Christophe Rousset - Jean-Philippe Rameau - Actes Sud, 2007

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EdeB
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Christophe Rousset - Jean-Philippe Rameau - Actes Sud, 2007

Message par EdeB » 09 oct. 2007, 08:31

Christophe Rousset : Jean-Philippe Rameau. Arles ; Actes Sud (Classica), 2007


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Dresser un « portrait en radioscopie » de Rameau en 176 pages, c'est le défi qu'a relevé Christophe Rousset. Après Rinaldo Alessandrini qui avait présenté « son » Monteverdi, c'est au tour d'un autre praticien de livrer des pistes pour introduire un compositeur encore méconnu du « grand public ».
Certes, depuis l'Année Rameau de 1983, on a fait du chemin, mais les succès des Paladins donnés au Théâtre du Châtelet, ou encore celui des Indes Galantes et surtout de Platée, maintes fois représentées à Paris ces dernières années, restent ceux de productions qui masquent la forêt des oeuvres quasiment tombées dans l'oubli - hors d'épisodiques reprises, comme le Zoroastre superbe que dirigea C Rousset (et qui fait l'objet d'une captation DVD, dans une mise en scène de Pierre Audi.) ou la version de concert de Castor et Pollux (1754) par JE Gardiner à Pleyel (opéra que C Rousset dirigera également à Amsterdam en janvier prochain).

Cet ouvrage vient donc à point nommé pour remettre en mémoire les méandres foisonnants d’une œuvre très riche, et dont la complexité effraye à tort.

Ayant suivi en quelque sorte le même cheminement -du clavecin à la tragédie lyrique- que le compositeur, la perception du fondateur des Talens lyriques était idéale pour narrer le parcours ramiste et ses variations. Destiné à être une sinfonia d'ouverture et non une somme pour spécialistes et érudits, l'ouvrage suit un plan, sommes toute, très classique : biographie (qui fait appel à de nombreuses citations des contemporains, qui modulant la couleur du récit), portrait plus fouillé psychologiquement de Rameau (chapitre « Un idéaliste au caractère de feu » où se dévoile la connivence de C Rousset pour son sujet.)
S’ensuit un volet consacré à l'oeuvre de Rameau : le théoricien, et le compositeur ; musique pour clavier (clavecin, puisque l'oeuvre pour orgue ne nous est pas parvenue), tragédies lyriques, opéras-ballets, comédies en musique, pastorales, ballets. Ce panorama descriptif et analytique s'achève par une conclusion qui tente d'expliquer la difficulté actuelle à remonter les ouvrages lyriques de Rameau et la relative désaffection de son oeuvre au regard de son importance. Chronologie, discographie ramiste de Christophe Rousset, index onomastique, index des oeuvres, complètent cette approche volontairement véloce, mais qui balaye tous les champs d’action de Rameau.
Si l’analyse ne peut être que rapide, elle est néanmoins tempérée par un sens de la synthèse ramassée, un talent certain d’évocation et un sens de la pédagogie qui se fait particulièrement jour dans l’exposition des théories musicales (complexes) du Dijonnais.

On éprouve pourtant un regret: que le manque de place ait poussé l'auteur à ne pouvoir fouiller plus avant sa présentation de l'oeuvre vocale. Si l'opéra et ses codes (« Rameau et l'opéra ») font l'objet d'un développement préliminaire bienvenu (lequel redéfinit le champ lyrique auquel se confronte le compositeur), ce volet majeur de la production de Rameau est abordé trop brièvement. En effet, chaque ouvrage n'est présenté que par un synopsis accompagné de quelques lignes mettant l'accent sur les passages musicaux les plus remarquables. Si le contexte d’élaboration est bien présent dans la partie biographique, cette narration quelquefois lapidaire est un peu frustrante ; mais le «vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage » a poussé Rameau à faire de tels remaniements constants de ses partitions que détailler l'histoire des oeuvres sort de l'exercice ici imposé. Si Dardanus a pu faire, à lui seul, l'objet d'un essai de Philippe Beaussant (Albin Michel, 1980), ou encore Les Boréades une somme de Sylvie Bouissou (Klincksieck, 1992), il aurait été difficile de présenter de même ces oeuvres touffues et qui se prêtent aisément à une exégèse approfondie.

Pas de réserve, en revanche, pour la partie touchant au clavecin. On sent que le claveciniste (qui nous livra de mémorables Pièces pour clavecin chez Decca-L'Oiseau Lyre en 1989) est tout à son affaire. Ces pages sur la musique de chambre donnent envie de s'y replonger derechef. L'objectif est donc atteint... Détails mis en exergue et panorama brossé avec un pinceau paysagiste se combinent pour une évocation éloquente de cette partie de l’œuvre qui n’est pas la moins accessible.

Sans être forcément destiné au même lectorat que les lecteurs de Girldestone ou Kintzler, cet essai agréable est une excellente introduction à une oeuvre qui peut intimider, et un vademecum pour « ramoneurs » fervents, par la richesse de ses détails et la tendresse admirative qui sourd entre les lignes.

Emmanuelle Pesqué
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divine
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Message par divine » 09 oct. 2007, 15:53

Merci aussi pour ce compte-rendu tout aussi détaillé et passionnant que celui sur Sacchini.
Et oui, c'est bien beau d'écouter de l'opéra mais ça fait du bien de lire un peu aussi... Moi ça me donne toujours l'impression de m'y connaître presque autant qu'un pro :)
Ah les livres ! ! ...
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Message par EdeB » 10 oct. 2007, 08:14

divine a écrit :Merci aussi pour ce compte-rendu tout aussi détaillé et passionnant que celui sur Sacchini.
Et oui, c'est bien beau d'écouter de l'opéra mais ça fait du bien de lire un peu aussi... Moi ça me donne toujours l'impression de m'y connaître presque autant qu'un pro :)
Ah les livres ! ! ...
Tout est bon dans le ... euh, dans le Rameau !
Un ancien fil ODB était dévolu à sa discographie : http://www.odb-opera.com/modules.php?na ... pic&t=1219
(Perso, j'adore aussi son oeuvre pour clavecin et j'avoue une prédilection marquée pour les "Pièces de Clavecin en Concerts"... et je réécoute très régulièrement Hippolyte et Aricie)
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