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Georges Sauvé - Antonio Sacchini - L'Harmattan, 2007

Posté : 08 oct. 2007, 23:34
par EdeB
Georges Sauvé, Antonio Sacchini (1730-1786) - Un musicien de Marie-Antoinette. L'Harmattan, coll. « Univers Musical », 2007


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Les déboires de Sacchini avec l’Académie Royale de Musique, déboires qui causèrent apparemment sa mort prématurée, trouvaient jusqu’à présent un exégète en la personne d’Adolphe Jullien, dont le livre La Cour et l'opéra sous Louis XVI, Marie-Antoinette et Sacchini, Salieri, Favart et Gluck (1878) faisait jusqu’à présent autorité. Il faut désormais relativiser certaines pages de cet ouvrage avec la nouvelle parution de la biographie signée par Georges Sauvé, qui a ouvert de précieuses archives familiales pour en exhumer une correspondance du musicien jusqu’à présent inédite.Celle-ci éclaire d’un nouveau jour les derniers mois du musicien, et plus particulièrement ses relations avec sa royale protectrice, Marie-Antoinette.

On pouvait également reconstituer une partie de la brillante carrière londonienne du compositeur en piochant dans les ouvrages suivants, Opera and Drama in Eighteenth-Century London: The King's Theatre, Garrick and the Business of Performance de Ian Woodfield (Cambridge University Press, 2001), et Italian Opera in late Eighteen Century London (The King’s Theatre, Haymarket, 1778-1791) de Curtis Price, Judith Milhous et Robert D Hume (Clarendon Press, 1995), ainsi que dans Opera in London: Views of the Press, 1785-1830 de Theodore Fenner ( Southern Illinois University Press, 1994).

Georges Sauvé fait oeuvre de « bréviaire biographique » dans ce livre, en balayant la carrière entière du compositeur, et en puisant abondamment dans les ouvrages précédemment cités.
La lecture en est aisée, et parfois surprenante, puisque l’auteur truffe souvent son texte de remarques à l’emporte-pièce ou de remarques un peu saugrenues dans un genre biographique réputé pince-sans-rire (par exemple, p. 31 : « […] Francesca Gabrieli, contralto âgée de 19 ans, que Fétis – il l’appelle Adriana ? Si ce n’est elle, est-ce donc sa sœur ?- répute avoir été la maîtresse d’Antonio Sacchini ; d’ici à ce qu’il prétende s’être tenu sous le lit ! On disait aussi que Gabrielli « La Ferrarese » possédait une tessiture d’une étendue phénoménale, une femme à programme tout terrain, quoi ! »)

Mais c’est dans la dernière partie de l’ouvrage que son travail prend tout son sens : il s’agissait principalement de faire œuvre de réhabilitation du malheureux compositeur, qui eut une relation très proche avec l’une de ses ancêtres, Françoise (dite Francesca ou Fanny) Bazin.
La jeune fille de onze ans était la nièce de Julien Bazin, secrétaire de Marie Antoinette, et la fille de Madeleine Thibault, nièce de la femme de chambre officieuse de Madame Royale. La jeune fille, qui semblait infiniment douée, et qui tint par la suite un Salon très prisé sous l’Empire et la Restauration, prit des cours de musique et de chant avec le compositeur ; ce cahier d’exercice de l’élève est infiniment précieux, car il comporte de nombreuses esquisses des airs d’Œdipe à Colonne, que la jeune fille chanta à Marie-Antoinette, en avant-première. Le compositeur ne vit pratiquement jamais sa protectrice, et il lui faisait passer ses messages par l’intermédiaire des Bazin, comme en témoigne la correspondance survivante. Ces lettres, très intéressantes forment la teneur de la dernière partie de l’ouvrage.
C’est cette correspondance (dont certaines lettres figurent en fac-similé) qui font le prix de cette biographie. Malheureusement, les textes ne semblent pas y être tous retranscrits, et la plupart figurent directement en traduction depuis l’italien. C’est fort dommage, car cette correspondance est souvent passionnante ou touchante, comme la lettre de Fanny Bazin datée du 15 septembre 1854 :un plaidoyer pour faire revivre l’œuvre de son ami disparu.

Dommage également que l'iconographie de l’ouvrage soit de piètre qualité ! On se consolera en trouvant en ligne le portrait de Fanny Bazin
A noter que le Cahier de musique de Fanny Bazin (1785) dont il est fait largement allusion dans cet ouvrage sera l’objet d’une publication chez Elpe-Musique. Il s’agit de 19 mélodies pour voix et clavier, une pour clavier seul, un duo pour deux sopranos et piano et un quatuor. Un CD est annoncé.

De ce musicien très couru en son temps surnagent peu de choses pour les oreilles de nos contemporains : si le Festival de Montpellier dès 1992, redonnait une version de concert de son Œdipe à Colonne, peu d’opéras de cet Italien qui parcourut toute l’Europe n’ont vraiment survécu. On trouve désormais, deux versions concurrentes de cet Œdipe, ainsi qu’un intermezzo romain de 1765, La contadina in corte qui est loin d’être son plus grand chef-d’œuvre.
En cherchant bien, on peut trouver également trouver des airs séparés tel cet Agitata per troppo contento (aria de Lisinga) tiré de son L'Eroe Cinese (CD Arie del’ 700 Italiano par Monika Gonzalez, soprano / Savaria Baroque Orchestra / Fabio Pirona, direction), ainsi que de la musique de chambre.
Certes la Rai avait bien diffusé en 1973 un Amore Soldato assez peu stylé, et on se souvient encore du choc radiophonique de son Renaud diffusé par la BBC en 1981, mais en ce qui concerne les gravures officielles, peu de choses sont annoncées, à part un air à venir dans le CD Tragédiennes 2 (Véronique Gens / Les Talens Lyriques / C Rousset)…

Souhaitons néanmoins que l’œuvre de ce compositeur habile et très souvent enthousiasmant retrouve le chemin des studios. Après tout, le second professeur de chant de Nancy Storace (la Susanna de Mozart) mérite beaucoup mieux que le relatif oubli dans lequel il est tombé… et l'unique résurrection doublement posthume de cet opéra qui retrouva le succès et fit les beaux jours financiers de l’Académie Royale de Musique après la mort du compositeur.

Emmanuelle Pesqué

Posté : 09 oct. 2007, 15:38
par nina
merci Emmanuelle de nous présenter cet ouvrage
ça c'est un vrai compte rendu !

Posté : 10 oct. 2007, 08:06
par EdeB
nina a écrit :merci Emmanuelle de nous présenter cet ouvrage
ça c'est un vrai compte rendu !
Merci, Nina ! :D
Ce livre est tout à fait intéressant pour qui ne connaît pas vraiment Sacchini, car il présente une synthèse qui peut présenter une première approche.

J'ai oublié de citer l'association des Amis de Sacchini :
LES AMIS DE SACCHINI
23, rue du vieux versailles
78000 Versailles

(Leur ancienne adresse internet semble avoir été usurpée ou est non active.)