F. Poulenc, J'écris ce qui me chante (Fayard)

Biographies, livres historiques et autres bouquins relatifs à l'opéra.
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JdeB
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F. Poulenc, J'écris ce qui me chante (Fayard)

Message par JdeB » 02 déc. 2011, 17:22

POULENC, Francis, J'écris ce qui me chante : Textes et entretiens réunis, présentés et annotés par Nicolas Southon. Fayard, Paris 2011, 980 p. (32 €)

Ce fort volume de presque mille pages réunit de nombreux textes divers du compositeur parisien. Il comporte d’abord la réédition de nombreux écrits épars (critiques, préfaces, lettres ouvertes, interviews, conférences retranscrites, contributions à des livres collectifs, ...) et trois ouvrages épuisés : sa monographie consacrée à Emmanuel Chabrier (qui comporte le catalogue de la vente de la superbe collection du compositeur de L’Etoile avec son Cézanne, ses 3 Renoir, ses 6 Manet et autant de Monet !) et deux livres d’entretiens (avec Claude Rostand et Stéphane Audel qui livre, en guise de préface, un témoignage très vivant sur les habitudes et les goûts de Poulenc).

Né à Paris, le 7 janvier 1899 « à quelques mètres de l’Elysée », dans une famille d’industriel de la chimie (Rhône-Poulenc) qui « baignait dans la folie de la musique et du théâtre » (Paul Guth), Francis Poulenc fréquente dès sa plus tendre enfance les artistes. « Elevé sur les genoux d’Edmond Clément », le grand ténor de l’époque, un ami intime de son oncle, le jeune Francis rêve de devenir à son tour chanteur d’opéra et hante la salle Favart. Mais c’est par le biais du piano, dès l’âge de 4 ans, qu’il devient musicien. Il est dévoré par deux autres passions : la littérature (des classiques aux avant-gardes qu’il découvre dans la mythique librairie d’Adrienne Monnier) et la peinture (« j’étais toujours fourré à la galerie Bernheim »).
Toute sa vie, il évoluera dans les milieux artistiques les plus prestigieux. A Monte-Carlo en 1912, Saint-Saëns le stupéfait par sa tenue arabe. A Vienne, en 1921, il est reçu avec son ami Darius Milhaud chez Alma Mahler qui leur présente Berg et Webern. A Venise en septembre 1932, il fait de la musique au Palazzo Polignac avec Manuel de Falla et Arthur Rubinstein. Deux ans plus tard, à Salzbourg, « cette station thermale de l’ouïe », il couvre le Festival pour Le Figaro et donne son premier concert avec Pierre Bernac dans le cadre d’une soirée Debussy financée par une richissime Américaine où dirige un jeune chef inconnu : Karajan. A partir de 1949, à Aix, il devient un fidèle du festival où l’on joue ses œuvres, où il applaudit celles des autres (Mozart, Purcell, Britten) et où il donne des conférences. Lors d’une tournée aux USA en 1950, il rencontre Barber, Stravinsky, Landowska (qui lui demande de lui parler de Colette), Lotte Lehmann et Horowitz avant d’assister à une représentation du Consul de Menotti. A la Scala où il prépare, en janvier 1957, la création de ses Dialogues des Carmélites et, deux ans, plus tard au Liceo lors d’une « exécution miteuse » de ce même opéra, etc…
Au fil des pages, se dessine un catalogue de ses goûts si éclectiques (Monteverdi, Debussy, Chabrier, Satie, Stravinsky, Berg, Prokofiev, Boulez, Maurice Chevalier, les Frères Jacques, le flamenco, le music-hall, Picasso, Matisse, Chagall, Bossuet, Colette, Proust, Apollinaire, Eluard, ..) et de ses détestations (le cinéma, le jazz, la philosophie, l’abstraction, Claudel, Sartre, Delacroix, Gauguin, Van Gogh, Fauré, l’Ariane de Dukas, ..).
Il y évoque ses œuvres avec force détails, ses projets avortés (Chéri de Colette, Le Cardinal d’Espagne de Montherlant, un Hôtel du Nord « avec une Arletty du chant »…) et, surtout, ses amis (Satie, Auric, Milhaud, Max Jacob, Sauguet, Prokofiev, …) avec, à chaque fois, un sens de l’anecdote, un refus du langage technique et une verve irrésistibles.
L’amateur ne doit cependant attendre aucune révélation sur la vie privée de l’artiste qui se contente d’avouer, p. 803, sa fascination adolescente pour une camarade de lycée, champion de boxe…

Le musicologue Nicolas Southon éclaire chaque extrait d’une introduction et de notes infra-paginales. C’est le plus souvent très bien fait même si certaines précisions auraient pu être apportées pour rectifier certaines inexactitudes (On ne donna pas Otello à Monte-Carlo lors de la saison 1947, Callas et Del Monaco ne chantèrent pas à la Scala en janvier 1957) ou pour préciser certaines dates (le récital de Peter Pears et de Benjamin Britten au Festival d’Aix a eu lieu le 24 juillet 1952). Quoi qu’il en soit, cette somme passionnante est une mine d’or où revit tout un univers foisonnant par la voix d’un témoin capital.
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Message par Bernard C » 02 déc. 2011, 18:17

Merci pour cette note , Jérôme , ça invite vraiment à lire ce bouquin (même s'il n'est pas très transportable apparemment :wink: )

Bernard

nb : quand tu écris"une camarade de lycée, champion de boxe" , tu veux certainement écrire "un camarade de lycée ,champion de boxe" ?
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Message par EdeB » 02 déc. 2011, 20:49

quetzal a écrit :Merci pour cette note , Jérôme , ça invite vraiment à lire ce bouquin (même s'il n'est pas très transportable apparemment :wink: )

Bernard

nb : quand tu écris"une camarade de lycée, champion de boxe" , tu veux certainement écrire "un camarade de lycée ,champion de boxe" ?
Je n'ai pu que le feuilleter rapidement, et j'attends impatiemment que Jérôme le lâche pour me plonger dedans. Cette somme a l'air tout à fait passionnante, riche et complexe. Je sens que cela me promets de belles soirées de lecture...
Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. - M. Leiris
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Message par JdeB » 05 déc. 2011, 17:40

quetzal a écrit :Merci pour cette note , Jérôme , ça invite vraiment à lire ce bouquin (même s'il n'est pas très transportable apparemment :wink: )

Bernard

nb : quand tu écris"une camarade de lycée, champion de boxe" , tu veux certainement écrire "un camarade de lycée ,champion de boxe" ?
oui, bien sûr, tu as rectifié de toi-même. Les lycées de l'époque n'étaient pas mixtes et on connaît les goûts de Poulenc...

Je voudrais corriger une autre erreur de Nicolas Southon. Dans la note 2 p. 210 il présente Renaud et Armide de Cocteau comme une "pièce de 1962 dont Poulenc écrivit la musique de scène'". En fait la seule pièce en vers de Cocteau a été créée à la Comédie-Française en 1943. Ce n'est qu'en 1962, lors d'une reprise à Balbeck, que la musique de Poulenc sera ajoutée.
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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