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par romance » 07 août 2018, 11:37
« Les représentations de Mme Adelina Patti attirent toujours, au théâtre, une société d’élite. ..... Samedi, nous l’avons entendue dans le Barbier de Séville. La salle était comble ; une certaine curiosité avait amené cette affluence de spectateurs. Dans la Traviata comme dans Rigoletto, l’action dramatique tient une grande place dans les rôles de Mme Patti, et le chant la suit avec une grande fidélité ; l’une et l’autre se partagent les diverses émotions du public et en bénéficient, tandis que pour Rosine, dans le Barbier, l’action s’efface, pour ainsi dire, devant la musique. Or, si personne ne peut mieux que Mme Patti exprimer les sentiments d’amour et de douleur de Violetta ou Gilda, nulle n’a pu jusqu’à présent, gazouiller comme elle le rôle de Rosine ».
Je vous cite là, partiellement, l’article paru dans le JOURNAL de MONACO n° 1179 – du mardi 8 février 1881.
Parce que le vendredi 4 août 2018, l’affluence au Théâtre antique d’Orange n’avait probablement rien à envier à celle évoquée dans cet article, et parce qu’Olga Peretyatko n’avait rien du canari (comme l’a écrit JdB) ... elle n’a ni pépié, ni gazouillé !
Cette représentation fut un totale réussite, portée bien-entendu, par la musique de Rossini, le talent des interprètes, mais aussi par une mise en scène scintillante, vive, mordante, d’une réelle intelligence où la dynamique voulue par le metteur en scène Adriano Sinavia - un tournage à Cinecitta - se met au service de l’œuvre de Rossini... Un peu comme un « Tarentino de l’opéra » (sans la violence), dans une fantaisie en apparence débridée où, l’on peut, au détour, confondre Don Bartolo et Groucho, voir Almaviva prendre des allures de Jerry Lewis. Le ton est facétieux, les clins d’œil à la farce et à la comédie italienne, nombreux. Nous sommes « in the mood for opera buffa », pour que le talent, l’intelligence et le plaisir servent ce Barbier.
D’emblée, Giampaolo Bisanti s’impose avec une Sinfonia remarquable. Tout en restant en liaison avec le plateau, il dirige l’Orchestre National de Lyon avec finesse durant toute la représentation. Le pianofortiste se révèlera délicat et inspiré.
Ioan Hotea, après un début un peu en retrait, tant sur le plan vocal (rien de la voix sombre et du timbre barytonal prévus par Rossini, mais une voix un peu serrée, malgré des aigus faciles) - que sur le plan scénique, finit par entrer dans le jeu pour devenir un véritable partenaire de toute la distribution.
Olga Peretyatko, séduit d’emblée par son engagement - elle est une jeune femme vive et extravertie – comme par son timbre riche et ses aigus. Bruno de Simone campe un Bartolo parfait. Basilio est interprété par Alexeï Tikhomirov dont la voix porte, mais dont les graves, curieusement, semblent parfois en retrait (un méchant sifflet sera entendu). Annunziata Vestri est une Berta à l’abattage certain, avec une véritable présence scénique qui lui vaudra des applaudissements nourris.
Enfin, Florian Sempey incarne le Barbier parfait, et même un peu plus ... dans ce lieu magique où sa voix puissante, ronde, la connaissance parfaite du rôle, en un mot, son talent, nous amènent à sourire et rire avec lui, même quand ce n’est pas « dans le texte ».
Je n’oublierai pas de citer Gabriele Ribis, Fiorello et Enzo Ioro, en Ambrogio, autre factotum qui s’amuse à intervenir ... après s’être occupé des décors et des costumes.
J’ajoute que Bruno de Simone, (Don Bartolo), Annunziata Vestri (Berta), Gabriele Ribis (Fiorello) et Enzo Iorio interprétaient les mêmes rôles à l’Opéra de Monte Carlo en mars 2017.
L’article cité en préambule indique que le théâtre Argentina était plein (près de 1 000 spectateurs) ; le Théâtre antique était probablement complet (près de 9 000 spectateurs). Cent trente sept années se sont écoulées... Je crois ne pas faire preuve d’optimisme excessif en pensant que l’avenir du Barbier est définitivement assuré.