Bach-Passion selon St Jean-Spering / Audi-Rouen- 04/2018

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pingpangpong
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Bach-Passion selon St Jean-Spering / Audi-Rouen- 04/2018

Message par pingpangpong » 17 avr. 2018, 06:49

Hi Res Beeld AYMS 2 Koen Broos.jpg
Oratorio de Johann Sebastian Bach mis en espace
précédé d’un prologue d’Annelies Van Parys, And Thou Must Suffer, et entrecoupé de la pièce L’Apokalypse Arabe I de Samir Odeh-Tamimi

Direction musicale
Andreas Spering
Mise en espace Pierre Audi
Images Wim Delvoye
Scénographie et costumes
Roel Van Berckelaer
Vidéo
Myrjam Devriendt, Vincent Dunoyer
Lumières Peter Quasters

Evangéliste Jakob Pilgram
Christ Dominik Köninger
Soprano Grace Davidson
Alto Benno Schachtner
Ténor Magnus Staveland
Basse Tomás Král
B’Rock Orchestra
Cappella Amsterdam

Production Muziektheater Transparant et B’Rock Orchestra
Coproduction  Klarafestival, Kaaitheater, De Munt/La Monnaie et Cappella Amsterdam.

Ce spectacle, créé en 2016 à Bruxelles lors du Klara Festival, est la mise en perspective d'œuvres plastiques et musicales, dont celle de Bach ne serait qu'une partie du tout.
Figure majeure de l'art contemporain, l'artiste flamand Wim Delvoye articule son travail autour de domaines dissemblables voire incompatibles, ce “contre-emploi“ visant à mieux en extraire les problématiques, universelles et actuelles.
Les images projetées sur la musique préludant au chef-d'œuvre de J.S.Bach sont celles réalisées en 2006 sous le titre de Viae Crucis. Elles mettent en scène les quatorze stations du Chemin de croix, les protagonistes étant des souris radiographiées.
Cette Passion est donc celle d'un monde, le nôtre, où la doctrine religieuse doit être vue avec le recul nécessaire, voire avec scepticisme, la science aidant si nécessaire. L'évangéliste porte d'ailleurs une blouse blanche et est manifestement là pour bousculer quelques certitudes, notamment celle de Pierre et de Pilate qui semblent chercher à comprendre le sens des souffrances endurées par cet homme nommé Jésus.
Le calvaire n'est plus celui d'un homme unique, fils de Dieu qui plus est, mais à travers un homme ordinaire celui de l'humanité toute entière, le religieux étant évacué au profit des tragédies actuelles ou passées.

Pierre Audi choisit d'utiliser le chœur comme un chœur antique, et les personnages principaux sont mis en espace plutôt que dirigés comme pour un opéra, ce que cet oratorio n'est pas, les différents tableaux de la Passion du Christ étant cependant toujours identifiables. Pierre et Pilate y prennent une importance et une présence très forte, agissante, alors que la figure centrale de Jésus est comme figée dans des poses convenues, écrites à l'avance.
La mise en scène est sobre, et, malgré, les costumes contemporains, sweet-shirts à capuche de Pierre, blouse blanche de l'évangéliste, tee-shirt blanc de Jésus, etc, c'est bien la Passion telle qu'on la lit dans les Evangiles qui est représentée et jouée sur scène ; les références au Christ et à son martyr sont là, de par le texte évangélique tout d'abord ; de par la présence d'images telles que la croix lumineuse qui nous interpelle du fond de la scène avant même que le spectacle ne débute ; les bancs placés à la verticale figurant les croix des deux larrons ; les vidéos projetées montrant la restauration, au musée du Prado de Madrid, du Calvaire de Rogier van der Weyden, etc.
D'autres vidéos, moins pregnantes, montrent des branches, un dos nu, les mouvements graciles d'une main, les plis d'un épais tissu, d'un manteau,....
La musique de Bach proprement dite est enchaînée à la partition And Thou Must Suffer, comme née du néant, tendue mais par ailleurs très prenante, de A.Van Parys. C'est également cette œuvre qui clôt le spectacle avec une grande force émotive.
Venant sectionner brutalement en deux l'œuvre du Cantor, la musique atonale, de L’Apokalypse Arabe I signée Samir Odeh-Tamimi, associée à des images de ruines, allusion à la guerre civile qui mina le Liban de 1975 à 1990, et à toutes ces guerres qui font l'actualité encore aujourd'hui, ramène au cœur du propos la question de la souffrance humaine, de la violence et des réponses éventuellement apportées par les religions.
Disposé en arc de cercle sur la scène, l'orchestre B'Rock, aux superbes sonorités ambrées, est mêlé à l'action, le chef, assis de biais côté cour devant être attentif à être visible de tous.

Côté voix, le bilan est mitigé: Robert Davies est un Jésus trop pâle vocalement, et l'apôtre Pierre de M.Staveland comme l'évangéliste de J.Pilgram, aux voix instables n'évitant pas les failles, ne nous ont guère convaincus.
Tomáš Král, baryton efficace ; Benno Schachtner, voix d'alto bien projetée ; et Grace Davidson, beau timbre lumineux allié à un touchant lyrisme, apportent de tout autres satisfactions.

Une Passion qui, avec un regard contemporain sans gros sabots, ouvre des perspectives que J.S. Bach n'avait sans doute pas prévues mais dont on ne peut nier la pertinence.

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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