Boccherini- Stabat Mater- J.Chauvin.E.Melo - Rouen- 06/04/2018

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pingpangpong
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Boccherini- Stabat Mater- J.Chauvin.E.Melo - Rouen- 06/04/2018

Message par pingpangpong » 07 avr. 2018, 09:06

PROGRAMME
Luigi Boccherini Symphonie en sib G497, Andantino con moto
Francesco Corselli Lamentations du jeudi Saint
Luigi Boccherini Quintette en sol mineur op.46 n°4
Stabat Mater
__
Julien Chauvin violon et direction
Eduarda Melo soprano

Le Concert de la Loge :
AnaÏs Perrin violon
Marie Legendre alto
Julien Barre et Pierre-Augustin Lay violoncelles



En guise de mise en bouche, le quintette ouvrait cette soirée par l'andantino de la symphonie en si bémol de Boccherini. Nous prenions ensuite de la hauteur, au propre comme au figuré, car, sans transition, en un effet assez saisissant pour les spectateurs lui tournant le dos, Eduarda Melo postée en chaire, calquait alors sa voix sur l'ensemble instrumental pour interpréter les Lamentations du Jeudi Saint du compositeur originaire de la région de Crémone, Francesco Corselli. Son parcours, similaire à celui de Luigi Boccherini, devait l'amener à la cour d'Espagne dès l'âge de 29 ans et jusqu'à la fin de sa vie en 1778. L'œuvre entendue ici va l'amble, la voix faisant le récit linéaire du texte latin tiré des Lamentations de Jérémie.
Suivait le quintette en sol mineur op.46 de Boccherini, où le premier violon se fait quasi soliste, entraînant ses partenaires dans une partition goûteuse, contrastée et virtuose.

Exilé en Espagne lui aussi, à l'âge de 26 ans, Luigi Boccherini y passa le reste de sa vie avec le succès que l'on sait. C'est là, en 1781, à Las Arenas de San Pedro, que son Stabat Mater, bien moins joué que ceux de Pergolèse, Rossini ou Vivaldi, lui fut commandé par l'un des fils du roi Philippe V, l'infant Don Luis, soit Louis Antoine Jacques de Bourbon.
En 1801, Luigi Boccherini en écrivit une seconde version pour trois voix, avec une contrebasse en lieu et place du second violoncelle.
Le texte, divisé en douze parties où la compassion et l'empathie saisissent l'auditeur, est dû à Jacopone da Todi, poète franciscain ayant vécu au XIIIème Siècle.
Julien Chauvin et les cinq membres de son Concert de la Loge en donnent la mouture originelle, Eduarda Melo assurant la partie de soprano.
Cette voix fascine d'emblée, charnue et lumineuse, tenue avec une constance exemplaire trois quarts d'heure durant. Elle s'accorde on ne peut mieux avec le quintette qui semble épouser les délicates courbes vocales imaginées par le compositeur. La pureté des aigus, la souplesse de l'instrument, les irisations multiples déployées dans l'espace sonore, favorisé par une acoustique idéale, contribuent à envouter littéralement les spectateurs. Les parties vocales à nu, sur Ut sibi complaceam ou bien sur Cordi meo valide, laissent l'auditeur suspendu à la voix irréelle de la soprano portugaise.
Sans aucun effet superflu, avec, au contraire, une sobriété rare dans l'expression, quelques vocalises discrètes et disséminées avec pondération, comme dans le 6ème mouvement “Eja Mater, fons amoris“, Boccherini invite l'auditeur à s'approcher au plus près de la douleur de la Vierge Marie, comme pour mieux l'entendre, la rendre palpable.
Malgré tout, l'œuvre n'est en rien un pensum doloriste. L'atmosphère générale est plus sereine qu'affligée, plus intimiste qu'expansive, pleine de retenue et de tendre pudeur.
Le compositeur laisse au quintette le soin de varier l'expression et les couleurs exactement comme il le faisait pour sa musique de chambre, tandis que le chant, délicat, se fait le vecteur des émotions de la Vierge, et du témoin de sa douleur, excluant effusions et hystérie mais ne refusant pas l'emportement ou l'exaltation dans le Tui Nati vulnerati et le Fac me vere tecum flere qui suit. Les musiciens du Concert de la Loge l'ont bien saisi, qui ont su rendre le plus expressif possible ce qui pourrait devenir rapidement monotone. Ainsi le Virgo virginum praeclara, avec ses cordes en pizzicati, devient une superbe prière, où la voix transcende à chaque reprise le mot plangere.
Après une accélération du mouvement sur des paroles implorantes, on s'achemine vers la résignation, l'espérance dans la vie après la mort et l'accès de l'âme au Paradis, un bref amen concluant ce chef-d'œuvre absolu servi par des artistes accomplis.

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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