Adès - The Tempest - Jenkins/Lepage - Vienne - 10/2015

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Adès - The Tempest - Jenkins/Lepage - Vienne - 10/2015

Message par HELENE ADAM » 18 oct. 2015, 21:40

The tempest

Thomas Adès (2004) d'après la pièce de Shakespeare.

Graeme Jenkins | direction musicale
Robert Lepage | mise en scène
Jasmine Catudal | décors
Kym Barrett | costumes
Michel Beaulieu | lumières
David Leclerc | Video
Crystal Pite | Choreographie

Christopher Maltman | Prospero
Audrey Luna | Ariel
Stephanie Houtzeel | Miranda
David Daniels | Trinculo

Vu ce soir 18 octobre en livestream depuis l'opéra de Vienne.

Très impressionnée. :D
CR à suivre

Acte 1, la tempête, le naufrage, l'ile déserte de Prospero (l'opéra de Vienne en miroir dans le fond de la scène, mise en abîme fascinante).

Image

Image

A suivre....
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: The tempest-Adès-Jenkins/Lepage-Vienne-Octobre 2015

Message par HELENE ADAM » 19 oct. 2015, 07:50

Je reprends mon CR.
Je sais que peu d'Odbiens aiment la musique contemporaine, mais bon, pour les quelques oiseaux rares dont je suis, je vous livre mes très bonnes impressions.

Quelques précisions utiles sur cet opéra de Thomas Adès (jeune compositeur d'une quarantaine d'années).

L'opéra est en anglais, il a été créé au ROH en 2004, sous la direction de Thomas Adès lui-même, avec Simon Keenlyside, Christine Rice et Jan Bostridge.

L'opéra a été commandé par le ROH dans les années 90 à Thomas Adès qui a avait déjà composé avec succès "Powder her face".

Un DVD est également sorti de la production du MET en 2012 avec la distribution suivante :
Chef d'orchetsre : Thomas Adès,
Prospero: Simon Keenlyside; Ariel: Audrey Luna; Caliban: Alan Oke; Miranda: Isabel Leonard; Ferdinand: Alek Shrader; King of Naples: William Burden; Antonio: Tony Spence; Stefano: Kevin Burdette; Trinculo: Iestyn Davies; Sebastian: Christopher Feigum; Gonzalo: John Del Carlo.

La production de Vienne reprend l'efficace et très belle mise en scène de Robert Lepage.

Thomas Adès n'est pas seulement un compositeur intéressant par sa capacité à varier les thèmes musicaux, l'utilisation des instruments de l'orchestre (dominé par les cuivres), à passer de morceaux héroïques très enlevés, à des scènes musicales intimistes presque classiques, il a en plus un vrai sens de la construction dramatique dans l'opéra. De ce point de vue il évoque immanquablement John Adams mais il a sa touche personnelle, romantique et fantasmagorique, que j'ai beaucoup apprécié, et des dialogues superbes de Meredith Oakes directement tirés de la pièce de Shakespeare et surtout une grande fidélité à cette histoire d'ile déserte, de magie, de faute et de rédemption.

La mise en scène valorise ce très bel opéra (les décors et les vidéos venus en appui sont de toute beauté, esthétiquement parlant).
Nous, spectateurs, voyons depuis la salle de l'opéra de Vienne, notre propre reflet dans le fond de la scène (voir photos). A part l'acte 2 qui nous fait entrer dans le monde de ces aristocrates naufragés sur l'ile de Prospero et qui rétablit la scène dans le sens normal (celui qui est musicalement et du coup, scéniquement, le plus "classique"), tout le reste est vu depuis la scène "à l'envers", voire depuis les coulisses (acte 3 qui se situe en arrière scène, avec les décors des actes 1 et 2 posés sur le sol et les échafaudages des futurs décors masquant partiellement la vision de la scène dans le lointain). La fausse "salle" et la scène inversée sont donc des éléments de la mise en scène: Ariel arrive sur un cintre qui descend du plafond, puis se réfugie dans le trou du souffleur, le duc apparait dans la loge royale de l'opéra etc etc.
Dès l'acte 1 on entre à fond dans l'histoire : un lustre géant posé sur le sol, s'élève, tournoie, la mer apparait à nos pieds, la tempête commence (l'ouverture de l'opéra est de toute beauté).

Ce n'était pas Thomas Adès qui dirigeait son opéra mais le chef Graeme Jenkins connait bien les complexités et surtout les rythmes heurtés, les mélanges d'instruments originaux, le bruitage et autres fantaisies traditionnelles de la musique contemporaine, et nous a offert (avec l'orchestre de Vienne et surtout les choeurs et ballets) une très belle interprétation.

Question voix et jeu scénique, rien à redire non plus : du grand art, sans fausse note. Je n'ai malheureusement pas toute la distribution, le site de l'opéra ne l'ayant pas transmise mais je la rajouterai dès que j'aurai l'information, parce que tous les rôles étaient fort bien tenus.

Mention spéciale à l'étonnant Christopher Maltman qui semble absolument savoir tout faire, puisqu'il était Lescaut à Londres l'été dernier où je l'ai vu (le ML qui sort en DVD), mais aussi Don Giovanni à Londres cet été juste avant d'être Oreste dans Iphigénie en Tauride à Salzbourg, tous rôles assez différents les uns des autres quand même...Je l'ai personnellement découvert dans "The rape of Lucrecia" de Britten il y a quelques années à Londres (il avait encore des cheveux LOL). Comme il chanté Britten, il chante Adès. Parfaitement bien malgré le côté casse-gueule de la partition pour un habitué des rythmes "classiques". Il joue bien avec son habituelle capacité à tout donner dans un rôle impressionnant et central.

Mais l'Ariel de Audrey Luna (lutin bondissant, voix volontairement un peu écorchée de soprano coloratura) est génial de vérité (gros succès à l'applaudimètre, performance impressionnante de l'artiste).

Très belle (et très glamour) Miranda de Stéphanie Houtzeel (inconnue pour moi...) et sympathique Trinculo de David Daniels (intéressant contre-ténor à suivre lui aussi).

Désolée de ne pouvoir mettre les noms des chanteurs en face des autres rôles mais j'ai remarqué également : Caliban (très bon ténor lui aussi), et Stefano (baryton basse ample aux graves qui décoiffent). J'y reviendrai...



Ouverture de l'opéra
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Acte 1, suite, l'ile déserte, la salle de l'opéra de Vienne vue en miroir dans le fond de la scène, Ariel prêt à bondir...
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Acte 2,
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Acte 2 Miranda
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Acte 3 Ariel
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Acte 4 Caliban et Ariel
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Re: The tempest-Adès-Jenkins/Lepage-Vienne-Octobre 2015

Message par HELENE ADAM » 19 oct. 2015, 08:22

Et pour le fun (mais la photo n'est pas terrible), Christopher Maltman dans "The Rape of Lucrecia" (Londres 2001?, pas sûre de la date du tout...)
Rôle de Tarquinius.

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Re: The tempest-Adès-Jenkins/Lepage-Vienne-Octobre 2015

Message par paco » 19 oct. 2015, 13:51

Merci pour le CR ! :D

J'avais beaucoup aimé The Tempest à sa création, mais quand je l'ai revu ensuite lors de sa reprise, cette fois au Met, via la retransmission cinéma, j'avais trouvé que l'oeuvre avait déjà beaucoup vieilli et j'avais été relativement déçu par rapport à mes premières impressions. J'avais trouvé notamment le tissus orchestral inutilement bavard et l'écriture vocale finalement assez pauvre.
Peut-être est-ce le genre d'oeuvre qui fait forte impression à la première écoute, et dont on sent les limites par la suite. Ce qui n'empêche pas que Thomas Adès soit un compositeur remarquable, ses oeuvres pour piano notamment sont de vrais chefs d'oeuvre.

Concernant la distribution dont tu parles, je me pose une question: est-ce qu'il arrive qu'Audrey Luna soit distribuée quelque part sur la planète dans un autre rôle / une autre oeuvre ? On tient là une artiste exceptionnelle, tant vocalement (avec une technique à décoiffer même quelqu'un qui aurait avalé un somnifère) que théâtralement (un charisme débordant), cependant depuis son Ariel au Met je ne la vois nulle part, du moins en Europe ?? (quelle Lulu elle ferait, notamment !)

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Re: Adès - The Tempest - Jenkins/Lepage - Vienne - 10/2015

Message par RODELINDA » 20 oct. 2015, 00:10

Merci Hélène ! Probablement mon meilleur souvenir de la saison 2014-15 – une production somptueuse, une musique ensorcelante, une distribution époustouflante de talent, de précision et d’investissement scénique, ayant bénéficié du privilège de travailler directement avec le compositeur, qui dirigeait lui-même la première série en juin dernier. J’ai gardé un souvenir particulièrement fort du couple central, Adrian Eröd en Prospero et Stephanie Houtzeel dans le rôle de sa fille Miranda – tous deux partagent la double particularité d’être d’excellents acteurs-chanteurs mais aussi d’être particulièrement à l’aise dans le répertoire contemporain (inoubliables Jason et Kreusa dans la non moins fantastique Medea d’Aribert Reimann en 2010). Le fait que la distribution soit restée inchangée à l’exception du rôle de Prospero a sûrement été la clé du succès de cette reprise, que je n’ai malheureusement pas pu voir – il aurait été pourtant très intéressant de comparer l’interprétation de Christopher Maltman à celle d’Adrian Eröd, chanteur que j’adore car il excelle à exprimer les déchirements intérieurs, les fêlures et les contradictions d’un personnage. Eröd est un baryton très clair aux aigus aisés (excellent Loge), on lui avait un reproché de manquer un tout petit peu d’autorité dans le grave pour le rôle si éprouvant de Prospero. Maltman possède un charisme égal mais très différent (tout comme Eröd était plutôt éloigné du Prospero de S. Keenlyside), plus physique, plus sanguin, peut-être met-il davantage en exergue l’autorité, l’ascendant du sorcier, plutôt que la vulnérabilité du père déchiré entre son amour pour sa fille et son désir de vengeance (mais ce n’est que spéculation de ma part). A noter que Chrisopher Maltman a lui aussi eu la chance de travailler avec le compositeur, puisqu’il était le Sebastian de la création en 2004. Concernant Audrey Luna, qui a déjà remporté un triomphe mérité à l’applaudimètre en juin dernier, je me suis posé la même question que Paco. Dans l’entretien qu’elle avait accordé au magazine du Staatsoper, Prolog, elle évoquait son audition au Met pour le rôle d’Ariel, qui lui avait permis de décrocher du même coup une reine de la nuit et une participation à Ariane à Naxos. Outre la reine de la nuit, elle a chanté Zerbinetta, Olympia, Lucia, Fiakermilli, Lakmé, Madame Mao… Mais effectivement, dans sa biographie qui figure sur le programme, il est surtout question d’engagements aux Etats-Unis et au Canada. Elle dit également que depuis qu’elle chante Ariel, elle reçoit beaucoup de propositions pour des œuvres contemporaines, je viens de voir qu’à son agenda figurent la création mondiale de The Exterminating Angelr de Thomas Adès (Festival de Salzbourg 2016) et Elysium de Rolf Wallin (Opéra de Norvège). Elle sera par ailleurs la reine de la nuit à La Fenice dans les prochains jours. Espérons que son triomphe viennois lui ouvre encore de nouvelles portes.

La distribution complète :

Prospero: Christopher Maltman
Ariel: Audrey Luna
Caliban: Thomas Ebenstein
Miranda: Stephanie Houtzeel
Trinculo: David Daniels
Ferdinand: Pavel Kolgatin
King of Naples: Herbert Lippert
Antonio: Jason Bridges
Stefano: Dan Paul Dumitrescu
Sebastian: Davind Pershall
Gonzalo: Sorin Coliban

Hélène, sur la dernière photo, je crois qu'il s'agit plutôt de Caliban (avec son inimitable costume velu ;-) )

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