Lully - Alceste ou le triomphe d'Alcide - Gester/Fuchs - Wasselonne 13/11/2016

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Piero1809
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Lully - Alceste ou le triomphe d'Alcide - Gester/Fuchs - Wasselonne 13/11/2016

Message par Piero1809 » 16 nov. 2016, 20:13

Alceste ou le Triomphe d'Alcide
Jean-Baptiste Lully, musique
Philippe Quinault, livret
Incluant une version de concert de Sébastien de Brossard élaborée à Strasbourg vers 1690

Martin Gester, direction musicale
Anita Fuchs, scénographie
Guillemette Laurens, coach chanteurs
Mechtild Blaumer, coach orchestre

Véronique Housseau, Alceste
Jaroslaw Kitala, Alcide
Maxime Duché Admète

Marie-Christine Köberlein, Thétis, nymphe de la Seine
Aurora Pena Llobregat, Céphise
Lilia Dornhof, Proserpine, La Gloire
Mathieu Peyregne, Lychas, Phérès
Marc Scaramozzino, Alecto, Apollon
Takeharu Tanaka, Apollon, Phérès
Pierre Beller, Licomède, Eole
Felipe Carrasco, Straton, Charon
Maxime Saïu, Cléante, Pluton

Orchestre de Génération Baroque

Eglise Protestante de Wasselonne, le 13 novembre 2016.

Alceste, seconde des tragédies lyriques (appelées tragédies en musique par Jean-Baptiste Lully) à grand spectacle après Cadmus et Hermione, a été donnée dans la salle du Palais Royal le 17 février 1673. L'oeuvre n'a pas eu le succès escompté car les premières représentations furent perturbées par une cabale des opposants de Lully. Louis XIV fait représenter l'oeuvre à Versailles en octobre 1674 et les échos de ces représentations montrent qu'elles furent couronnées de succès.

Aux alentours de 1690, Sébastien de Brossard, alors directeur de l'Académie de Musique de Strasbourg, réalise une version de concert condensée de l'oeuvre. C'est cette version, mise en espace et replacée dans une grande partie de l'oeuvre originale qui a été utilisée par Martin Gester. Alceste a été donnée à Endingen/Kaiserstuhl (Allemagne), à l'église protestante Sainte Aurélie (Strasbourg) et à Wasselonne.

N'étant pas un spécialiste de Lully, je laisse à d'autres bien plus compétents que moi de parler de l'oeuvre et de son importance dans l'évolution de la tragédie lyrique. Curieusement cette œuvre de très grande valeur est rarement représentée et l'amateur de Lully pouvait la connaître grâce à un seul remarquable enregistrement, réalisé par Jean-Claude Malgoire avec la Grande Ecurie et la Chambre du Roy en 1994. Cet enregistrement est actuellement introuvable malheureusement. Il semble que Christophe Rousset envisage de monter courant 2017 cet opéra (1).

En l'absence de mise en scène à proprement parler, des décors, et des costumes réduits au strict minimum, assortis d'éclairages efficaces, une direction d'acteurs intelligente permettent au spectateur de bien suivre l'action.

L'oeuvre débute par un Prologue qui est un chant de louanges du Héros, en l'occurence le roi Louis XIV, revenu d'une campagne victorieuse en Franche-Comté. Les cinq actes qui suivent content les amours d'Admète et Alceste, contrariés par Licomède et Alcide (Hercule) qui sont tous deux amoureux de la princesse Alceste. Admète est mortellement blessé à la guerre, il est sauvé par Alceste qui, donnant sa vie à celui qu'elle aime, descend aux Enfers à sa place. Alcide promet à Admète qu'il cherchera Alceste et la fera sortir du Styx à condition qu'elle soit à lui. Admète accepte ce marché. Alcide musèle Cerbère, délivre Alceste, la ramène chez les vivants et demande son du. Emu par le désespoir des deux amants, il renonce à son projet amoureux et consent à réunir définitivementmes Alceste et Admète. Après avoir obtenu la victoire sur les Enfers, Alcide a gagné une bataille encore plus rude sur lui-même.

Cette trame donne l'occasion de beaux mouvements scéniques et de belles envolées lyriques. J'ai aimé les magnifiques choeurs du prologue et ceux de la fin: Alcide est vainqueur du trépas, l'enfer ne lui résiste pas. Les très beaux duos amoureux d'Admète et Alceste, les scènes de déploration accompagnant la mort annoncée d'Admète :Admète vous mourez, Alceste vous pleurez et celle bien réelle d'Alceste : Alceste est morte...La charmante Alceste, la fidèle Alceste n'est plus...comptent parmi les plus belles scènes des opéras de Lully. L'interprétation met également l'accent sur le côté comique de certains personnages comme Céphise mise au demeurant de choisir entre ses deux amoureux Lychas et Straton ou certaines scènes comme celle de Charon refusant d'accueillir dans sa barque les ombres désargentées : On doit payer les soins d'un si pénible emploi....

En tout 12 chanteurs et chanteuses interviennent à la fois dans les solos, ensembles et choeurs ce qui a nécessité une organisation sans faille. Le choeur puissant a empli harmonieusement la nef de l'imposante église baroque de Wasselonne. Les chanteurs, pour la plupart très jeunes, (25 ans environ), provenant de divers conservatoires régionaux ou de pays plus ou moins lointains, avaient tous des voix bien projetées et une bonne diction. C'était un grand bonheur de pouvoir goûter cette belle déclamation inspirée du théâtre français du 17ème siècle et apprécier le travail d'ensemble effectué sous la houlette de Guillemette Laurens, artiste dont on peut saluer l'implication capitale dans Les Arts Florissants et plus généralement dans la musique baroque française et italienne.

Marie Christine Köberlein (nymphe de la Seine) nous a ravi de sa voix claire et pure et de son jeu expressif. Le timbre plus sombre de la voix agile de Lillia Dornhof (Victoire, Proserpine) convenait parfaitement à ses rôles. Aurora Pena Llobregat a réalisé une prestation de haut niveau. La jeune artiste catalane a une voix à la superbe projection et au timbre particulièrement coloré et s'avère une actrice pleine de vivacité, elle a donné à Céphise, à la fois aguicheuse et rouée, une personnalité très séduisante. Véronique Housseau incarna avec dignité et noblesse, beaucoup d'engagement et une belle déclamation, le rôle de la princesse Alceste. Tous les rôles masculins furent tenus avec talent. J'ai bien aimé la voix douce et expressive de Mathieu Peyrègne (Lychas). Felipe Carrasco (Straton) nous enchanta par sa belle voix de basse. Tous deux, se disputant les faveurs de la belle Céphise, s'avérèrent excellents dans les ensembles. Marc Scaramozzino (Apollon) fut convaincant avec sa belle voix de ténor à la française. Maxime Duché fut un Admète à la belle prestance avec un voix bien projetée au timbre envoutant et une belle déclamation. Ses duos avec Véronique Housseau furent particulièrement émouvants. Takeharu Tanaka dans le rôle d'Apollon et celui de Phérès fit briller une voix intéressante de taille (baryton?) et de bonnes connaissances de la musique baroque. Jaroslaw Kitala, membre de l'Opéra Studio, est bien connu du public de l'Opéra National du Rhin qui avait adoré son interprétation du comte Robinson dans le Mariage secret de Cimarosa. Il nous a, une fois de plus ravi ,par son incarnation dynamique du personnage d'Alcide et sa voix superbement timbrée. Pierre Beller (basse taille) joua et chanta avec brio le rôle de Licomède, seul méchant du spectacle. Enfin Maxime Saïu (basse) manifesta des qualités vocales très prometteuses dans le rôle de Pluton qu'il interpréta avec autorité.

Génération Baroque réunissait un ensemble d'instrumentistes de haut niveau jouant tous comme il se doit sur instruments d'époque ou copies d'époque. Les mêmes instrumentistes jouèrent avec talent le hautbois baroque et la flûte à bec, performance qui mérite d'être soulignée. De ma place on pouvait admirer le jeu sensible et efficace du continuo (basse de violon, théorbe, clavecin, basson et une impressionnante basse de viole). Les cordes purent montrer leurs talents dans deux mouvements - aux dissonances et silences expressifs bienvenus à l’entrée des Enfers - du concerto en sol mineur de Georg Muffat (Armonico Tributo, Salzbourg 1682), musicien contemporain de Lully, ayant résidé à Strasbourg, et qui réalisa une synthèse parfaite des styles français et italiens.
Martin Gester présenta ces oeuvres avec l'érudition et les qualités pédagogiques qu'on lui connait.

Pierre Benveniste

(1) http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... ly#p297672

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Re: Lully - Alceste ou le triomphe d'Alcide - Gester/Fuchs - Wasselonne 13/11/2016

Message par JdeB » 17 nov. 2016, 08:46

On pourra à nouveau applaudir cette Alceste de Lully en juillet prochain sous la direction de C. Rousset à Beaune et à Montpellier
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Lully - Alceste ou le triomphe d'Alcide - Gester/Fuchs - Wasselonne 13/11/2016

Message par Piero1809 » 18 nov. 2016, 15:50

Quelques précisions concernant l'oeuvre représentée:

Aux alentours de 1690, Sébastien de Brossard, alors directeur de l'Académie de Musique de Strasbourg, réalise une version de concert condensée de l'oeuvre, titrée « Concert pour l'Alceste », d'une durée d'environ 50 min, en enlevant une grande partie du contenu dramatique. Cette partition, unique en son genre, a été restituée et publiée par le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV). A l'instigation du CMBV, cette adaptation a servi à Martin Gester de point de départ pour une nouvelle production, mais, avec l'idée de la replacer dans une grande partie de l'oeuvre originale. Il s'agit donc, à la fin, de l'opéra de Lully légèrement resserré et incluant la totalité de la version Brossard qui, pour les sections retenues (Prologue, Vents, Le Combat, Pompe Funèbre et Triomphe) n'a fait qu'adapter les parties d'orchestre et de choeur aux effectifs dont il disposait à la Cathédrale de Strasbourg. Dans la version de Génération Baroque (d'une durée de 2h20), Alceste a été donnée à Sarrebourg, à Endingen/Kaiserstuhl (Allemagne), à l'église protestante Sainte Aurélie et à Wasselonne.

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