Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
- HELENE ADAM
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Petit plaisir de se retrouver dans une loge (une de celle qui a gardé ses cloisons ) à Garnier après quelques spectacles à Bastille, pour savourer le plaisir visuel de ce splendide lieu et apprécier les souvenirs qui en découlent, surtout pour cette superbe et très intelligente mise en scène de Carsen qui rend vie à l'Opéra, le lieu comme le spectacle, pour cette reprise de Capriccio, réflexion drôle et mélancolique sur les rôles respectifs de la poésie et de la musique dans le théâtre, de l'écrit et de la parole dans la vie.
Tout est beau et très suggestif dans le choix de Carsen : la scène nue sans décor, ou avec décors très visibles, le Foyer de la Danse en fond de scène, 60 mètres de profondeur, utilisé tel quel, au-delà du plateau nu, la disparition de tout artifice lors de l'ultime scène avec les accessoiristes apparaissant pour aider la comtesse à porter sa longue et lourde robe d'apparat (de scène), le souffleur s'extirpant de son trou et chantant devant le rideau baissé, le "double" rideau célèbre de Garnier, feux de la rampe entre les deux, où est le théâtre, où est la réalité des répétitions, où est la vraie vie, les amours de Madeleine, l'immense miroir où elle se perd en chantant ses plus beaux airs, tout est impressionnant de justesse et de beauté. Madeleine est même d'abord spectatrice au parterre pendant le sextuor d'introduction, avant de gagner la scène.
Les 2h30 que dure l'opéra se découle alors sans temps mort, sans le moindre ennui (et sans entracte qu'on se le dise...).
Il faut y aller au moins pour Carsen, pour revoir cette géniale mise en scène mais ce n'est pas le seul atout de ce Capriccio. L'autre atout maître c'est Benjamin Bernheim. Certains d'entre nous l'avaient déjà remarqué en Eginhard dans le Fierrabras (Schubert) donné à Salzburg l'été 2014 (et en messager le même été dans le Don Carlo). Il sera probablement le meilleur atout dans l'Otello donné au Festival de Pâques de Salzburg, en Cassio, il risque de faire de l'ombre à l'Otello de José Cura. Le ténor (Franco-Suisse) a une voix claire, très bien projetée (il domine tous les ensemble), dont il sait étonnamment modifier le timbre en fonction des parties du rôle de Flamant qu'il a à chanter : air lyrique amoureux, "discussion" avec Olivier, protestations devant les trahisons de son texte etc. Ses aigus sont ouverts, non forcés, naturels et très beaux. Il "marque" la soirée et l'ensemble de la distribution avec éclat, comme il joue très bien par ailleurs, il a été certainement la belle révélation de la soirée et très applaudi à ce titre.
Emily Magee se tire très bien de son rôle de Madeleine, difficile vocalement, long et périlleux à plusieurs reprises, même si elle ne fait pas oublier les performances de Fleming (et surtout son charme), elle est une très belle et très convaincante Madeleine. On la reverra bientôt à Paris en Isolde au TCE.
Wolfgang Koch est un comte parfait : il a l'allure altière et enjouée du personnage, il a une voix superbe lui aussi (globalement nous étions vocalement très gâtés), beaucoup d'allant et confirme qu'il peut chanter Wagner et Strauss avec beaucoup de classe. Une référence.
Très bonne (et très drôle) Clairon de Michaela Schusster, Olivier correct (mais un peu en dessous de Bernheim dont il est, à l'opéra, l'alter-ego, le symétrique) du baryton Letton Lauri Vasar. Mêmes (toutes petites) réserves à l'égard du Laroche de Lars Woldt, dont la voix est parfois légèrement à la peine, mais il faut reconnaître que la splendeur vocale de Bernheim et de Koch, a tendance à rendre les autres un peu pâles en comparaison..
Extraordinaire numéro (à mourir de rire) du couple Chiara Skerath et Juan José De León en chanteurs "Italiens", ils sont justes, ils sont drôles, ils sont affreux et cupides juste comme il faut (les voir se goinfrer de petits fours après leur "numéro", en fourrer dans leurs poches, partir avec des carafes de vin, tandis que la bonne société du salon de la comtesse devise autour de Zeus est un des grands moments de l'opéra).
Quant au Monsieur Taupe en charentaises de Graham Clark, il est à saluer de tous les points de vue : je ne sais pas quel âge a le ténor mais il me semble qu'il chantait déjà dans les années 70, il est incroyable de véracité de drôlerie et d'espièglerie même. Incroyable. Le Haushofmeister de Jérôme Varier est également très, très bon.
Tout est à sa place, bien joué, bien chanté, très réussi, jusqu'au 8 dineurs qui nous offrent un très beau numéro, de même d'ailleurs que le sextuor orchestral de l'introduction.
Si on rajoute une belle direction d'orchestre de Ingo Metzmacher, mettant en valeur les variations à l'infini de Strauss, ses changements de rythme, de ton, de style, qui font la richesse de ce très brillant exercice de style, on a une idée de la qualité globale de ce spectacle, une belle reprise, qu'il ne faut pas manquer à mon avis.
Le souffleur....
L'avant-dernière scène
Tout est beau et très suggestif dans le choix de Carsen : la scène nue sans décor, ou avec décors très visibles, le Foyer de la Danse en fond de scène, 60 mètres de profondeur, utilisé tel quel, au-delà du plateau nu, la disparition de tout artifice lors de l'ultime scène avec les accessoiristes apparaissant pour aider la comtesse à porter sa longue et lourde robe d'apparat (de scène), le souffleur s'extirpant de son trou et chantant devant le rideau baissé, le "double" rideau célèbre de Garnier, feux de la rampe entre les deux, où est le théâtre, où est la réalité des répétitions, où est la vraie vie, les amours de Madeleine, l'immense miroir où elle se perd en chantant ses plus beaux airs, tout est impressionnant de justesse et de beauté. Madeleine est même d'abord spectatrice au parterre pendant le sextuor d'introduction, avant de gagner la scène.
Les 2h30 que dure l'opéra se découle alors sans temps mort, sans le moindre ennui (et sans entracte qu'on se le dise...).
Il faut y aller au moins pour Carsen, pour revoir cette géniale mise en scène mais ce n'est pas le seul atout de ce Capriccio. L'autre atout maître c'est Benjamin Bernheim. Certains d'entre nous l'avaient déjà remarqué en Eginhard dans le Fierrabras (Schubert) donné à Salzburg l'été 2014 (et en messager le même été dans le Don Carlo). Il sera probablement le meilleur atout dans l'Otello donné au Festival de Pâques de Salzburg, en Cassio, il risque de faire de l'ombre à l'Otello de José Cura. Le ténor (Franco-Suisse) a une voix claire, très bien projetée (il domine tous les ensemble), dont il sait étonnamment modifier le timbre en fonction des parties du rôle de Flamant qu'il a à chanter : air lyrique amoureux, "discussion" avec Olivier, protestations devant les trahisons de son texte etc. Ses aigus sont ouverts, non forcés, naturels et très beaux. Il "marque" la soirée et l'ensemble de la distribution avec éclat, comme il joue très bien par ailleurs, il a été certainement la belle révélation de la soirée et très applaudi à ce titre.
Emily Magee se tire très bien de son rôle de Madeleine, difficile vocalement, long et périlleux à plusieurs reprises, même si elle ne fait pas oublier les performances de Fleming (et surtout son charme), elle est une très belle et très convaincante Madeleine. On la reverra bientôt à Paris en Isolde au TCE.
Wolfgang Koch est un comte parfait : il a l'allure altière et enjouée du personnage, il a une voix superbe lui aussi (globalement nous étions vocalement très gâtés), beaucoup d'allant et confirme qu'il peut chanter Wagner et Strauss avec beaucoup de classe. Une référence.
Très bonne (et très drôle) Clairon de Michaela Schusster, Olivier correct (mais un peu en dessous de Bernheim dont il est, à l'opéra, l'alter-ego, le symétrique) du baryton Letton Lauri Vasar. Mêmes (toutes petites) réserves à l'égard du Laroche de Lars Woldt, dont la voix est parfois légèrement à la peine, mais il faut reconnaître que la splendeur vocale de Bernheim et de Koch, a tendance à rendre les autres un peu pâles en comparaison..
Extraordinaire numéro (à mourir de rire) du couple Chiara Skerath et Juan José De León en chanteurs "Italiens", ils sont justes, ils sont drôles, ils sont affreux et cupides juste comme il faut (les voir se goinfrer de petits fours après leur "numéro", en fourrer dans leurs poches, partir avec des carafes de vin, tandis que la bonne société du salon de la comtesse devise autour de Zeus est un des grands moments de l'opéra).
Quant au Monsieur Taupe en charentaises de Graham Clark, il est à saluer de tous les points de vue : je ne sais pas quel âge a le ténor mais il me semble qu'il chantait déjà dans les années 70, il est incroyable de véracité de drôlerie et d'espièglerie même. Incroyable. Le Haushofmeister de Jérôme Varier est également très, très bon.
Tout est à sa place, bien joué, bien chanté, très réussi, jusqu'au 8 dineurs qui nous offrent un très beau numéro, de même d'ailleurs que le sextuor orchestral de l'introduction.
Si on rajoute une belle direction d'orchestre de Ingo Metzmacher, mettant en valeur les variations à l'infini de Strauss, ses changements de rythme, de ton, de style, qui font la richesse de ce très brillant exercice de style, on a une idée de la qualité globale de ce spectacle, une belle reprise, qu'il ne faut pas manquer à mon avis.
Le souffleur....
L'avant-dernière scène
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
+1HELENE ADAM a écrit :Quant au Monsieur Taupe en charentaises de Graham Clark, il est à saluer de tous les points de vue: je ne sais pas quel âge a le ténor mais il me semble qu'il chantait déjà dans les années 70, il est incroyable de véracité de drôlerie et d'espièglerie même. Incroyable. Le Haushofmeister de Jérôme Varier est également très, très bon.
Tout est à sa place, bien joué, bien chanté, très réussi, jusqu'au 8 dineurs qui nous offrent un très beau numéro, de même d'ailleurs que le sextuor orchestral de l'introduction.
Si on rajoute une belle direction d'orchestre de Ingo Metzmacher, mettant en valeur les variations à l'infini de Strauss, ses changements de rythme, de ton, de style, qui font la richesse de ce très brillant exercice de style, on a une idée de la qualité globale de ce spectacle, une belle reprise, qu'il ne faut pas manquer à mon avis.
Graham Clark a environ 75 ans
"Est modus in rebus", Horace
"La vérité luit de sa propre lumière;& on n'éclaire pas les esprits avec la flamme des bûchers." Marmontel, Bélisaire,
"La vérité luit de sa propre lumière;& on n'éclaire pas les esprits avec la flamme des bûchers." Marmontel, Bélisaire,
Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Tout ça donne extrêmement envie, surtout que je ne connais pas encore cet opéra de Strauss. On dit beaucoup de bien de cette mise en scène de Carsen, et si les voix et l'orchestre sont au niveau, je ne vais pas pouvoir attendre encore longtemps
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth
— Shakespeare, Macbeth
Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
oui, il approche de ses 75 ans qu'il fêtera le 10 novembre prochain.cosimus a écrit : Graham Clark a environ 75 ans
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
oui, c'est indispensable, l'une des plus belles productions de Carsen !Adalbéron a écrit :Tout ça donne extrêmement envie, surtout que je ne connais pas encore cet opéra de Strauss. On dit beaucoup de bien de cette mise en scène de Carsen, et si les voix et l'orchestre sont au niveau, je ne vais pas pouvoir attendre encore longtemps
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Merci Hélène pour ton point de vue qui met l'eau à la bouche même si, a priori, la distribution passe, dans mon esprit, après la production elle-même , production souhaitée pour conclure son mandat par Hugues Gall . Connaissez-vous plus belle façon de tirer sa révérence !
C.SKerath m'avait fait une fort agréable impression lors d'un récital donné à Rouen il y a 3 ans ( CR ici: http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... en#p194426 )
C.SKerath m'avait fait une fort agréable impression lors d'un récital donné à Rouen il y a 3 ans ( CR ici: http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... en#p194426 )
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Quelques photos (du 25 janvier – avant la représentation et aux saluts) :
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Ca donnait quoi en terme de fréquentation ?
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Vu de ma loge de côté, le parterre était plein, les loges du premier aussi, l'amphithéâtre avait l'air bien rempli aussi, pour le reste ?
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
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Re: Strauss - Capriccio - Metzmacher/Carsen - ONP - 01/2016
Michel Plasson m'en a dit le plus grand bien.pingpangpong a écrit : C.SKerath m'avait fait une fort agréable impression lors d'un récital donné à Rouen il y a 3 ans ( CR ici: http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... en#p194426 )
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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