Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Représentations
Avatar du membre
jmc
Ténor
Ténor
Messages : 764
Enregistré le : 07 déc. 2008, 00:00
Localisation : Val de Marne
Contact :

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par jmc » 05 nov. 2017, 09:28

Après avoir vu la première partie dimanche dernier du rang 2 du second balcon (derrière Bernard) et la seconde partie du fond du premier balcon où je m'étais replacé pris de vertige si haut, oui Jérôme cette production est plus attrayante de près.
Je l'ai expérimenté hier soir rang 4 coté cour où se déroulent des apartés :bounce: .

Image
Bryn Terfel et Aleksandra Kurzak © Sébastien Mathé / Opéra national de Paris 2017

Jean-Marc

Avatar du membre
Egisthe
Mezzo Soprano
Mezzo Soprano
Messages : 147
Enregistré le : 09 sept. 2012, 23:00
Localisation : Paris

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par Egisthe » 08 nov. 2017, 16:43

J'ai assisté à la représentation d'hier soir. Très bonne impression globale, à commencer par l'orchestre mené par l'excellent Fabio Luisi. Bon équilibre entre les voix et l'orchestre, le spectacle semble s'être bien rôdé depuis la première, notamment dans les ensembles. Très belle intervention des chœurs également. Comme dit plus haut, il faut reconnaître que la mise en scène, sans être extraordinaire, a bien vieilli contrairement à d'autres productions présentées récemment (les décors d'Eugène Onéguine dans la mise en scène de Willy Decker !). Rien à redire concernant Bryn Terfel -toujours aussi à l'aise, puissant et charismatique- si ce n'est une certaine timidité lorsqu'il doit passer en voix de fausset. Excellent Caïus de Graham Clark, et agréablement surpris par Francesco Demuro qui forme un duo homogène avec Julie Fuchs. En revanche, un peu déçu par Franco Vassallo que j'adore, aux aigus brillants mais à la peine et peu audible dans le bas de la tessiture. Il fait partie de ces nombreux barytons à la limite de pouvoir chanter certains rôles de ténor. Même problème concernant la Mrs. Quickly de Nadine Weissmann, très à l'aise scéniquement bien que remplaçant Varduhi Abrahamyan, mais aux graves très discrets (on est loin de sa magnifique Erda à Bayreuth !). Alice très honnête d'Aleksandra Kurzak, mais sans grande envergure, tout comme la Meg de Julie Pasturaud, qui existe d'abord scéniquement. Au final, une bonne soirée.

elisav
Basse
Basse
Messages : 2228
Enregistré le : 18 juin 2012, 23:00

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par elisav » 08 nov. 2017, 17:08

Egisthe a écrit :
08 nov. 2017, 16:43
Même problème concernant la Mrs. Quickly de Nadine Weissmann, très à l'aise scéniquement bien que remplaçant Varduhi Abrahamyan, mais aux graves très discrets (on est loin de sa magnifique Erda à Bayreuth !).
Nadine Weissmann alterne entre Mrs. Quickly à Bastille et la 3eme Dame à l’Opéra Comique: un soir l’une, le soir suivant l’autre. Ça ne doit pas être évident d’adapter sa projection à des salles de tailles (et avec des acoustiques) tellement différentes.

Avatar du membre
Il prezzo
Baryton
Baryton
Messages : 1123
Enregistré le : 17 mars 2013, 08:12

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par Il prezzo » 11 nov. 2017, 00:38

Que manque-t-il à ce Falstaff, me demandais-je pendant mon trajet de retour, pour qu’à la différence de Bernard, je n’aie pas réussi du tout à décoller de mon fauteuil ce soir ?
J’ai essayé d’analyser, par élimination. Et, évidemment, par comparaison avec ma toute récente jubilation dans cette même œuvre à la Philharmonie.
Pas la musique heureusement, cette si sublime et pétillante partition étant emmenée avec brio par Fabio Luisi, et ce d’autant que les instrumentistes de l’Opéra n’ont rien à envier à ceux de l’Orchestre de Paris. De sorte que la richesse orchestrale du dernier Verdi m’a tout autant convaincu ce soir.
Un « plus » de mise en scène ? JdB indiquait en avoir absolument besoin pour Falstaff. Je persiste et signe avec l’opinion contraire : une mise en espace intelligente, servie par de bons comédiens, vaut largement ce décor quasi unique, où l’on peine à imaginer la demeure des Ford à l’acte III, avec son paravent et son intérieur déployés devant l’auberge de l’acte I… Et les (beaux) costumes et accessoires de cette production ne sont même pas l’appoint décisif et indispensable pour vous transporter dans la bouffonnerie shakespearienne (j’ai relaté dans mon CR de la Philhar l’alternative hilarante à la panière). J’ai trouvé la mise en scène de Pitoiset assez creuse en fait, à peine illustrative (j’ai vu des actes IV autrement plus poétiques).
De meilleurs chanteurs ? Même pas. Car ceux de cette production ne déméritent pas : Vassallo, Demuro, Kurzak (++), Fuchs (moins convaincante -et moins applaudie d’ailleurs- que Lisette Oropesa dans le concert du 29 septembre), et même Graham Clark, que l’on retrouve, 40 ans après, avec la puissance quasi intacte de son Loge. Terfel très en voix.
Les ensembles féminins, si merveilleusement réussis par Verdi, étaient bien en place.
Pas de problème fondamental d’acoustique non plus, celle de Bastille convenant clairement mieux aux voix.
Que me reste-t-il alors ?
D’abord, incontestablement, et ça a été souligné dans le fil, Falstaff n’est pas fait pour la Bastille : le plateau est trop vaste, la distance aux chanteurs trop grande (je n’étais pourtant qu’en bas du 2e balcon côté, places qui « marchent » plutôt bien d’habitude pour tous spectacles). La relative « intimité » obtenue par la disposition de la salle de la porte de Pantin permet, à mon sens, une bien meilleure communion avec les interprètes.
Mais, in fine, je crois que ce qui m’a dérangé ce soir, et interdit la lévitation bernardienne, c’est l’interprétation de Bryn Terfel. Falstaff pour moi DOIT être bouffe, ridicule, risible, pour générer ultimement l’apitoiement, puis la sympathie rédemptrice qui peuvent alors déboucher sur la jubilation de la fugue finale. L’intériorité et la « noblesse » choisies par Terfel, à l'opposé de l'interprétation d'Ambrogio Maestri, ne siéent pas au personnage. Elles cassent complètement la dynamique de l’opéra, qui ne se regarde et ne s’écoute plus alors que pour la beauté de son écriture musicale.
Et ce n’est pas assez.
Quanto?
- Il prezzo !
Gia, mi dicon venal, ma, a donna bella io non mi vendo a prezzo di moneta.

Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12735
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par Bernard C » 11 nov. 2017, 01:10

Ce que tu dis m'intéresse, Bien sûr j'ai remarqué cette évolution de Terfel, contraire à deux choses.

À sa propre perspective ( je l'ai déjà un peu évoqué)
Il déclarait il y a quelques années vouloir porter un Falstaff vers plus de jubilation , là il le porte avec presque une jovialité triste.

Dans cette mise en scène même si c'est très loin pour ma mémoire, je me souviens d'un J.P. Lafont à la création bien plus expansif.

Que se passe t'il pour que Terfel contre toute attente choisisse d'y mettre une telle gravité ( presqu'au sens de la pesanteur) ?

Mais à l'inverse de toi ça m'a incroyablement captivé.

J'ai vu ailleurs Maestri à l'oeuvre et même Terfel déconner complètement , mais vraiment en faire des montagnes ;
alors , oui, là j'ai été décontenancé et porté plus loin encore dans la densité . Est ce qu'il fait changer de cap à son Falstaff ? On sait qu'il le chantera tant qu'il pourra ...il a une affaire personnelle ( ou essentielle ou existentielle, je ne sais pas comment dire) avec ce rôle.

Merci pour cet échange.

Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

Avatar du membre
Il prezzo
Baryton
Baryton
Messages : 1123
Enregistré le : 17 mars 2013, 08:12

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par Il prezzo » 11 nov. 2017, 10:11

Intéressante question en effet.
Au fait est ce qu'un musicologue ODBien pourrait nous dire comment le dramaturge Verdi voyait son Falstaff ?
Quanto?
- Il prezzo !
Gia, mi dicon venal, ma, a donna bella io non mi vendo a prezzo di moneta.

Avatar du membre
David-Opera
Basse
Basse
Messages : 7823
Enregistré le : 06 févr. 2004, 00:00
Localisation : Boulogne Billancourt
Contact :

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par David-Opera » 11 nov. 2017, 10:53

Il prezzo a écrit :
11 nov. 2017, 10:11
Au fait est ce qu'un musicologue ODBien pourrait nous dire comment le dramaturge Verdi voyait son Falstaff ?
Verdi voyait Falstaff comme un retour à des principes esthétiques fondamentaux - il a commencé par composer une fugue, que l'on retrouve au final, qui peut-être vue comme inspirée des modèles de Bach, mais également comme un hommage à Palestrina auquel il se réfère - car il voyait d'un mauvais œil la dérive vériste des compositeurs italiens (Mascagni, Leoncavallo etc.) sur la fin du XIXe.
Il y a donc réaction contre son temps et volonté d'un retour aux sources et à des valeurs saines.

Ensuite, si l'on souhaite rapprocher Falstaff de Verdi, vieux monsieur qui porte un regard désabusé mais amusé sur le monde qui l'entoure, il faut garder en mémoire que le fond de l'âme qui compose une telle musique est mélancolique, car il y a le désir de créer quelque chose d'une valeur artistique suprême.

C'est le fait de décrire un caractère, aussi bien dans ses finesses que ses vulgarités, avec la musique la plus fidèle, qui compte pour lui, donc ce qu'il pense de Falstaff s'entend totalement et exclusivement dans la musique.

Pour juger de la performance de Bryn Terfel, il faut ainsi mettre sur un même plan son interprétation scénique et ce que dit la musique pour voir s'il est en contradiction ou pas avec l'esprit du personnage.
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.

Avatar du membre
PlacidoCarrerotti
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 17209
Enregistré le : 04 mars 2003, 00:00
Contact :

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par PlacidoCarrerotti » 11 nov. 2017, 11:05

Je n'ai pas encore vu cette reprise. Je me souviens d'un Terfel "énaurme" au Met il y a des années. C'était formidable.
Ceci dit, quand j'ai vu Bruson par la suite, totalement dépourvu de ces excès, je me suis dit que c'est sans doute lui qui avait raison.

Un exemple de jeu de scène : au début de l'acte III (Falstaff a été jeté dans la Tamise à la fin du II), Quickly revient derrière lui avec un "Reverenza" : Terfel en recrache son vin avec des yeux en boules de loto, Bruson se contente de tourner légèrement la tête vers elle, avec un regard qui exprime une amertume tintée de dérision intérieure. Évidemment, ce n'est pas le genre de vision pour Bastille, mais à la réflexion, contrairement à Il Prezzo, je ne crois pas que l'ouvrage soit "bouffe". Il a cette dimension comique, mais il ne se réduit pas à ça. Ce n'était pas le genre de l'ombrageux Verdi.

Idée pour Herheim : Falstaff, c'est Verdi. La Tamise, une allégorie des chutes de certains de ses ouvrages (La Traviata par exemple : le succès assuré se transforme en four). Verdi est devenu avec l'âge un personnage respecté mais sa musique est celle du passé. Ses triomphes sont loin : "Quand'ero paggio del Duca di Norfolk". Falstaff ne sera d'ailleurs pas un succès.La fugue symbolise l'inconstance du public et de la critique. Les trois commères sont Milan, Rome et Venise, scène de ses succès ou échecs musicaux. Nanetta et Fenton sont Lissner et Jordan qui redécouvrent Don Carlos : la force du passé est dans la jeunesse.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12735
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par Bernard C » 11 nov. 2017, 12:14

Il prezzo a écrit :
11 nov. 2017, 10:11
Intéressante question en effet.
Au fait est ce qu'un musicologue ODBien pourrait nous dire comment le dramaturge Verdi voyait son Falstaff ?
Verdi l'écrit lui même dans une note à Ricordi jointe à la partition manuscrite :

Tutti è finito!
Tout est fini !
Va,va,vecchio John...
Va,va vieux John...
Cammina per la tua via
finchè tu puoi...

Va ton chemin tant que tu le peux...
Divertente tipo di briccone
eternamente vero

Gredin divertissant
éternellement vrai,
sotto maschera diversa , in ogni tempo ,
in ogni luogo !!!

sous des masques multiples, en tout temps,
en tous lieux !!!
Va, cammina, cammina
Addio !

Va ton chemin, va
Adieu !

traduction G. Gefen 1996

Dans ce texte fondamental de Verdi , quasi testamentaire on a des indications formelles : " vieux John", " Gredin divertissant" , " éternellement vrai" , "masques multiples" ..." Tout est fini"..…
On peut en parler très longtemps, mais ce sont les lignes fortes de l'architecture dramatique du personnage.

Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

srourours
Baryton
Baryton
Messages : 1769
Enregistré le : 17 nov. 2016, 08:52
Localisation : LYON

Re: Verdi - Falstaff - Luisi/Pitoiset - ONP - 10-11/2017

Message par srourours » 11 nov. 2017, 12:31

Ces lignes sont bouleversantes.

Répondre