Didon et Enée - Dumestre/Roussat/Lubek - Rouen 05/2014

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pingpangpong
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Didon et Enée - Dumestre/Roussat/Lubek - Rouen 05/2014

Message par pingpangpong » 11 mai 2014, 11:47

Opera en 3 actes
Livret de Nahum Tate
Musique de Henry Purcell
Créé à la Boarding School for girls de Josias Priest a Chelsea en 1689

Direction musicale: Vincent Dumestre
Mise en scène, Chorégraphie, Décors, Costumes: Cecile Roussat, Julien Lubek
Lumières: Marco Gingold
Dido: Vivica Genaux
Aeneas: Henk Neven
Belinda: Ana Quintans
Magicienne, Marin: Marc Mauillon
Première Sorcière: Caroline Meng
Deuxieme Sorcière: Lucile Richardot
Esprit: Nicholas Tamagna
Dame d’honneur: Jenny Daviet
Danseurs, acrobates: Sayaka Kasuya, Sarasa Matsumoto, Ahmed Said, Edwin Condette, Tarzana Foures, Anne-Claire Gonnard, Elodie Chan, Antoine Helou
Orchestre du Poème Harmonique, Chœur accentus - Opera de Rouen Haute-Normandie




Opéra de l’urgence, l’unique opéra du compositeur anglais l’est à plus d’un titre : urgence d’agir, de profiter d’une heureuse fortune longtemps désirée, urgence de déclarer sa flamme, de partir, de détruire le bonheur et l'amour de la Reine de Carthage.
En faire une œuvre hystérique serait cependant une erreur qui nuirait à la musique et à la continuité dramatique.
Les maîtres d’œuvre de ce spectacle délectable l’ont parfaitement compris qui ont réussi à marier mouvement et fluidité au sein de cette action ramassée telle que voulue par Purcell et son librettiste Nahum Tate.

Ainsi les actes s’enchaînent –ils presque sans pause malgré des changements de décor nombreux.
Les scénographes ont d’ailleurs opté pour un dispositif assez simple permettant les changements à vue, dans l’esprit des opéras cette époque, mais sans éclairage à la bougie ce qui aurait sans doute permis une scène de la grotte plus impressionnante et mystérieuse encore.

A la manière des beaux livres animés de notre enfance, se dégage une certaine naïveté, que certains déploreront, trop nourris qu’ils sont au Regie Theater qui est l’anti-séduction même.
Les autres applaudiront des deux mains, happés par la magie d'une mise en scène efficace.
La mer, sans cesse changeante, est l’élément dominant, présente dans chaque scène, même lorsque Belinda, à l’acte II, rend grâce aux vallées retirées, collines et vallons déserts. On voit mal Actéon et sa meute y chasser le gibier autre que d’eau.

Cette entorse au livret est cependant justifiée par le parti pris des metteurs en scène, Cécile Roussat et Julien Lubek, de laisser les éléments marins prendre le dessus sur la psychologie de personnages dont l’impuissance face au Destin n’en est que plus saillante.

Rochers de carton pâte, toiles peintes, monstres montés sur roulettes ou mus par des fils, tout ceci est réalisé avec art et poésie; des acteurs/acrobates bien réels, bondissant, volant, rampant, grouillant, viennent compléter des tableaux vivants propres à flatter l’œil pour peu qu’on joue le jeu, à provoquer l’effroi, le sourire et, c’est bien là l’essentiel, l’émotion, laquelle atteint des sommets lors de la mort de Didon et toute la sublime déploration du chœur qui clôt l’œuvre, la salle retenant souffle et toux avant d’exploser en acclamations.

Il faut dire que Vivica Genaux possède tous les atouts tant vocaux que dramatiques pour faire de Didon la figure tragique présentée dans l’Enéide. Sans être d’une grande ampleur, la voix ravit l’oreille par sa souplesse et son homogénéité et cette prise de rôle est une autre très grande réussite à mettre à l’actif de cette chanteuse que nous avions vue ici-même dans Carmen en 2012.
Ceux qui l’entourent, que ce soient Belinda, Enée ou la Magicienne, mais aussi l’Esprit malfaisant, les sorcières ou la simple Dame d’honneur, tous font de leurs souvent courtes scènes des moments forts.
Marc Mauillon est particulièrement remarquable, mais est-ce une surprise, dans un rôle qui lui va comme un gant, et la musicalité d’Ana Quintans fait merveille en Belinda.
Henk Neven est légèrement en retrait, faute de couleurs.
Dans la fosse, le Poème Harmonique et les membres du chœur Accentus-Opéra de Rouen Haute-Normandie sont en osmose complète avec ce que l’on voit sur la scène, emportés qu’ils sont par un Vincent Dumestre des grands jours, faisant feu de tout bois pour insuffler l’esprit musico-mythologique purcellien, nous laissant le temps, lors des interventions purement orchestrales, d’apprécier la chaleur des bois, le fruité et la ductilité des violons, les couleurs et la plénitude du continuo.

Ce spectacle, présenté à Rouen jusqu’au mardi 13 mai, sera ensuite donné à Versailles les 14 et 15 juin.

E. Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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