Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart 2013

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Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart 2013

Message par EdeB » 15 janv. 2013, 13:06

CHARPENTIER : David et Jonathas
Tragédie biblique en cinq actes et un prologue (1688)
Livret du père Bretonneau.

Pascal Charbonneau - David
Ana Quintans - Jonathas
Arnaud Richard - Saül
Krešimir Špicer - Joabel
Frédéric Caton - Achis
Dominique Visse - La Pythonisse
Pierre Bessière - L’Ombre de Samuel / Premier guerrier

Les Arts Florissants
William Christie - direction musicale

Andreas Homoki – mise en scène
Paul Zoller - scénographie
Gideon Davey - costumes
Franck Evin – lumières

Théâtre national de l'Opéra-Comique, 14 janvier 2013


Compte-rendu en cours... :wink:

Changement de distribution par rapport à Aix (fil ODB http://www.odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=11393 ) : Arnaud Richard interprète un Saül très impressionnant...
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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par Bernard C » 15 janv. 2013, 13:47

EdeB a écrit :CHARPENTIER : David et Jonathas
Tragédie biblique en cinq actes et un prologue (1688)
Livret du père Bretonneau.

Pascal Charbonneau - David
Ana Quintans - Jonathas
Arnaud Richard - Saül
Krešimir Špicer - Joabel
Frédéric Caton - Achis
Dominique Visse - La Pythonisse
Pierre Bessière - L’Ombre de Samuel / Premier guerrier

Les Arts Florissants
William Christie - direction musicale

Andreas Homoki – mise en scène
Paul Zoller - scénographie
Gideon Davey - costumes
Franck Evin – lumières

Théâtre national de l'Opéra-Comique, 14 janvier 2013


Compte-rendu en cours... :wink:
(...)
Et commentaire après la représentation du 18/01 ( si j'arrive à suivre le rythme ... :D )

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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par EdeB » 16 janv. 2013, 09:25

CHARPENTIER : David et Jonathas
Tragédie biblique en cinq actes et un prologue (1688)
Livret du père Bretonneau.

Pascal Charbonneau - David
Ana Quintans - Jonathas
Arnaud Richard - Saül
Krešimir Špicer - Joabel
Frédéric Caton - Achis
Dominique Visse - la Pythonisse
Pierre Bessière - l’Ombre de Samuel / un guerrier
Elodie Fonnard – premier berger
Maud Gnidzaz – un captif
Virginie Thomas – deuxième berger
Reinoud van Mechelen – un de la suite de David, un captif
Benjamin Alunni – un captif
Geoffroy Buffière – un de la suite de Jonathas / un guerrier

Les Arts Florissants
Chœur des Arts Florissants
William Christie - direction musicale

Andreas Homoki – mise en scène
Paul Zoller - scénographie
Gideon Davey - costumes
Franck Evin – lumières

Théâtre national de l'Opéra-Comique, 14 janvier 2013


Drame musical écrit pour l’école professe des Jésuites (Collège Louis-le-Grand) à Paris et créé le 28 février 1688 à destination de ses élèves, il ne nous reste plus, avec ce sublime David et Jonathas que la moitié de ce spectacle biblique. L'autre, une tragédie latine du Père Chamillart, D. O. M. Saul, tragoedia dabitur in regio Ludovici Magni collegio Societatis Jesu a Secundanis die Jovis XXV. februarii horâ post meridiem prima ne nous est plus connue que par son argument publié. Si les élèves jouèrent Saul, ce furent les artistes de l’Académie qui créèrent David et Jonathas ; Lully étant mort l’année précédente, les restrictions se relâchèrent.
Ce sont donc des morceaux épars de la narration qui demeurent, lesquels ponctuaient et soulignaient l'autre face de l'action, plus développée. L’action étant posée dans la pièce, la tragédie en musique peut aller directement à l’essentiel… Les fastes des grands divertissements encadrent des conflits intérieurs plus resserrés. Le politique et les problématiques qui agitaient le siècle, si elles ne sont pas absentes de la partie survivante, étaient probablement plus prégnants dans ce théâtre latin dont les péripéties semblent obéir davantage à la tragédie classique. Dans cette construction savante, parlé et chanté, latin et français, les lieux de l'action sont alternés, ce qui crée un effet en miroir décalé (l’action de Saul se déroule chez le roi, celle de David et Jonathas davantage chez les Philistins). D'autres personnages étaient introduits dans la pièce, amenant d’autres conflits. Comme la sœur de Jonathas, Seila, par ailleurs épouse aimante de David... et qui était bien classiquement écartelée entre fidélité filiale, amour fraternel et conjugal. Ou encore Abinadab, fils ainé de Saul, qui souhaite la guerre, afin que la prédiction de la pythonisse s’accomplisse… De quoi restaurer un peu de bienséance dans un livret sujet à ambigüité ? Quoi qu’il en soit, l’œuvre obtint un tel succès qu’elle fut reprise en 1706, puis dans divers collèges jésuites (à Amiens, La Flèche et Harcourt) jusqu’en 1741.

Malgré ces manques déplorables, car la tragédie en musique étaye la tragédie, l'ouvrage du Père Bretonneau et de Charpentier ménage un crescendo dramatique et psychologique d'une force inégalée, mêlant conflits personnels (le devoir et l'amour), devoir féodal (la fidélité obstinée de David vis à vis de Saül d'où découle son déchirement intérieur) et sacré. L'un des nœuds du conflit est justement la sujétion du roi aux volontés divines, ce qui fonde son pouvoir et la notion du ''monarque juste''. Et sa punition, qui ne relève que de Dieu, s’il faillit. D’où les interrogations sur le tyrannicide (encore d'une actualité brûlante en 1688) et la justification de cette guerre civile... Dans le texte biblique et dans la tragédie jésuite (dans la partie déclamée tout comme dans la partie musicale), on insiste énormément sur ce fatum : Saül est maudit parce qu'il s'est détourné de Dieu et de ses Lois. Il parachève cette fuite en avant par une dernière transgression qui a tout du blasphème : aller voir la sorcière d'Endor pour invoquer l'ombre de Samuel... C'est la ''catastrophe'' qui précipite le drame. Et cette action, connue des protagonistes sur le théâtre latin, explique certaines de leurs motivations…

Le contexte pédagogique de la création de l’œuvre, créée dans un établissement qui formait les futures élites du royaume, politiques comme militaires, n'est pas indifférent. Il est difficile de l'occulter, par la rémanence de ce type de choix moraux et politiques. Bien sûr, les équivalences chrétiennes traditionnelles sont extrêmement marquées dans le sous-texte ; nous sommes encore dans une monarchie chrétienne, avec un roi oint et sacré. L'Eglise est évidemment passée par là bien avant, en ''christianisant'' toutes les références possibles de l'Ancien Testament. La leçon, l'objet de la démonstration est bien de justifier les conséquences terribles du mauvais gouvernement. Le ''mauvais roi'' (Saül) se détournant de son devoir, de Dieu et de ses Lois, va accumuler sur son œuvre (royaume et descendance) tous les malheurs de celui qui s'écarte du sacré. Il n'est donc plus le roi "élu" et David prend sa place avec le soutien divin. Grâce à cet appui, l'ancien berger n'est ni un régicide ni un usurpateur... Il aurait été doublement coupable sinon, en transgressant en sus les lois familiales (il est beau-frère de Jonathas, l'héritier du trône). Au-delà de l'interprétation religieuse, naturelle dans une institution jésuite, on a également droit à une leçon de politique et de comportement... Savoir commander, c’est aussi savoir obéir. Même dans la douleur. Et la solitude, car les protagonistes ne se parlent plus. Ils se fuient, de manière constante. Les seuls réels "dialogues", où répond le silence, prennent le divin comme protagoniste.

Transporter cette tragédie dans la sphère domestique (en insistant sur cet élément) est alors un non-sens absolu. Les saynètes muettes qui se déroulent sur les mouvements de danse et ritournelles diverses font diversion. Certes, le David biblique est élevé à la cour de Saül comme un fils, et cet aspect est bien rendu dans ces flashbacks d'enfance. Mais cette insistance familiale occulte totalement la puissance des forces en présence. C'est parce que l'enjeu est une couronne et sa transmission, parce qu'il s'agit d'une guerre civile (le successeur légitimé en révolte trouve refuge chez l'ennemi héréditaire... ce qui devait d'ailleurs réveiller de vieux souvenirs de Frondeurs alliés aux Espagnols, pour les spectateurs de 1688 !) que ces conflits cornéliens s'en trouvent renforcés. Sans cet enjeu, pas de crise politique. (En témoignent les poignants ''Que Saül redouble sa colère/ D’une pareille ardeur, que le fils animé / Seconde les efforts du père / […] Seigneur, c’est à toi seul que David cherche à plaire.'' (IV, 1) de David et le ''Je dois tout à Saul'' (IV, 3) de Jonathas.) La tragédie se fonde sur une perception de l'ordre du monde, dans une harmonie voulue par Dieu. Ainsi, dans cet ordre ancien, les crimes de Saül retombent sur la tête de son fils, seule victime réellement innocente.

L'introduction du personnage muet de l'épouse de Saül est également déplacée : cette adjonction fait basculer l'action dans le domaine purement privé, alors que le drame d'origine est scandé par l'alternance des champs publics et privés, et par le jeu des apartés des protagonistes. Ces entrecroisements d'intérêts, de fidélités, de déplacement des comparses (avec un effet hybride par la présence de Joabel et d'Achis) ne sauraient être pleinement exprimés dans cette modernisation vague, qui évoque une terre palestinienne des années 30... La mère et épouse défunte devient alors le pivot de l'histoire.
Ce qui en découle, par une logique dramaturgique aberrante, est le déplacement du Prologue après le troisième acte, fermant la première partie. L'action en devient absurde : la seule figure féminine de l'œuvre semble ainsi fantasmatique (ce qui est accentué par sa démultiplication. On avait déjà vu cela, bien plus à propos, chez Lavelli...). Le côté maléfique de cette Sybille décatie s'allie d’ailleurs mal avec l'aura maternelle de la défunte (que l'on a vu précédemment, dans un tableau muet, décéder à la suite d'un jeu des petits David et Jonathas.) La rage hargneuse de Saül et sa folie trouvent là leurs racines dans un ressentiment privé, non dans des affaires publiques... Sans compter que la reprise de l’ouverture à la française, abrupte dans son inachèvement attendu, résonne étrangement.
De même, absurdité que de faire poignarder Saül par David, quand le texte souligne le suicide du roi déchu (un autre blasphème dans la France chrétienne d'alors) et son décès en coulisse... Et c'est tout aussi saugrenu de voir Joabel poignarder Jonathas, dans un paroxysme de jalousie amoureuse !

Il est fort dommage qu'Andreas Homoki ait souhaité plaquer sur une intrigue riche et complexe, une telle simplification réductrice. Car la scénographie de Paul Zoller témoigne d'une remarquable occupation de l'espace. Grâce à des parois coulissantes qui enserrent les protagonistes, créent des poches d'intimité au milieu de la foule (les retrouvailles de Jonathas et David au II) et des fondus enchainés quasi cinématographiques, il recompose un espace mental tout autant que géographique ; ces parois de bois voilées de noir, créant des obscurités subites qui écrasent les protagonistes sont de très belle tenue. Cette virtuosité est malheureusement entachée par un espace trivialisé (tables et chaises bien encombrantes), une utilisation parfois caricaturale de la foule (tous rangés en rang d'oignon au fond du triptyque comme pour un sous-Schongauer !) et une démonstration qui finit par tourner à vide (quel besoin de les faire bouger en permanence dans ces espaces rétrécis ?)

Si le choeur des Arts Florissants est à la hauteur de sa belle réputation, on ne peut en dire autant des rôles-titres. S'ils habitent leurs personnages dès les premières minutes, dramatiquement parlant, leur ramage n'est guère à la hauteur de leur plumage. Quelle idée bizarre que d'avoir choisi Pascal Charbonneau en David... Si le roi légendaire est resté dans les mémoires comme un fin musicien, son avatar contemporain témoigne d'une voix aigre, tendue dans les aigus, fâchée avec la justesse. Il n'y a que dans la véhémence et la douleur finale qu'il trouve des accents convaincants. De même, Ana Quintans ne prend réellement ses marques que lors de son pathétique ''A-t-on jamais souffert une plus rude peine ?''. Son Jonathas est plus enfantin qu'adolescent, et manque de fougue virile et de fermeté : il est victimisé dès le préambule. Cette faiblesse du couple rejaillit en partie sur l'ouvrage et affadit la partition. On reste donc sur sa faim, et c'est donc au peuple d'entrainer l'histoire à son terme.
Bien plus impressionnants que les deux héros sont Krešimir Špicer, Joabel d'une noirceur jubilatoire et le splendide Arnaud Richard, Saül erratique et torturé, dont l'intelligence musicale s'allient à une caractérisation subtile pour camper des personnages captivants. Plus en retrait, Frédéric Caton est néanmoins un Achis inventif, et campe un ''honnête homme'' d’une rudesse attrayante. La Pythonisse de Dominique Visse, si le délié lui fait désormais défaut, compense ses failles vocales par une autorité gouailleuse et une étrangeté malicieuse qui font merveille. Les rôles plus secondaires, bergers, suivants, captifs, sont parfaitement menés, et contrastent idéalement, avec toutes les couleurs et l'impact nécessaires. Charpentier fait le reste.

William Christie renouvelle une fois de plus son propos, dans une partition qu'il a revisité maintes fois au cours de sa carrière. Cette approche se caractérise ici par un lissé qui gomme les aspérités et la violence larvée du propos. (La première entrée de David, avec son surprenant rubato, tombe totalement à plat.) Cette lecture plus immédiatement hédoniste, attentive aux couleurs (très belles flûtes !), trouve son apogée dans les divertissements, marquant étrangement le pas dans les échanges intimes des deux héros. Comme on aurait souhaité être davantage saisis par l'émotion et non seulement emportés par ces chants de victoire !

Emmanuelle Pesqué

A paraître, le DVD de la captation d’Aix en Provence, chez Bel Air Classiques en avril 2013.
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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par phaeton31 » 20 janv. 2013, 11:14

merci pour ce compte rendu plus informatif que la conférence donnée avant chaque représentation à l'opéra comique ! mais avez vous été ému par cette MUSIQUE ?

il faut ici parler de musique parce que le livret n'a pas la portée d'un drame , ça n'a pas été écrit par Wagner ou Hofmannsthal , c'est faiblard et lourd question suggestion et poésie . donc inutile de disserter sur le fond , il est censé être connu de tous AVANT d'assister à la représentation ; comme livret on préfèrera celui de Médée qui est juste un cran au dessus ; bien sûr il y a un vague contexte historique , mais on retient surtout la musique ; et pour avoir assisté à ces sonorités lundi dernier je puis vous dire que cela permet de passer outre l'aspect visuel purement anecdotique, ou même quelques faiblesses vocales . je suis toujours surpris que l'on parle plus sur ce forum de la mise en scène que de la musique en soi .
le monologue de David à l'acte I est un des sommets du répertoire ténor ou haute contre , hélas massacré ( le mot est faible ) par ce chanteur sûrement excellent par ailleurs mais ici mal distribué .
la chaconne qui relie les actes 2 et 3 est un modèle d'équilibre .
la scène de folie de Saul préfigure les drames haendeliens et leurs récitatifs accompagnés en ariosos .
le prélude de l'acte IV est une longe résolution tonale qui nous fait atteindre le mode Ré mineur ( je crois ) tonalité annonçant le finale de l'opéra . dans la production cela fait très astucieusement suite au prologue , empli de dissonances .

le déplacement du Prologue mettait en valeur la beauté de la musique de ces pages magnifiques qui, placées au début, constituent un luxe sonore auquel on n'est pas préparé...

pour moi un élément important dans la soirée : Arnaud Richard , très grand chanteur de ce répertoire et beaucoup plus à l'aise que l'anglais à la voix nasale qui chantait à Aix .

cette musique dépasse l'histoire, le contexte et le livret ... il y a l'ordre des scènes mais il y a aussi le mouvement ... comme de regarder un tableau , on ne le réduit pas aux parties qui le constituent et on peut l'appréhender de différentes façons sans pour autant le dénaturer .

la musique ça n'est pas que l'ordre , c'est l'ordre et le mouvement ;

Dès qu'un metteur en scène fait preuve d'inventivité on lui dit qu'il n'est pas fidèle au livret . Allez au théatre vous verrez ce qu'est s'approprier un texte , et là on ne crie pas au scandale quand les scènes sont jouées à l'envers et sans repères formels ; c'est cela la création !

sinon pour voir deux propositions de David : à Florence il y a un marbre de 4 m de haut viril à souhait , et un bronze sublime d'androgynie ; là encore peut on dire que les sculpteurs étaient en phase avec le vrai David ? non ,on peut juste dire qu'ils ont recréé leur propre David .

je ne connaissais pas ce théâtre , la sonorité est excellente ; public très concerné et attentif , exigeant aussi ! je pense que le DVD ne remplacera pas la version années 80 de Christie .

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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par Piero1809 » 20 janv. 2013, 13:50

Merci beaucoup pour ce compte rendu très informatif.
J'avais vu ce spectacle sur ARTE live web, il y a quelques mois. L'impression générale était globalement très positive. Je découvrais il est vrai une musique exceptionnelle et une mise en scène intéressante mais discutable, compte tenu des écueils de la transposition de l'action à une époque récente ce qui la prive du support qui fait sa force.

Le DVD promis sera le bienvenu.

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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par Bernard C » 20 janv. 2013, 21:54

quetzal a écrit :
EdeB a écrit :CHARPENTIER : David et Jonathas
Tragédie biblique en cinq actes et un prologue (1688)
Livret du père Bretonneau.

Pascal Charbonneau - David
Ana Quintans - Jonathas
Arnaud Richard - Saül
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Compte-rendu en cours... :wink:
(...)
Et commentaire après la représentation du 18/01 ( si j'arrive à suivre le rythme ... :D )
En juillet lors de la retransmission Mezzo Live j'avais beaucoup commenté en direct cette production :
http://www.odb-opera.com/viewtopic.php?p=182473#p182473

J'étais très critique comme vous le constaterez , non seulement sur une mise en scène difficile à décrypter ( notamment à la TV et ses gros plans) mais aussi concernant les chanteurs . J'avais été bien sûr subjugué par la musique et parfois bouleversé par l'intensité émotionnelle.

Ce vendredi 14 janvier dans une salle Favart comble et enthousiaste et qui fera une belle ovation aux artistes j'ai pu mesurer l'incroyable distance avec ce que j'avais vu à la TV ( j'avais revisionné 3 fois la captation TV dans l'été ) .

Sur les chanteurs

David a bien mieux chanté : Pascal Charbonneau a notamment fait de gros réajustements de justesse , le vibrato plus maîtrisé et la voix moins tendue . Pour autant il m'a moins emporté ; le chant est sage , l'ornementation rare , le timbre peu séduisant . mais le personnage est beaucoup joué . On sent le travail de la mise en scène , trop peut être , enlevant une expressivité et une "spontanéité" qui m'avaient beaucoup plu dans la retransmission d'Aix .

Le Jonathas de Ana Quintans , plus garçon que jamais apparaît sur scène bien plus vulnérable et infantile , bien trop infantile , "petit frère" de David et la voix est très légère , fraîche , mais avec les mêmes limites dans les aigus et la souplesse .

Les autres chanteurs ont honoré leur rôle , avec un jeu très travaillé , une diction excellente chez tous , le Saül de Arnaud Richard étant magnifique de présence scénique .

Dominique Visse a été moins techniquement impressionnant qu'à la télé mais a fait un numéro tout de même très succulent dans une Pythonisse plus pathétique que redoutable .


Christie , identique à lui même , avec des bois des Arts Florissants parfois moins précis que ce à quoi ils nous habituent ...mais je dis ça , je dis rien , tant chipoter dans une telle musique a peu de sens .
Quand nous n'aurons plus Christie , qui le remplacera ?

Car la musique est admirable et fait mon enchantement .

Rien ne remplace le concert vivant , l'instant musical pour vivre les couleurs , les dynamiques et l'intensité de cet orchestre de Charpentier .
Un énorme bravo à Béatrice Martin à l'orgue/clavecin et à Florence Malgoire le violon solo ...formidables .

Que dire de cette mise en scène ?

Beaucoup de choses justes ont été dites par Emmanuelle ( EdeB)

J'ai pourtant vécu un fossé avec la représentation enregistrée . La vision globale et dynamique de la scène change considérablement les perspectives .

Le gros plan des caméras démontre encore une fois son caractère pervers et paradoxal , tant au niveau du jeu des acteurs et donc au niveau du sens dramatique des personnages qu'au niveau des mouvement scénographiques .

Ces emboîtements deviennent bien plus lisibles , l'intelligence globale du propos est perceptible , pour autant cette incessante transformation des géométries spatiales est souvent vaine et surabondante , elle prend la place d'une vacuité .
J'ouvre l'espace , je le ferme , je le déplace , je concentre , je dilate , je resserre , je fais défiler non seulement l'espace mais le temps , le rideau vient à chaque scène dramatique retirer du regard la fin de la plainte , la dernière note qui échappe dans l'obscurité ...tous ces procédés pourraient être efficaces s'ils n'étaient pas si répétés , si incessants au point de prendre la place d'un espace intérieur au chant , au texte même .

Plusieurs autres choses nullement anecdotiques rendent cette mise en scène très contestable .

La mère : Homoki installe en fil rouge une mère ( une femme ) tout à fait absente et du livret et du texte biblique .On sait que David épousa Michol la fille de Saül.. mais rien qui renvoie à cette mère de famille qui tient la table et qui meurt dans la salle à manger .
C'est cette même figure maternelle auprès des deux enfants (...devenus fantasmatiquement frères(!) David et Jonathas) qui se dédoublera et se multipliera en autant de Pythonisses . Saül dans ce mélodrame semble porter un deuil irrésolu à cette perte ( voir la scène du catafalque couvert de couronnes mortuaires , absolument incompréhensible) .

Tout cela concourt à construire une fable moderne d'une histoire familiale : deux garçons frères ou amis d'enfance , la mort d'une mère - d'une femme - un père inconsolable .
L'homosexualité au sens contemporain omniprésente , source de la jalousie de Joabel , fortement soulignée dans des mouvements érotisés , quand le couple se dérobe amoureusement , puis le baiser sur la bouche à l'agonie de Jonathas etc...

Voir aussi cette image à la mort de Jonathas où l'image du" paradis de l'enfance" apparaît comme idéal de l'éternel retour : "viens me rejoindre dans la lumière !"

Tout cela est hors propos et s'abandonne à l'air du temps au mépris des subtilités de l'oeuvre et des obscurités qui devraient rester telles , sans être moulinées à la mode , à la mode !

Idem pour les meurtres inventés de toute pièce pour la démonstration du propos anachronique de Joabel d'abord et surtout de Saül .
Or le suicide de Saül ne peut pas et ne doit pas pour une facilité mélodramatique être transformé en meurtre par David .
Il en est de la position du Roi et du père . Il en est du sujet vaincu et renonçant . Si conflit et rivalité passionnelle il y a entre Saul et David , par quelque bout qu'on l'analyse ( rappelons nous que pour démontrer sa puissance le jeune David apporta au Roi asthmatique 100 prépuces de philistins en gage ) , il est impossible de faire mourir Saül par le poignard de David .

Ceci est un exemple nodal de ce qu'une mise en scène au demeurant pas laide, peut gâcher le bonheur d'une soirée par les contrariétés qu'elle fait naître .

Et par ce fait couper l'émotion bouleversante ( que j'avais pourtant à plusieurs reprises éprouvée lors de la transmission télévisuelle ; dans cette circonstance la manipulation des cadreurs permettait de gommer et d'annuler des intentions et de nous épargner la lourdeur des signes de la mise en scène .)

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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par EdeB » 25 janv. 2013, 12:02

phaeton31 a écrit :merci pour ce compte rendu plus informatif que la conférence donnée avant chaque représentation à l'opéra comique ! mais avez vous été ému par cette MUSIQUE ?

.
Oui, cette partition me bouleverse. C'est une de mes oeuvres d'île déserte...
Mais la musique ne tourne pas à vide, elle est là pour DIRE quelque chose, émotionnellement et dramatiquement. Et quand on casse la trame, je ne m'y retrouve pas du tout.
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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par abaris » 25 janv. 2013, 13:30

Pas grand chose à ajouter à ce qui a déjà été dit. Un bon voire très bon spectacle, honnêtement chanté, avec des Arts Flo en très grande forme. Mise en scène assez fascinante en soi mais quelque peu hermétique. Mais de toute façon la musique est géniale, tout le monde en est d'accord.

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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par Asvo » 20 avr. 2013, 03:39

De tous petits ajouts sur ce spectacle, lors de sa venue à la Brooklyn Academy of music de New-York.

Déjà, après la déception du son parfois trop sirupeux et arrondi du son du Met, j'étais très heureux de pouvoir trouver à la BAM un son beaucoup plus incisif, pinçant, souple seulement quand il faut l'être. Les Arts Florissants et Christie étaient particulìerement en forme.

J'ai lu plus en détail ce qu'avait écrit EdeB sur la mise en scène, merci de ces commentaires étayés ! Je dois avouer qu'au niveau le plus basique cette mise en scène m'a beaucoup ému, et était parfaitement en accord avec les superbes émotions véhiculées par la musique de CHarpentier. Surtout le prologue, très intense (mais je lis avec attention le fait que le rôle de la femme de Saul soit un contresens total).

Un détail, mais j'aime bien, quand il y a des musiques de ballet, qu'il y ait un ballet... Ça m'a manqué.

Charbonneau ne m'a pas particulièrement convaincu, même si on sent un haute-contre à la Agnew en puissance, en acte c'est tout autre chose... J'espère le revoir un peu plus tard quand la voix sera davantage contrôlée. Quintans sublime en revanche ; Visse m'a impressionné dans le ratio usage qu'il fait de sa voix/état de sa voix... Chapeau bas !

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Re: Charpentier- David & Jonathas -Christie/Homoki - Favart

Message par EdeB » 20 avr. 2013, 10:29

Merci pour ce point de vue. C'est intéressant de voir comment le spectacle évolue. :D
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