D. Mazzochi-Le Temple et le Désir (G. Garrido)

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JdeB
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D. Mazzochi-Le Temple et le Désir (G. Garrido)

Message par JdeB » 10 janv. 2017, 18:05

Le Temple et le Désir – Domenico Mazzocchi (1592-1665)
Musique sacrée et profane


Soprani : Maria Christina Kiehr, Bárbara Kusa, Claire Lefilliâtre, Isabelle Fallot, Marie Théoleyre
Mezzo-Soprano : Rosa Domínguez
Contre-ténor : Maximiliano Baños
Ténor : Jaime Caicompai
Baryton : Furio Zanasi
Basses : Guillaume Olry, Marcello Vargeto

Choeurs et musiciens de l’Ensemble Elyma, Direction : Gabriel Garrido

1 CD K617 Chemins du baroque. Durée 1h13’05. Livret : Français/Anglais. Enregistrement réalisé en l’église Notre Dame de Malpas à Montfrin (Gard) du 27 juin au 2 juillet et les 14 et 15 septembre 2015.



Quel bonheur que de retrouver au disque Gabriel Garrido auquel nous devons tant de joyaux en musique ancienne. Et l’on ne peut que se réjouir d’autant plus, que ces retrouvailles se font avec un label, K617, dont le silence depuis plusieurs mois n’était pas sans nous inquiéter, tant son histoire a, non seulement, accompagné le maestro tout au long de sa carrière, mais a permis par son audace éditoriale la redécouverte de nombreuses perles baroques.

Ce nouvel enregistrement est d’autant plus une bonne nouvelle que Domenico Mazzocchi qui en fait l’objet, et dont on a célébré le 350e anniversaire de la mort en 2015, reste peu connu. Seul un de ses opéras, La Catena d’Adone, a fait l’objet d’un CD chez Alpha.

Ce nouveau CD du maestro argentin est une riche anthologie qui unit avec beaucoup de subtilités musique sacrée et profane. On y découvre toute la luxuriance et l’audace de la musique que l’on pouvait entendre à Rome dans la première moitié du XVIIe siècle. Alors que Francesco Cavalli commençait sa carrière à Venise, l’école romaine n’hésite pas, grâce à de riches mécènes à inventer, créer, explorer de nouvelles possibilités. Si la postérité a retenu le nom et les œuvres de Giacomo Carissimi, auquel on prête la paternité de l’oratorio, il partagerait cette dernière avec Domenico Mazzocchi, selon Cédric Constantino, le musicologue auteur des notes du livret de ce CD. Et si l’on ne conserve aucun oratorio à proprement parlé de Mazzocchi, les Dialogues ici enregistrés, tendent à démontrer une influence des deux compositeurs l’un sur l’autre.

L’écoute de ce CD, nous offre une perspective nouvelle sur cette Cité Eternelle, en quête de beauté.

Le Temple et le Désir
, montrent à quel point la fusion des arts, en quête de l’expression des affeti, exprimant la passion baroque, a trouvé sa place dans la cité des papes.

Et l’on ne reste pas sans penser au Bernin, l’exact contemporain de Mazzocchi, en écoutant cette musique si singulière. Entre sensualité et spiritualité, la Contre-Réforme, y développe une rhétorique de la séduction, plus ensorcelante encore, pour mieux convertir. Offrant d’ailleurs ainsi, un moyen subtil aux artistes et à leur public de déjouer les interdits, de défier les censeurs, avec une rare malice, dont les sortilèges sont parfois si troublants.

Ce CD nous offre à entendre, la musicalité des œuvres du sculpteur, unissant dans l’extase musique et corps de marbre. Entre sacré et profane, ce dernier nous invite à entrer en résonance avec des œuvres telle que l’Extase de Sainte – Thérèse ou la course éperdue d’Apollon et de Daphné.

Domenico Mazzocchi possède une parfaite maîtrise du style moderno et s’il revendique l’influence de Monteverdi, il apparaît aussi comme un disciple de Carlo Gesualdo tant il se montre fidèle au madrigal polyphonique, se plaisant à utiliser un langage harmonique tout à la fois déroutant et éclatant.

Les affinités de Gabriel Garrido avec la musique italienne du XVIIe siècle, ne sont plus à démontrer, et ce n’est pas ce dernier CD qui le démentira. La réalisation en est tout simplement d’une beauté confondante.

Son univers sonore est d’une telle splendeur que dès la fin de la première écoute, on est captivé par ce sentiment de plénitude qui en sourde. Sa sensibilité artistique le conduit à créer une œuvre vivante, vibrante, mouvante, aux nuances d’une infinie diversité.

Tout ici est d’une grande délicatesse. Les instruments à cordes pincées d’une grande variété cisèlent des univers célestes voluptueux. L’ensemble Elyma, tant musiciens que le chœur, soulignent la force dramatique du désir sacré tout comme la légèreté, parfois pourtant si douloureuse de l’amour profane. Chaque dialogue sacré, bénéficie d’un soliste unique dont le timbre et les ornementations façonnent un univers rare et singulier, étrange et envoûtant.


Maria Christina Kiehr interprète merveilleusement le Dialogo della Cantica et Christo Smarrito, deux motets où s’exprime l’amour de la Vierge, d’une mère pour son fils. Son timbre lumineux et sa sensibilité à fleur de peau sont un enchantement.

Et si la rayonnante Bárbaru Kusa se joue avec une souplesse arachnéenne et une grâce irrésistible de S’io mi parto, o mio bel sole, si splendidement accompagné à la guitare baroque, le timbre si poétique de Claire Lefilliâtre dans le Dialogo della Maddalena, offre une vision et une interprétation entre exaltation, ivresse et ravissement contemplatif de ce dialogue si sensuel et tourmenté de l’amour mystique.

Isabelle Fallot et Rosa Dominguez aux timbres clairs et à la sensibilité si tendre et élégiaque, viennent confirmer l’harmonieux équilibre des solistes féminines qui se voient ici attribuer l’interprétation de l’essentiel des pièces solistes.

Toute la musicalité et l’élégance de Furio Zanasi s’expriment dans le sonnet Misura altri il girar.

Si la prise de son très équilibrée vient compléter notre bonheur, on ne peut que regretter d’autant plus l’absence des textes dans le livret qui pénalise une parfaite compréhension des textes chantés.

Gabriel Garrido en véritable sculpteur de la musique, fait chatoyer sous sa direction, l’éloquence des ombres et lumières romaines. Il réunit autour de lui une distribution idéale, pour mieux révéler l’âme de chaque madrigal. Il ébauche, dessine, entrelace fantasmagorie et tragédie, la transparence des larmes si baroques de la Maddalena et les éclats de rire si cristallins de Colombella, faisant chanter le murmure éternel des feuilles de marbres des nymphes antiques au cœur de la chrétienté.

Monique Parmentier
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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