Molière/Lully - Monsieur de Pourceaugnac - Zanzu /Hervieu-Lèger- Reims- 02/2018

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JdeB
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Molière/Lully - Monsieur de Pourceaugnac - Zanzu /Hervieu-Lèger- Reims- 02/2018

Message par JdeB » 22 févr. 2018, 16:36

Molière et Jean-Baptiste Lully – Monsieur de Pourceaugnac
Comédie-ballet (1669)

Stéphane Facco – médecin, Lucette, suisse
Juliette Léger - Julie
Clémence Boué – Nérine, Picarde, suisse
Gilles Privat – Monsieur de Pourceaugnac
Guillaume Ravoire – Eraste
Daniel San Pedro – Sbrigani
Alain Trétout – Oronte

Erwin Aros, haute-contre, 2d musicien, l'Égyptien
Cyril Costanzo, basse, apothicaire, avocat, archer
Élodie Fonnard, soprano, l'Égyptienne
Matthieu Léocrart, baryton-basse, 1er musicien, médecin, avocat, exempt

Clément Hervieu-Léger – mise en scène
Aurélie Maestre – décors
Caroline De Vivaise – costumes
Bertrand Couderc – son
Jean-Luc Ristord – chorégraphie

Les Arts Florissants
Paolo Zanzu – direction musicale et clavecin

Production : C.I.C.T. / Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction : Théâtre de Caen, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Les Arts Florissants, Château de Versailles Spectacles, CNCDC Châteauvallon, Théâtre Impérial de Compiègne, Compagnie des petits champs, Théâtre de Liège.

Grand Théâtre de Reims, 24 février 2018



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Créée à Chambord le 6 octobre 1669, cette comédie-ballet en trois actes recueillit un vif succès du vivant de Molière. Ce dernier peint les mésaventures d’un gentilhomme limousin, Monsieur de Pourceaugnac, « monté » à Paris pour contracter un mariage de raison avec la fille d’Oronte, Julie. Las, la belle, bien décidée à épouser son amant Eraste, intrigue avec ce dernier pour dégoûter son galant forcé. Sbrigani, un Napolitain intriguant et Nérine, une femme spécialisée dans les faux témoignages, vont s’adjoindre l’aide plus ou moins consentie de médecins empressés (Pourceaugnac passant pour fou), créanciers espagnols imaginaires, épouses doublement bigames et exempts prompts à incarcérer. Terrorisé, le malheureux provincial n’aura plus qu’à se travestir en femme pour quitter plus aisément la capitale, ce qui permettra aux tourtereaux de s’unir.


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On trouve déjà dans cette œuvre certaines des thématiques récurrentes qui feront les beaux jours des pièces de la maturité moliéresque, sur fond d’ironie socioculturelle : la médecine, les mésalliances et stratégies matrimoniales, le souci du paraître et son coût, le rôle des cours de justice et la folie des procès qui ruinèrent tant de contemporains de Molière et de Racine. Saupoudrés d’un exotisme caricatural (« comment peut-on être de Pézenas ? ») et d’une belle dose d’humanité – le hobereau berné et confus suscite autant le rire que la compassion –, cette comédie-ballet est mieux qu’une étape dans les tâtonnements méthodologiques qui firent éclore les grandes œuvres à venir des deux compères, Lully et Molière.


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Cette production de 2015 qui a déjà bien tourné en France faisait escale à Reims pour le plus grand plaisir de petits et grands spectateurs, à en juger par les éclats de rire qui ont ponctué la soirée… Cependant, contrairement à ce qui est annoncé par Clément Hervieu-Léger (qui nous présente une mise en scène classique et enlevée), cette comédie-ballet donne la part belle au théâtre. En effet, les parties musicales ne sont que peu intégrées à l’action, n’étaient un joli prologue et un tout aussi ravissant divertissement célébrant les noces des deux amants. On ne s’en plaint guère, car le rôle-titre est incarné par un Gilles Privat parfait d’ahurissement, de naïveté confondue et de désillusions assénées. Il porte toute cette pochade cruelle par sa force de conviction et son humanité éperdue. Tout aussi réjouissant est le Sbrigani énergique et retors de Daniel San Pedro qui mène la danse avec une faconde qui fait renouer la pièce avec ses origines de tréteaux italiens. Chapeau bas également à Stéphane Facco qui campe un médecin lorgnant vers un Knock déjanté et une Lucette, provençale irrésistible de drôlerie. Ce sont eux qui insufflent un rythme trépidant aux mésaventures de cet ancêtre éloigné de Jacques Tati. La transposition dans un Paris des années 50, aux décors entre Juan Gris et Fernand Léger, fonctionne bien.

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Ce ne sont malheureusement pas Les Arts Florissants en très petite formation (et forme relative) qui font repartir le discours : la direction mollassonne de Paolo Zanzu accentuerait plutôt la dichotomie entre théâtre et musique. Il faut dire que la structure de l’œuvre est encore bien maladroite, et qu’on est encore loin d’une nécessité structurelle de l’arrivée du chant dans l’intrigue. On s’en console avec la solidité pince sans rire de Cyril Costanzo, le sûr métier de Matthieu Lécroart et la frémissante fraîcheur d’Elodie Fonnard tandis qu’Erwin Aros met plus de temps à stabiliser son intonation, températures glaciales extérieures obligent !

Si, comme l’entonnent les invités du mariage de Julie et Eraste à la toute fin, « La grande affaire est le plaisir », le nôtre était bien à la fête.

Emmanuelle Pesqué

Photographies © Brigitte Enguerrand, 2015.
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Molière/Lully - Monsieur de Pourceaugnac - Zanzu /Hervieu-Lèger- Reims- 02/2018

Message par EdeB » 26 févr. 2018, 12:57

Mon compte rendu se trouve en tête de fil.
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