Curieux sur ce sujet comme chacun part sur son idée sans regarder ce qui se dit : personnellement je n'ai absolument et à aucun moment jamais abordé la question de savoir combien de langues
parlait Alagna (qui a déjà deux langues maternelles à son actif et qu'on entend souvent parler anglais en interview), Beczala, Pavarotti ou qui vous voulez.
J'ai souligné le fait qu'Alagna avait fait sa carrière en
chantant dans ses deux langues maternelles.
Et que le fait de chanter pour la première fois (sauf erreur de ma part) dans une langue étrangère à 54 ans,, dans un opéra mis en scène (donc sans la partition devant les yeux) lui avait manifestement posé problème. Il parle de sa difficulté à mémoriser le chant allemand, il suffit de le lire ou de l'écouter, lui, au lieu de spéculer sur une soi-disant inadéquation vocale (totalement fausse) ou sur ses accidents vocaux dans le Trouvère qui me paraissent hors de propos dans sa décision, précisément parce qu'il était en pleine forme vocale dans Samson et qu'il ne s'est surement pas pété la voix en une soirée. D'ailleurs si tel était le cas c'est la raison qu'il aurait invoquée, autrement protectrice pour lui que la vérité qu'il a eu l'honnêteté (la naiveté diront certains) de dire.
Un Beczala qui d'entrée de jeu, dès ses débuts lyrique, il y a plus de 20 ans, chante en Polonais, en Russe, en allemand au moins, en italien très rapidement, associe immédiatement son apprentissage lyrique à des langues étrangères en plus de sa langue maternelle (qui n'est pas celle qui lui offre le plus d'opéras d'ailleurs). Il n'a donc aucune difficulté si la question se pose, pour
chanter en tchèque, en Hongrois ou en Français même sans le maitriser dans la conversation...ce n'est pas strictement du "phonétique", c'est une facilité de mémoriser des tournures, des mots, des phrases, en prenant le bon accent, lié à un exercice d'oreille et de chant.
A l'école maternelle quand j'étais enfant, nous avions appris une chanson en russe. A l'époque je ne maitrisais pas cette langue (je ne l'ai apprise que plus tard au collège), même si pour des raisons familiales elle m'était familière. Pour les autres enfants de toute façon elle ne l'était pas... Tout le monde chantait très bien, accent et "r" roulés compris, et comprenaient ce que racontait l'histoire, sans forcément comprendre chaque mot et pouvait y mettre l'intonation nécessaire (tristesse, peur, joie etc...). Plus tard à la chorale à Coeur joie à laquelle j'ai appartenu plusieurs années, toujours enfant, nous chantions des Lieder allemands, sans connaitre la langue. L'habitude de mémoriser le chant dans une langue étrangère est un atout considérable.
Beaucoup de chanteurs lyriques ont commencé leurs "classes" très jeunes, enfants ou adolescents, et ont été amenés dès le début à chanter dans des langues qui leur étaient étrangères.
Bernard cite à juste titre les chanteurs américains qui chantent très bien en français : cet apprentissage fait manifestement partie de leur formation de chanteur lyrique dès leurs débuts (Hymel en avait parlé dans une interview, se reporter à son fil). Dubois ou Barbeyrac ont déjà raconté leurs débuts en maitrise de chant où ils abordaient des répertoires dans plusieurs langues (ils pratiquent l'un et l'autre le Lied à l'occasion d'ailleurs). J'ai discuté avec Sempey à l'issue de son dernier concert et il parlait aussi de cet apprentissage du Lied (Schubert en l'occurrence) pour les chanteurs français.
Quand on a appris, en apprenant le chant, à le faire dans plusieurs langues étrangères dès le début, c'est plus facile que de vouloir s'y mettre sur le tard.
De nombreux apprentissages, faciles à 5 ans (apprendre le solfège par exemple), sont terriblement ardus à plus de 50 ans.
Le parcours un peu atypique (et d'autant plus intéressant d'ailleurs) d'Alagna fait, qu'à ma connaissance, il n'a pas eu cette formation là...
Je n'ai pas écris non plus qu'il ne pourrait pas y arriver un jour : mais bon, voilà, sauf à penser qu'il n'est pas sérieux (et je ne vois pas pourquoi je penserais ça), en 4 ans de temps, il n'a pas réussi à mémoriser le rôle. Il a peut-être mieux à faire que d'y passer encore le temps nécessaire.
PS : quant à Florez il est hors sujet en la matière...les hispanisants c'est comme les anglophones et les polonais ou les grecs, ils ont intérêt à ne pas se cantonner dans leur langue maternelle pour faire carrière à l'opéra....