Bach : Passion selon St Matthieu-Chapelle Rhénane/B.Haller-Lyon 29/03/2018

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petitchoeur
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Bach : Passion selon St Matthieu-Chapelle Rhénane/B.Haller-Lyon 29/03/2018

Message par petitchoeur » 02 avr. 2018, 16:44

JEAN SEBASTIAN BACH: PASSION SELON SAINT MATTHIEU BWV 244

Daniel Schreiber, l'Evangéliste
Guilhem Worms, baryton, Jésus
Matthieu Lécroart, basse, Grand-Prêtre et Pilate
Jean-Baptiste Dumora, baryton, Judas
Philippe Roche, Pierre
Judith Fa, soprano
Aurore Bucher, soprano
Hasnaa Bennani, soprano
Stéphanie Révidat, soprano
Salomé Haller, alto
Paul-Antoine Benos, alto
Paco Garcia, ténor
Stéphane Olry, ténor

Maîtrise du Conservatoire de Lyon
La Chapelle Rhénane
Benoît Haller,
direction


La Chapelle de la Trinité à Lyon le 29 mars 2018

La passion du Christ est connue des chrétiens du XVIIIème siècle et son potentiel d’émotion n’a pas besoin d’être rehaussé de musique. Pourtant Jean-Sébastien Bach met en musique cette Passion selon Saint Matthieu pour les paroissiens de Saint Thomas de Leipzig : elle est créée le Vendredi Saint 1727. Les moindres gestes et paroles du Christ sont fidèlement repris du récit évangélique. Successivement le dernier repas du Christ, son arrestation, l’intervention de Caïphe, la crucifixion et la sépulture. Mais Bach, sur les chapitres 26 et 27 de Matthieu entièrement utilisés, « écrit la plus fascinante des pièces de théâtre. Jésus, ses amis, ses bourreaux vivent sous nos yeux dans une suite éblouissante de figures mélodiques et harmoniques […] le choix d’un instrument, la courbe ascendante ou descendante d’un phrase, une légère inflexion de voix, tout est fait pour aider notre esprit à mieux saisir le déroulement du mystère » (Jean-François Labie in Le Visage du Christ dans la musique baroque. Paris-1992). Cette mise en scène, d’un grand réalisme, donne à l’auditeur la certitude d’être témoin du drame. Les versets de l’Evangile, chantés par le ténor-évangéliste, sont complétés par des textes de dévotion et de méditation sous forme de choral luthérien (les paroles sont de Picander), chant de la communauté des croyants, et d’aria introduit par un arioso (un récitatif d’expression plus lyrique) qui permettent à chacun d’intérioriser le sacrifice du Christ.
Prenons un exemple: les numéros 50, 51 et 52. Le verset Alors Pilate relâcha Barrabas et, après avoir fait battre de verges Jésus, il le livra pour être crucifié est chanté par l’évangéliste de la manière la plus simple sous forme de récitatif. L’arioso qui suit est un commentaire de la flagellation illustré par des doubles-croches pointées aux cordes : la douleur de l’âme, le spectacle d’une telle détresse n’éveillent-ils pas votre pitié ? . L’aria qui achève cette scène, toujours rythmé par les cordes, est une prière individuelle chantée par une soliste : Seigneur, prenez mon cœur, qu’il soit l’écrin qui recueille le flot lorsque les blessures saignent goutte après goutte !
Pour accroître le traitement théâtral de cette Passion, Bach met en œuvre un dispositif imposant : deux chœurs, plus un chœur de sopranos, deux orchestres, de nombreux personnages et donc de nombreux solistes. A Leipzig, ce dispositif était réparti dans deux tribunes séparées ce qui ne peut être que rarement respecté aujourd’hui. Ce soir Benoît Haller est à la tête de son ensemble instrumental et choral La Chapelle Rhénane complétée dans la première partie par la jeune Maîtrise du Conservatoire de Lyon. Tous, chanteurs et instrumentistes, sont installés dans le chœur de la chapelle de la Trinité. Mais cela n’empêche pas une extraordinaire puissance lorsque cette masse est utilisée au complet -à laquelle s’ajoute la Maîtrise du Conservatoire de Lyon qui chante à l’unisson dans les chœurs d’entrée et de fin de la première partie - ou dans les chœurs de foule. Et ce dispositif donne beaucoup de relief grâce aux effets entre les deux chœurs : sous forme de question/réponse dans le chœur d’entrée : Sehet ! Wen ? Wie ? Was ? Wohin ? En écho dans le chœur final : Ruhe sanfte .
Daniel Schreiber est un évangéliste parfait : prononciation impeccable, intelligence du récit, clarté de la voix et juste proportion de lyrisme dans les fins de récitatifs penchant vers l’arioso. Les personnages tragiques sont servis par la voix de basse : Pilate chanté par Matthieu Lécroart au timbre généreux (excellent aussi dans les arias de basse), Pierre, l’homme du reniement, par Philippe Roche, Jésus par Guilhem Worms d’une voix profonde mais à l’articulation peu claire. Il est beaucoup plus à l’aise dans son air Viens douce croix parfaitement accompagné par le violoncelle et la contrebasse. Les voix d’alto sont utilisées par Bach pour exprimer l’inconcevable de manière dramatique : Paul-Antoine Bénos-Dijan, contre-ténor, et Salomé Haller sont très émouvants dans leurs nombreux arias. Les airs de ténor sont chantés d’une voix bien projetée par Paco Garcia, ceux de soprano par Hasnaa Bennani, au timbre onctueux et par Aurore Bucher à la voix un peu tendue.
Benoît Haller dirige l’ensemble avec autorité. Les chœurs, dont font partie les solistes, sont des acteurs essentiels : tour à tour foule agressive, apôtres inquiets, chrétiens en pleurs ou pleins d’espérance. Le double orchestre répond à toutes les sollicitations du chef : à noter les belles interventions des flûtes et des hautbois. Le continuo souligne avec grande précision l’articulation des récitatifs et des ariosos. Peut-être peut-on reprocher à Benoît Haller une tension permanente et un manque de nuances et de respirations qui renforceraient la théâtralité du drame voulu par Bach.
Belle exécution d’une œuvre grandiose.
Pierre Tricou

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