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par jerome » 02 janv. 2018, 11:30
Il aurait fallu traiter de ce coffret dans le fil consacré à la discographie de l'oeuvre.
Par delà l'émotion, ô combien logique, qui est la nôtre de retrouver, dans le contexte particulier que nous savons, Hvorostovsky dans une intégrale dont nous aurions tous aimé qu'elle ne fût pas son ultime, il nous faut bien tout de même déterminer le plus objectivement possible la place que peut occuper cette nouvelle version dans une discographie pléthorique où trônent déjà quelques références quasi-absolues.
Inutile de s'attarder sur la basse et la mezzo, certes efficaces, mais aux personnalités vocales suffisamment neutres pour ne pas faire vaciller Talvela, Siepi, Ghiaurov, ... Cossotto, Simionato, Verrett, ...
Que dire de la direction d'Orbelian ? Ben que dans une discographie qui ne comprendrait pas Gavazzeni, Solti, Giulini, Muti et même, hé oui, Bonynge, Sanzogno et Molinari-Pradelli, sa battue orchestrale dynamique retiendrait vraiment l'attention. Mais à la tête d'une phalange pas exceptionnelle comme le Kaunas City Symphony Orchestra, elle n'est qu'efficace.
Restent Demuro, Sierra et Hvorostovsky ...
Demuro a tous les défauts de Giuseppe di Stefano sans aucune de ses qualités: les voyelles sont vulgairement débraillées et démesurément ouvertes (le pire défaut de di Stefano!) comme le plus lamentable des gondoliers vénitiens mais nous n'avons pour compenser aucune beauté de timbre, aucune facilité de l'aigu et aucun suraigu capable de nous faire décoller de notre fauteuil (parce que pour moi les cris de chapon de Demuro ne rentrent pas dans la catégorie aigus et suraigus!) et c'est là qu'on réalise combien sublimement précieux dans la discographie est le Duc de Mantoue de Pavarotti (et particulièrement le premier des 4 qu'il a enregistrés!) car là, beauté vocale, aisance de tessiture, impeccabilité du style prennent tout leur sens!!
Bref, Pavarotti, Kraux, Bergonzi, Gedda et le jeune Alagna restent en tête!
Sierra, et je suis désolé de le redire à ceux qui veulent absolument voir une parenté vocale dans sa Gilda, n'a pas grand chose en commun avec la jeune Renata Scotto pour des raisons que j'ai précisées dans un post plus haut (laquelle Scotto, je tiens à le préciser était bien supérieure dans sa première version que dans sa seconde et pourtant très peu d'années les séparaient ...). Pour autant, dans une discographie qui a beaucoup privilégié l'option complètement fausse, musicologiquement parlant, d'une Gilda forcément soprano léger (ce que n'était pas Mme Brambilla, la créatrice du rôle!), peu de Gilda vraiment majeures nous ont été données: si Callas a montré le chemin (mais a contrario son timbre était trop noir), Scotto, Sutherland, Moffo, Cotrubas, Dessi et Rost ont été beaucoup plus pertinentes que le reste des Gilda de la discographie. Alors, oui c'est vrai, Sierra s'y fait une très jolie place, pas la meilleure de la discographie mais la meilleure possible actuellement parce que le timbre est beau et finement corsé, que le style est éprouvé et que le chant est de belle facture. Il fallait que sa Gilda, hautement goûtée en live ces derniers temps, fût enregistrée! C'est là chose faite!
Enfin Hvorostovsky! C'est globalement très beau ce qu'il fait. On n'est pas avec lui dans les Rigoletto hyper verdiens et arrogants vocalement comme l'étaient Warren, Cappuccilli, MacNeil et Milnes et même Nucci. On serait plutôt ici chez Victor Hugo. Le timbre, tout de bronze, reste assez impérial. Le chant est tenu à la corde et l'incarnation vibrante qui est la sienne ne peut que nous émouvoir et nous faire regretter que cette intégrale n'ait pas été conçue plus tôt avec un autre chef, un autre orchestre et certains autres partenaires. Le seul vrai défaut le concernant ici serait des prises d'air un peu trop audibles.
Donc une intégrale qui vaut essentiellement pour Gilda et Rigoletto et qui ne bouleverse nullement la discographie.
je suis donc globalement assez d'accord avec Loïs.