérique tourmentée par le Maccarthysme, Berstein choisissait alors de donner un second souffle, amer, au récit de Voltaire. Mais l’époque de pessimisme que nous connaissons semble renvoyer toute philosophie d’espoir au passé et dater l’œuvre dans des temps révolus. Ne reste alors qu’une suite de situations rendues comiques par leur absurdité, notamment par les outrages et résurrections diverses connus par la bande de pauvres hères, bien pitoyables.
Pour le coup, cette œuvre demande un groupe de chanteurs / acteurs prêts à faire passer dans leur chant et leurs attitudes, le délire des situations qu’ils endurent et cela, paradoxalement aussi, dans une version concert.
Jack Swanson, jeune ténor américain, puise sans problèmes, dans ses racines, une voix riche relevant largement de la comédie musicale de Broadway. Son physique de jeune gendre, bien sous tous rapports, allié à sa voix idoine, donne une parfaite crédibilité à son héros qui promène sa candeur au milieu des catastrophes naturelles comme des bordels.
Même si elle respecte parfaitement la partition et ses difficultés, Sabine Devieilhe est, ce soir, en revanche, plus en difficulté, notamment à cause d’une projection clairement limitée et d’aigus privés de puissance. Dans son grand air, elle ne parvient pas à larguer les amarres, voire à « péter les plombs » pour incarner les délires vénaux et amers de la jeune fille innocente devenue foldingue de tripot.
Dès lors, Sophie Koch qui trouve des accents désopilants pour sa « vieille » rouée, parvient souvent à prendre l’ascendant dans les duos qu’ont les des deux femmes. La chanteuse française, qui remplaçait Anne-Sophie Von Otter, est idéale dans ce rôle et le contraste, entre la femme « chic », toute vêtue d’une élégante robe rouge, jouant avec ses lunettes de marque, et la matrone d’expérience « à une fesse » qui ne rechigne pas à pervertir Cunégonde, est savoureux.
Même si sa belle voix de baryton achoppe parfois sur les récitatifs en anglais, Nicolas Rivenq à qui échoue la dure tâche de raconter l’histoire, s’en sort avec les honneurs.
Tous parfaitement dans le ton farcesque de cette histoire acadabrantesque, Jennifer Courcier, Jean-Gabriel Saint-Martin et Kevien Amiel complètent joyeusement une distribution sinon exceptionnelle, mais du moins qui sert globalement bien cette œuvre atypique.
Enfin, Robert Tuohy, à la tête de l’orchestre, ainsi que le choeur dirigé par Emmanuel Trenque, contribuent à la dynamique parfois pompière mais indispensable à l’écriture de Leonard Bernstein.
Paul Favart
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Entièrement d'accord avec ce compte-rendu.MariaStuarda a écrit : ↑18 oct. 2018, 17:21
Jack Swanson, jeune ténor américain, puise sans problèmes, dans ses racines, une voix riche relevant largement de la comédie musicale de Broadway. Son physique de jeune gendre, bien sous tous rapports, allié à sa voix idoine, donne une parfaite crédibilité à son héros qui promène sa candeur au milieu des catastrophes naturelles comme des bordels.
Même si elle respecte parfaitement la partition et ses difficultés, Sabine Devieilhe est, ce soir, en revanche, plus en difficulté, notamment à cause d’une projection clairement limitée et d’aigus privés de puissance. Dans son grand air, elle ne parvient pas à larguer les amarres, voire à « péter les plombs » pour incarner les délires vénaux et amers de la jeune fille innocente devenue foldingue de tripot.
Dès lors, Sophie Koch qui trouve des accents désopilants pour sa « vieille » rouée, parvient souvent à prendre l’ascendant dans les duos qu’ont les des deux femmes. La chanteuse française, qui remplaçait Anne-Sophie Von Otter, est idéale dans ce rôle et le contraste, entre la femme « chic », toute vêtue d’une élégante robe rouge, jouant avec ses lunettes de marque, et la matrone d’expérience « à une fesse » qui ne rechigne pas à pervertir Cunégonde, est savoureux.
Même si sa belle voix de baryton achoppe parfois sur les récitatifs en anglais, Nicolas Rivenq à qui échoue la dure tâche de raconter l’histoire, s’en sort avec les honneurs.
Tous parfaitement dans le ton farcesque de cette histoire acadabrantesque, Jennifer Courcier, Jean-Gabriel Saint-Martin et Kevien Amiel complètent joyeusement une distribution sinon exceptionnelle, mais du moins qui sert globalement bien cette œuvre atypique.
Enfin, Robert Tuohy, à la tête de l’orchestre, ainsi que le choeur dirigé par Emmanuel Trenque, contribuent à la dynamique parfois pompière mais indispensable à l’écriture de Leonard Bernstein.
Paul Favart
De plus, ainsi chantée, j'ai trouvé l’œuvre très riche sur le plan mélodique et bénéficiant d'un livret très drôle. Savez-vous si un enregistrement est prévu dans la foulée?
Enfin j'avais eu la bêtise d'acheter la version Bernstein en version économique et sans livret. Dans la nouvelle édition remasterisée ci-dessous sous forme de joli livre, y-a-t-il un livret traduit en français?
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Bon, je réponds à ma propre question pour ceux que cela intéresse dans la mesure où j'ai "craqué" sur ce coffret sous forme de petit livre.
Le livret est bien traduit en français (ainsi qu'en allemand), comporte des photos des répétitions (dont une, sublime, de Christa Ludwig) et deux essais traduits, eux aussi : l'un d'Andrew Porter ("Introduction à Candide") et l'autre de John Wells ("Bernstein et Voltaire") ainsi qu'une biographie des interprètes.
"Cerise sur le gâteau" : le DVD du spectacle avec sous-titres français est proposé en bonus.
Un bien bel objet qui permet d'appréhender l’œuvre dans les meilleures conditions. Et comme il s'agit, à mon avis, d'un des joyaux de la musique lyrique américaine, il ne faut pas hésiter.
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Un compte-rendu qui donne envie de découvrir l'œuvre.MariaStuarda a écrit : ↑18 oct. 2018, 17:21Et voilà ma critique de la soirée d'hier :
Candide
Leonard Bernstein
Théâtre des Champs-Elysées
Mercredi 17 octobre 2018
Candide est une œuvre principalement connue pour ses moments de bravoure, son ouverture et l’air de Cunégonde, airs facilement efficients en concert ou encore interprétés par les coloratures assez extraverties pour l’oser.
Ce bébé, conçu par « Lenny » Bernstein, originellement mal parti dans la vie, en échec à sa création en 1956, a pourtant vu plusieurs fées se pencher sur son berceau entre cette date et 1988 lorsque la version de l’œuvre devient définitive.
Le conte, mis en musique, tiraillé entre des parents comédie musicale - opérette d’une part, et opéra de l’autre, semble aussi bâtard que son héros. De surcroît, son écriture est alourdie, pour ne pas écrire plombée, par des récitatifs omniprésents, principalement destinés à situer les pérégrinations des personnages et les transitions qu’elles entraînent.
Pour autant, même si cet ensemble peine parfois à atteindre la dimension d’une œuvre globale, ce patchwork d’airs offre de belles surprises, à l’instar de celles naissant des solos de Candide, de Cunégonde ou de la gavotte de Venise.
Pour un interprétation toutes amarres larguées , on peut trouver sur YT un Glitter et be gay (en concert) par Damrau où elle semble totalement en roue libre...
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Cétait déjà nos commentaires en Zerbinette, il est visible que Lakmé et les "filles toutes douces" comme dirait Foresti lui conviennent mieux pour l'instantMariaStuarda a écrit : ↑18 oct. 2018, 17:21Même si elle respecte parfaitement la partition et ses difficultés, Sabine Devieilhe est, ce soir, en revanche, plus en difficulté, notamment à cause d’une projection clairement limitée et d’aigus privés de puissance. Dans son grand air, elle ne parvient pas à larguer les amarres, voire à « péter les plombs » pour incarner les délires vénaux et amers de la jeune fille innocente devenue foldingue de tripot.
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Oui parce que le DVD seul n'a droit qu'à une présentation succincteLucas a écrit : ↑23 oct. 2018, 10:54"Cerise sur le gâteau" : le DVD du spectacle avec sous-titres français est proposé en bonus.
Un bien bel objet qui permet d'appréhender l’œuvre dans les meilleures conditions. Et comme il s'agit, à mon avis, d'un des joyaux de la musique lyrique américaine, il ne faut pas hésiter.
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Bien vu, Micaela.
La version de Damrau, complètement déjantée, est un sommet.
Juste derrière, Dessay qu'on peut aussi entendre sur YT : plus exacte sur le plan rythmique dans les vocalises mais un rien plus sage (même si tout est relatif).
Derrière ces deux là, tout est un peu plus fade.
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
je viens de retrouver une version qui m'avait marqué à New York (2002): moins performante que Damrau ou Dessay mais sublimement pétasse (il ne s'agit pas à proprement parlé d'une chanteuse même si elle a une formation lyrique mais d'une actrice)Lucas a écrit : ↑25 oct. 2018, 11:09Bien vu, Micaela.
La version de Damrau, complètement déjantée, est un sommet.
Juste derrière, Dessay qu'on peut aussi entendre sur YT : plus exacte sur le plan rythmique dans les vocalises mais un rien plus sage (même si tout est relatif).
Derrière ces deux là, tout est un peu plus fade.
https://www.youtube.com/watch?v=ib1beqRTMeI
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Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
Un comparatif, parfois cruel :
https://www.youtube.com/watch?v=nAAiOhIBcVM
https://www.youtube.com/watch?v=nAAiOhIBcVM
Re: Bernstein – Candide – Tuohy - vc – Marseille/TCE – 10/2018
A 1'44 :c'est la bande annonce d'Halloween? (merci pour le fou rire , c'est encore mieux que Lucrezia)houppelande a écrit : ↑25 oct. 2018, 12:31Un comparatif, parfois cruel :
https://www.youtube.com/watch?v=nAAiOhIBcVM
A 2'37 ce n'est plus Hallowween mais massacre à la tronçonneuse (mais c'est légal des trucs pareils? On ne risque pas la prison dans le cadre des lois antiterroristes?)
Mais mon classement reste inchangé Chenoweth pour l'interprétation, Damrau & Dessay pour le tout (voix & interprétation) même s'il y a de meilleures vidéos à disposition des deux dernières