L'ange du bizarre - Orsay

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Musanne
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L'ange du bizarre - Orsay

Message par Musanne » 22 juin 2013, 10:22

Une exposition vraiment SWAG (cf le post de Snobinart dans le fil précédent sur l’expo De l’Allemagne), celle sur le romantisme noir de Goya à Max Ernst, à Orsay. Cet Ange du bizarre passionnant est le fruit de la coopération entre le musée d’Orsay et le Städel Museum de Fancfort, qui est à l’initiative de ce projet. Enfin une collaboration franco-allemande fructueuse !

Les œuvres, qui proviennent aussi d’autres musées et de collections particulières (par ex l’étonnante Idole de la perversité du peintre symboliste belge Jean Delville) sont judicieusement choisies et intelligemment présentées, réparties selon un plan chronologique mais aussi thématique en 3 groupes : la naissance en pleine époque des Lumières du romantisme noir proprement dit, sa mutation dans l’art symboliste et sa redécouverte par les surréalistes. En effet l’expression romantisme noir ne doit pas être comprise historiquement ou stylistiquement mais comme un courant de pensée qui traverse tout l’art occidental du 18e au 20e siècle.

En ouverture, face à un écran présentant la calèche du début du Nosferatu de Murnau avec son inversion du noir et du blanc, est accroché un tableau de Thomas Cole Expulsion-lune et lueur de feu (1828) où on trouve des thèmes iconographiques (nuit, lune, paysage montagneux tourmenté, ruines, contrastes d’ombre et de lumière) qui seront déclinés dans les salles suivantes.

D’abord les origines, anglaises, puis françaises, où les artistes ne se réfèrent pas au roman gothique, "mauvais genre", mais à Milton, Shakespeare, Dante ou le Faust de Goethe. Une salle est consacrée à Goya, avec 3 séries de planches des Caprices, des Proverbes et des Désastres de la guerre. Une autre à un dialogue entre peintres français et allemands, avec des thèmes communs : ruines, forêt, gouffres (juxtaposition de 2 tableaux étonnamment parents de Lessing et de Paul Huet). On y retrouve Caspar David Friedrich avec notamment un Rivage avec la lune cachée par les nuages très caractéristique, sans cadre, sans repères, où la lune tranchée par un nuage est associée par les commissaires à l’œil tranché du Chien andalou.

En effet, on ne trouve pas dans cette exposition qu’un répertoire de figures sataniques, de spectres, sorcières, vampires, châteaux gothiques, cimetières, rondes de sabbat etc. Mais des correspondances subtiles d’une époque à une autre : par ex. les forêts de Max Ernst ou de Klee rappelant celles des romantiques allemands ; la Femme assoupie sur un lit de Bonnard répondant au fameux Nightmare de Füssli, qu’évoque aussi la pose de la femme évanouie ans un extrait du film Frankenstein, dont la tête du monstre est directement inspirée d’une estampe de Goya Los chinchillas, accrochée à côté de l’écran ; Max Ernst encore dont le Radeau peut évoquer le Radeau de la Méduse qui renvoie au thème du cannibalisme (Les cannibales de Goya mais aussi les illustrations de l’épisode d’Ugolin dans la Divine Comédie, et toutes les images de dévoration, de passion dévorante)

Il y aurait encore beaucoup à dire de cette expo très riche, qui s’achève sur une aquarelle de Paul Klee Fleurs de grotte et une citation de Victor Hugo rapportée par Annie Lebrun, qui a joué un grand rôle dans la conception de l'exposition :
"L’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité". A méditer.
Il ne reste que 3 jours à peine. Si vous pouvez, courez-y !

Dans la rubrique "Quiz's, sondages & co" je mets un post sur le thème "L'ange du bizarre dans l'opéra"

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