Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

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Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Luc ROGER » 18 mars 2018, 11:50

Image
Erich Wolfgang Korngold (1897 – 1957)

Das Wunder der Heliane


Opéra en trois actes en langue allemande
Libretto de Hans Müller-Einigen d'aprés „Die Heilige“ de Hans Kaltneker
Créé le 7 octobre 1927 au Staatsoper de Hambourg
Première au Deutsche Oper Berlin le 18 mars 2018

Distribution

Direction musicale Marc Albrecht
Mise en scène Christof Loy
Décors Johannes Leiacker
Costumes Barbara Drosihn
Lumière Olaf Winter
Choeurs Jeremy Bines
DramaturgieDorothea Hartmann

Thomas Jonigk
Heliane Sara Jakubiak
Der Herrscher, ihr Gemahl Josef Wagner
Der Fremde Brian Jagde
Die Botin Okka von der Damerau
Der Pförtner Derek Welton
Der blinde Schwertrichter Burkhard Ulrich
Der junge Mann Gideon Poppe
6 Richter Andrew Dickinson, Dean Murphy, Thomas Florio, Clemens Bieber, Philipp Jekal, Stephen Bronk
2 Seraphische Stimmen Sandra Hamaoui, Meechot Marrero

Choeurs Chor der Deutschen Oper Berlin
Orchestre Orchester der Deutschen Oper Berlin

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018ߧ

Message par Luc ROGER » 18 mars 2018, 11:54

Das Wunder der Heliane (Le Miracle d'Héliane) opus 20 est un opéra en trois actes d'Erich Wolfgang Korngold sur un livret de Hans Müller-Einingen d'après un mystère de Hans Kaltneker. Composé de 1923 à 1926, il est créé le 7 octobre 1927 au Stadttheater de Hambourg sous la direction de Egon Pollack.

Instrumentation

Quatre flûtes, deux hautbois, un cor anglais, trois clarinettes, une clarinette basse, deux bassons, un contrebasson, quatre cors, trois trombones, trois trompettes, un tuba, glockenspiel, xylophone, gong, tam-tam, triangle, caisse claire, grosse caisse, deux harpes, célesta, piano, orgue, harmonium, guitare, cordes.

La réception de l'oeuvre

Dès avant la première en 1927, Korngold avait affirmé que cet opéra serait son chef-d'oeuvre, mais le 7 octobre 1927 le public et la critique ne se montrèrent pas enthousiastes. De l'avis général, la musique était sans surprises et manquait de modernité, certains critiques auraient parlé d'une oeuvre kitsch. La presse française spécialisée de l'époque n'en parle quasi pas, sinon pour en mentionner brièvement la création.

Pourtant, d'autres voix se faisaient entendre au sein de la communauté des artistes, et non des moindres, comme ce fut le cas de Lotte Lehmann, qui alla jusqu'à avancer qu'elle avait trouvé dans Le miracle d'Héliane son opéra favori. L'opéra fut présenté au Berlin Städtische Oper avec Bruno Walter au pupitre, puis à Vienne, notamment avec Lehmann. On dispose encore d'un enregistrement de "Ich ging zu ihm" par la célèbre cantatrice (notamment diffusé sur youtube).

Korngold, d'origine juive, fut bien inspiré de fuir le nazisme et d'accepter en 1934 l'offre de max Reinhardt qui l'invitait á venir à Hollywood pour composer la musique de son film A Midsummer Night’s Dream. En Allemagne, son oeuvre passa à la trappe de la musique dégénérée (Entartete Musik).

En octobre 1993, la revue Études évoque l'opéra dans sa rubrique Choix de disques: "La firme Decca lance une collection, « Entarte Musik ou « Musique dégénérée », un titre dévolu aux partitions et aux compositeurs voués à l'anathème durant le nazisme. On y retrouvera non seulement des œuvres écrites par des juifs, mais aussi des musiques d'avant-garde non conformistes ». Cette collection veut donc faire redécouvrir par le disque des opéras, des ballets, des symphonies ou des chansons poursuivis par la vindicte fasciste. Deux opéras illustrent la démarche. Das Wunder der Heliane, de Erich Wolfgang Korngold (Decca 436 636 2) œuvre boursouflée au langage emphatique, mais d'une fort belle instrumentation, avec la Radio de Berlin et d'excellents solistes, comme Anna Tomova Sintow dans le rôle-titre. [...].

L'oeuvre a connu récemment un renouveau, notamment grâce à l'interprétation de "Ich ging zu ihm" par Renée Fleming. En 2010, l'opéra fut joué au Pfalztheater de Kaiserslautern, dirigé par Johannes Reitmeier, et en septembre 2017 on a pu le voir à l'Opéra des Flandres sous la direction de David Bösch. Le Deutsche Oper de Berlin le reprend aujourd'hui avec Marc Albrecht au pupitre dans une nouvelle mise en scène de Christof Loy.

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018ߧ

Message par Luc ROGER » 18 mars 2018, 12:14

Résumé de l'action

Lieu: Un état totalitaire sans nom

Temps: Dans une ère inconnue.

Acte 1

Le souverain cruel ("Der Herrscher") exerce son pouvoir sur la terre. Le souverain souffre parce qu'il est incapable de gagner l'amour de sa femme Héliane. Comme il est malheureux, il ne tolérera pas que ses sujets vivent dans le bonheur. Un jeune étranger ("Der Fremde") est récemment arrivé dans le pays et apporte la joie aux gens. En conséquence de quoi, on l'arrête et il est condamné à mort. Il sera exécuté au lever du soleil. Le souverain lui rend visite afin d'apprendre la raison de ses actions. L'étranger plaide la miséricorde, mais le souverain est déterminé à le faire mourir. Cependant, il accepte de permettre à l'étranger de ne pas être enchaîné pour la dernière nuit de sa vie. Quand son mari est parti, Heliane vient à la cellule pour réconforter l'étranger. Quand elle parle à l'étranger et réalise sa bonté, ses sentiments de pitié et de tristesse se transforment en amour. L'étranger dit à Héliane à quel point elle est belle et elle lui révèle ses longs cheveux dorés. Elle expose ensuite ses pieds pour finir par se tenir complètement nue devant lui. L'étranger demande à Héliane de se donner à lui pour la dernière nuit de vie, mais elle refuse et va à la chapelle pour prier pour l'étranger. Le souverain revient à la cellule, proposant que s'il parvient apprendre à faire en sorte qu'Héliane apprenne à l'aimer, lui, son mari, alors il lui offrira la vie sauve. Héliane revient, encore nue. Elle est choquée de rencontrer son mari dans la cellule. En colère, il ordonne la mort de l'étranger et le procès d'Héliane.

Acte 2

Le souverain et sa messagère ("Die Botin", qui n'est autre que son ancienne amante qu'il a rejetée) attendent la venue du bourreau et des membres de la haute cour. Héliane sera jugée lorsque les six juges et leur supérieur, le juge aveugle, arriveront. Le souverain l'accuse d'adultère avec l'étranger. Héliane ne peut nier qu'elle se soit tenue nue devant l'étranger, mais elle insiste sur le fait qu'elle ne s'est donnée à lui qu'en pensée. Le souveraine presse son poignard contre sa poitrine en lui disant qu'elle devrait se tuer. L'étranger est amené à témoigner mais il ne parlera pas, voulant rester seul quelques instants avec Héliane. Il l'embrasse, puis prend le poignard et se tue, empêchant le souverain de prouver qu'Héliane ment. Le souverain rejette le jugement de la cour et dit à Héliane qu'elle sera jugée devant Dieu: si elle est innocente, comme elle le prétend, elle doit ramener l'étranger à la vie. En état de choc, elle accepte de subir le procès.

Acte 3

Une foule s'est rassemblée à l'extérieur du palais du souverain. Les juges, le juge en chef en tête, arrivent pour assister à la tentative d'Heliane pour ramener l'étranger à la vie. La messagère monte la foule contre Heliane au début de l'épreuve. Elle pleure, elle ne ment pas, admettant qu'elle a aimé le jeune étranger. Quand le souverain la voit pleurer, il veut la sauver, mais seulement à la condition qu'elle soit sienne. Héliane est plus que jamais tourmentée par son mari et elle refuse cette dernière offre. La foule la traîne au bûcher où elle va mourir. Soudain, tous sont choqués lorsque le tonnerre éclate. Tout aussi soudainement, les étoiles commencent à apparaître dans le ciel et tout le monde est étonné de voir le cadavre du jeune étranger se soulever, transfiguré, de la bière funéraire. Par miracle, il est vivant. Héliane se détache de la foule choquée et court dans les bras de cet étranger qu'elle aime. Dans un accès de colère, le souverain plonge son épée dans la poitrine de sa femme. L'étranger offre une bénédiction au peuple et bannit le dirigeant dont le pouvoir est brisé. L'étranger prend Héliane dans ses bras. Unis dans leur amour, ils s'élèvent au ciel.

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Luc ROGER » 19 mars 2018, 08:19

Superbe production au Deutsche Oper Berlin, avec une mise en scène analytique très pertinente de Christof Loy, un chef et un orchestre qui rendent un hommage réussi à la musique de Korngold et de grands interprètes, dont surtout Sara Jakubiak (Heliane), Brian Jagde (Der Fremde) et Okka von der Damerau (Die Botin). A ne pas manquer si vous êtes de passage à Berlin!

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Luc ROGER » 19 mars 2018, 09:28

Tant le metteur en scène Christof Loy que le chef Marc Albrecht apprécient la redécouverte d'oeuvres à la marge du répertoire, de ces oeuvres qui ont rencontré du succès lors de leur création et qui ont ensuite disparu des scènes. Ces chercheurs de chefs d'oeuvre oubliés se sont rencontrés autour du Miracle d'Heliane, un opéra qui lorsqu'il avait été annoncé avait aussitôt suscité l'intérêt de pas moins que douze directeurs de théâtres en Allemagne comme en Autriche.

Le Miracle d'Heliane appartient au genre ancien du Mystère, que le moyen âge chrétien avait développé, même si ici la référence chrétienne a disparu au profit d'une mystique non définie qui fait appel à des archétypes plus universels. Marc Albrecht, un amateur de Korngold de la première heure, s'est enthousiasmé pour cette forme théâtrale de l'utopie et son univers sonore qui enveloppe l'auditoire de sa frénésie: Korngold utilse toutes les possibilités de la musique tonale et exploite de manière cohérente les accords polytonaux. Marc Albrecht et l'orchestre nous entraînent à la découverte cette captivante orchestration, soulignant la combinaison des thèmes mystiques, érotiques, religieux et philosophiques qui abondent dans la composition.

Christof Loy s'est quant à lui appliqué à mettre en scène le propos de l'opéra de Korngold sur la douceur, la fragilité et la violence des rapports humains, sur toutes ces manières très différenciées qu'ont les hommes et les femmes de comprendre l'amour, de le vivre, de le partager ou de le prendre avec violence. Loy travaille avec une minutie analytique la gestuelle des protagonistes et leurs positionnements sur scène pour traduire l'évolution de leurs affects, dans leurs différences parfois très subtiles et dans leurs oppositions souvent très brutales. A l'immense tendresse qui naît et se développe avec une fulgurance inouïe entre Heliane et l'étranger emprisonné s'oppose la brutalité et la volonté de possession du souverain ou de la messagère, puis des hommes du peuple qui, lorsqu'ils se mettent soudain à croire à la culpabilité d'Héliane, se livrent à des attouchements qui se termineraient par un viol si le miracle n'avait eu lieu. Le metteur en scène et l'interprète d'Heliane, Sara Jakubiak, ont opté pour la nudité complète d'Heliane au moment de la grande scène d'amour avec l'étranger. Sara Jakubiak réussit là un grand moment d'interprétation théâtrale avec une gestuelle de la nudité qui n'est ici jamais ni vulgaire ni choquante mais qui donne à voir la beauté du dépouillement d'une femme sans défense avec le paradoxe de la pureté d'une nature à la fois amoureuse et vertueuse, le travail d'une grande actrice qui parvient à exprimer une transcendance morale et mystique en donnant à voir la magnificence de son corps désirant.

Le livret ne mentionne comme date et lieu qu'un état totalitaire sans nom dans une ère inconnue. Christof Loy et son décorateur Johannes Leiacker placent l'action dans une pièce richement lambrissée et parquetée avec au centre du plafond la découpe d'un grand rectangle donnant un éclairage à giorno. Ce pourrait être la salle d'un prétoire, une chambre à justice dont l'atmosphère rappelle celle du tribunal dans le film Témoin à charge de Billy Wilder. La salle est vide en son centre, parfois occupée d'une table et de chaises, et entourée sur trois côtés d'une estrade. Les costumes de Barbara Drohsin rappellent ceux du moment de la composition, de la société des années 1920, avec les hommes en costume cravate gris sombre ou noirs, et les femmes en tailleurs, parées des mêmes couleurs tristes, autant de marques d'une société totalitaire qui a perdu jusqu'à l'ombre de sa joie. Christof Loy réussit une direction d'acteurs minutieuse qui rend parfaitement les changements d'affects, il a également l'art des grands tableaux d'ensemble, avec une extraordinaire mise en scène des mouvements de la foule, qui de soumise devient houleuse ou exaltée. Le travail des lumières d'Olaf Winter est particulièrement soigné, avec des effets saisissants de lumières parfois rasantes, qui rend fort bien les changements d'atmosphère, de la plus triviale à la plus surnaturelle.

(à suivre)

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Luc ROGER » 19 mars 2018, 22:05

L'excellence de l'interprétation participe du même ensemble: la soprano américaine Sara Jakubiak, que l' on avait déjà pu apprécier en Eva dans les Meistersinger à Munich, incarne Héliane avec une puissance dramatique extraordinaire et une maîtrise technique sans défaut. Elle trouve en Brian Jagde un partenaire de scène tout aussi intense et lumineux, avec un ténor dramatique qui conserve le souvenir de son entraînement de baryton et un jeu très charismatique. Le baryton basse Josef Wagner, lui aussi très applaudi, incarne avec une morgue insensible le souverain (Der Herrscher), qui constitue, malgré son pouvoir, le maillon le plus faible, car incapable d'aimer, du triangle amoureux. Okka von der Damerau réussit admirablement la performance d'un contre-rôle, celui de la messagère. Cette chanteuse généreuse au naturel des plus chaleureux joue ici une femme froide, calculatrice, manipulatrice et haineuse, avec un art de la scène confondant. Enfin il convient de rendre un hommage appuyé au travail des choeurs, en traînés par Jeremy Bines, si importants dans la célébration du mystère et du miracle, masse mouvante, malléable et changeante au gré des humeurs dominantes.

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Ouf1er » 31 mars 2018, 19:02

Une production exemplaire à tous points de vue. Merci pour ce compte-rendu détaillé.
Pour ceux qui ne peuvent se rendre à Berlin, il est prévu un DVD.

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Piero1809 » 01 avr. 2018, 10:20

Merci beaucoup pour ce compte rendu très informatif d'une oeuvre qui m'est totalement inconnue.

A un moment donné vous avez parlé d'une oeuvre boursouflée mais bien instrumentée mais je n'ai pas bien compris si vous relatez l'opinion des critiques de l'époque ou bien si vous exprimez votre opinion personnelle. Dans cette dernière hypothèse, je ne serais pas très attiré par un DVD même avec une mise en scène intelligente et de bons chanteurs.

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Luc ROGER » 01 avr. 2018, 11:22

Une critique de l époque, korngold doit a mon sens être redecouvert, ses opéras sont passés à la trappe du nazisme

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Re: Korngold- Wunder der Heliane- Albrecht /Loy- Deutsche Oper - Berlin- 03 / 2018

Message par Luc ROGER » 01 avr. 2018, 11:39

Une critique de l époque, korngold doit a mon sens être redecouvert, ses opéras sont passés à la trappe du nazisme

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