Tchaïkovski-Eugène Onéguine - Reiland/Garichot - Saint-Etienne 04/2017

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Tchaïkovski-Eugène Onéguine - Reiland/Garichot - Saint-Etienne 04/2017

Message par dge » 05 avr. 2017, 16:51

Piotr Ilitch TCHAIKOVSKI – Eugène Onéguine

Scènes lyriques en trois actes sur un livret de Constantin Chilovski d’après Pouchkine
Crée le 29 mars 1879 à Moscou, théâtre Maly.

Grand Théâtre Massenet - Saint-Étienne – avril 2017.

Direction musicale : David Reiland
Mise en scène : Alain Garichot
Décors : Elsa Pavanel
Costumes : Claude Masson
Lumières : Marc Delamèzière
Chorégraphie et assistante mise en scène : Cooky Chiapalone
Chef de chœur : Laurent Touche

Eugène Onéguine : Michal Partyka
Madame Larine : Nona Jovakhidzé
Tatiana : Sophie Marin-Degor
Olga : Anna Destraël
Filippievna : Svetlana Lifar
Lenski : Florian Laconi
Prince Grémine : Thomas Dear
Monsieur Triquet : Carl Ghazarossian
Un capitaine / Zaretski: Christophe Bernard
Zaretski : Harry Draganov
Le paysan : Tigran Guiragosyan

Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire
Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire



Représentation du 5 avril 2017


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C’est la cantatrice Elisaveta Lavroskaïa qui, en mai 1877, donna à Tchaikovski l’idée de choisir Eugène Onéguine comme sujet de son prochain opéra. Rapidement enthousiasmé par cette proposition, le compositeur en rédige la nuit même un scénario qui malgré quelques coupures reste assez fidèle à l’œuvre de Pouchkine. Il est séduit par une histoire qui lui permet de tourner le dos à toutes les emphases du grand opéra historique et de traiter un sujet où la poésie et l’aspect humain compensent le « peu d’action ». La composition avance rapidement, à peine ralentie par l’épisode malheureux de son mariage avec Antonina. L’œuvre sera achevée fin janvier 1878. Ne voulant pas qu’un grand théâtre cherche à en édulcorer l’intimisme, il en confia la création au Conservatoire de Moscou et à de jeunes étudiants pour en renforcer la vraisemblance dramatique. A ceux qui lui disaient que son opéra n’était pas scénique, il répondait « je m’en fiche complètement » et refusa toujours tout aménagement de sa copie originale. Il ne cédera à ses détracteurs que sur un seul point, en ne qualifiant pas son œuvre d’« opéra » mais de « scènes lyriques ». La création le 17 mars 1879 au Théâtre Maly du Conservatoire de Moscou connut un relatif succès bien que certains critiques aient trouvé « blasphématoire » de s’attaquer à ce monument de la littérature russe et ce n’est qu’en janvier 1881 que le compositeur accepta qu’ Eugène Onéguine soit crée au Bolchoï.

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La production présentée à Saint-Étienne a déjà beaucoup tourné. Crée à Nancy en avril 1997, elle a été reprise successivement à Nantes et Angers en 2015, à Rennes et Tours en 2016 et à Nice en février dernier( viewtopic.php?f=6&t=18477&p=306797&hili ... ce#p306797 )après être passée par Genève en 2002. C’est dire ses qualités qui lui font chaque fois rencontrer l’adhésion du public.
Tchaïkovski a été très précis sur ce que devait être la représentation de son œuvre : « Il me faut une mise en scène sans luxe, mais qui corresponde rigoureusement à l’époque. Les costumes doivent obligatoirement être de l’époque où se passe l’action ». La lecture que nous donne Alain Garichot est très fidèle ces vœux du compositeur. Sa mise en scène est épurée, esthétique, d’une grande lisibilité et grâce à une direction d’acteur efficace, met bien en avant les ressorts psychologiques qui animent les personnages. Elle est servie par les très beaux costumes de Claude Masson qui situent l’action dans les années 1820, à l’époque du roman de Pouchkine.
La belle scénographie très dépouillée d’ Elsa Pavanel se résume aux deux premiers actes à une futaie dont on ne voit que les troncs. Quelques accessoires scéniques, une table, un lit, une draperie matérialisent la chambre de Tatiana. Les éclairages très raffinés et changeants de Marc Delamèzière créent les différentes ambiances. Au troisième acte ne reste qu’une scène complètement nue, avec une immense lune projetée sur un fond noir et une chaise sur laquelle prendra place Tatiana. La quasi obscurité de la scène, les personnages qui tous portent à la main un masque blanc symbole sans doute d’une société hypocrite qui va vers sa disparition et qui en guise de polonaise effectuent une ronde quasi mortifère autour d’Onéguine, tout concourt à annoncer le dénouement final et à donner à la séparation d’Onéguine et de Tatiana une force particulière qui voit juste avant leur adieu tomber des cintres une pluie de lettres.

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Ancien élève de l’Atelier Lyrique de l’ONP et premier prix du concours Francisco Viñas en 2013 le baryton polonais Michal Partyka est un Onéguine séduisant, évoluant avec justesse du personnage hautain et cynique des deux premiers actes au séducteur désespéré du troisième. Le timbre est un peu mat, mais il compense par un beau phrasé et des registres homogènes.
Sophie Marin-Degor fait une prise de rôle en Tatiana et il faut saluer le travail effectué avec un coach pour assimiler le texte russe. Sa Tatiana est sensible et très musicale. Le vibrato est bien contrôlé et si le registre grave manque un peu de soutien, les aigus sont délivrés avec facilité. Son air de la lettre fait bien ressortir les émois de la jeune fille mais c’est dans la scène finale qu’elle convainc totalement dans un duo avec Onéguine de très grande intensité. Les deux artistes nous offrent alors un beau moment de chant et de théâtre.
Après un début un peu laborieux, Florian Laconi se montre beaucoup plus convaincant au deuxième acte et « Kuda, kuda… » est superbement phrasé avec une belle palette de dynamique. Anna Destraël est une Olga au très beau timbre sombre et soyeux. Thomas Dear est un impressionnant et jeune Grémine avec une belle voix noire et profonde. Son air du troisième acte est phrasé avec une grande noblesse. Carl Ghazarossian chante les couplets de Monsieur Triquet avec truculence mais aussi avec finesse, loin des excès caricaturaux que l’on subit trop souvent. Nona Jovakhidzé est une Madame Larina très stylée et Svetlana Lifar est une Filipievna inhabituellement jeune et bien chantante.

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David Reiland dirige l’ Orchestre Saint-Étienne Loire avec beaucoup de lyrisme et d’attention aux chanteurs et un souci de faire ressortir les couleurs de l’orchestration de Tchaïkovski ( excellents bois). En ce soir de première il manque peut-être un peu d’arêtes à cette direction. Le Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire se montre digne de cette exécution malgré de rares décalages qui seront corrigés.

Une mise en scène qui fête ses vingt ans et qui séduit toujours.


Crédit photos : Cyrille Cauvet

Gérard Ferrand

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Re: Tchaïkovski-Eugène Onéguine - Reiland/Garichot - Saint-Etienne 04/2017

Message par dge » 08 avr. 2017, 22:27

CR et photos ci dessus.

Iphigenie42
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Re: Tchaïkovski-Eugène Onéguine - Reiland/Garichot - Saint-Etienne 04/2017

Message par Iphigenie42 » 09 avr. 2017, 18:07

Je viens d'assister à la représentation de cet après midi.

Je suis entièrement d'accord avec votre compte-rendu. J'ai beaucoup apprécié Sophie Marin Degor en Tatiana, effectivement très sensible, touchante et très beau duo final. Aujourd'hui aussi, j'ai trouvé Florian Laconi meilleur dans la deuxième partie.
Une petite mention à la basse Thomas Dear (Gremine) mais je ne suis pas toujours objective : je suis particulièrement touchée par les voix de basse.

Un regret : l'impolitesse d'une partie du public qui n'attend pas les saluts pour quitter la salle. (Vous verrez le 2 mai lors de la présentation de la nouvelle saison, ils vont se précipiter pour jouer les piques assiettes lors de l'apéritif servi ensuite...)

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