La Grotta di Trofonio, histoire et métamorphoses d'un opéra

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Le contexte théâtral : le Burgtheater

On connaît assez mal les circonstances de la commande, puis de l’élaboration de la Grotta di Trofonio. Sa distribution d’origine ne nous est d’ailleurs révélée que par des sources indirectes, comme le journal de Zizendorf, la presse viennoise se faisant assez peu l’écho des représentations théâtrales, contrairement à la presse anglaise ou française de la période. Les informations sur la création sont donc assez lacunaires et doivent se lire en filigrane dans les archives privées et mémoires du temps.

On a souvent avancé que la création de l’oeuvre avait été un des points importants de discorde entre Mozart et Salieri, mais un simple examen de la chronologie permet de réfuter cette légende. Si Michael Kelly, souvent fâché avec le calendrier pour ses souvenirs continentaux, affirme que :

 

« There were three operas now on the tapis, one by Regini, another by Salieri (the Grotto of Trophonius) , and one by Mozart, by special command of the Emperor. [‘] These three pieces were nearly ready for representation a the same time, and each of the composer claimed the right of producing his opera for the first. » [« Trois opéras étaient alors prévus, un par Righini [Il Demogorgone], l’autre par Salieri (La Grotte de T. ) et le dernier, par Mozart, sur ordre de l’empereur. Ces trois pièces étant prêtes quasiment en même temps pour la représentation, chacun des compositeurs revendiqua de passer en premier. »],

 

en réalité, La Grotta de Salieri était prête depuis l’été précédent, et Mozart commençait de travailler aux Nozze di Figaro alors que les représentations de l’opéra de Salieri débutaient au Burgtheater, le théâtre de la cour.

Doit-on accorder la même foi aux assertions de Da Ponte en ce qui concerne sa brouille avec Salieri ‘ Ce dernier, toujours prêt à arranger la vérité -s’il s’agit pour lui de se poser en victime des jaloux et du mauvais sort- affirme avec aplomb que « [Salieri] fe’ giuramento solenne di lasciarsi piuttosto tagliar le dita che metter più in musica un verso mio » [« jura de se laisser trancher la main plutôt que de mettre en musique un autre de mes vers. »] Le serment sent son théâtre, mais il est certain que Salieri avait été échaudé par la réception de leur Il Ricco d’un giorno (6 décembre 1784) qui était tombé après six représentations, alors que Il Re Teodoro in Venezia (23 août 1784) de Casti et Paisiello s’annonçait déjà comme un des plus gros succès donnés au Burgtheater. Le compositeur s’orienta donc vers un autre librettiste, d’autant plus qu’il avait sans doute été indisposé par l’activité pamphlétaire dont avait fait preuve Da Ponte envers ses ennemis réels ou supposés après son échec cuisant, et que le librettiste avec lequel il devait travailler était un ami du Grand Chambellan, le Comte Orsini-Rosenberg. Ce dernier remplaçait le Musikgraf chargé des théâtres. (La vacance du poste permettait en fait à Joseph II de faire des économies, mais également de suivre de très près les affaires de son théâtre, et d’orienter ses choix.)

 

 

Casti, dessin de Francesco Rosaspina, gravure de P. Zanconi, tirée des Novelle, Tome I,
Parigi, Tipografia italiana, Anno IX Repubblicano

 

Giambattista Casti n’était pas un librettiste tellement plus expérimenté que Da Ponte, mais sa personnalité plus discrète, qui contrastait avec ses satires violentes, et ses liens anciens avec l’empereur Joseph II, en faisaient un rival sérieux pour Da Ponte au titre de poeta cesareo, poste également non pourvu depuis le décès de Metastasio. L’abbé Casti avait rencontré Joseph II à Florence en 1769, alors qu’il était lui-même le poète officiel du Grand-Duc de Toscane, puis l’avait revu à Vienne en 1772 lors d’un voyage qu’il avait fait en compagnie d’Orsini-Rosenberg, alors ministre de l’Archiduc Leopold (futur Leopold II). Après de nombreux voyages, les pérégrinations de Casti le menèrent en Russie, où il passa deux ans à la cour de Catherine II. Ses observations de la vie politique européenne furent mises à profit dans une épopée satirique, le Poema Tartaro, qui épargnait néanmoins Joseph II. Dès son retour à Vienne, en 1783, Casti offrit l’oeuvre à l’empereur et postula à la succession de Metastasio. Le poste ayant été supprimé par mesure d’économie, il partagea peu ou prou la fonction moins lucrative de « poète du théâtre impérial » avec Da Ponte. Le succès éclatant du Re Teodoro le mettait en position de force, alors que Da Ponte, de par les échecs successifs de ses livrets se trouvait en quasi semi-disgrâce. Il faut donc replacer les perfidies de Da Ponte dans un contexte de rivalité professionnelle aiguë, qui laisse assez peu de place à l’objectivité critique sur la qualité d’un texte, comme le montrent ses remarques faites sur la structure du précédent succès de Casti et de Paisiello.


L’élaboration du livret et sa réception critique.

Da Ponte qui venait de se voir évincé pour laisser la place à son adversaire, se venge en relatant une anecdote, qui laisse transparaître une autre de ses tâches de poète des théâtres, veiller à l’édition des livrets, fussent-ils de ses rivaux :

 

« E Casti, cui nessun può negare un infinito merito come poeta, non era per verità né dotto né erudito. Egli aveva un dizionario enciclopedico, su cui studiava le cose che son sapea, quando occorrevagli farne uso. Nell’ opera di Trofonio, parlando de’ dialoghi di Platone scrisse questo verso :
Plato nel suo Fedon, nel suo
Timone.
Fortunamente per lui, io, che fui il primo a leggere il suo drama e che dovea attender alla stampa, m’accorsi subito dell’errore, e vi posi « Timeo ». Quando io gli diedi la pruova dell’ editore per l’ultima correzione, arrivato a quel verso, fermossi un poco, e mi chiese chi aveva changiato «Timone » in « Timeo ». « Io », risposi, « signor abate ». Corse subito al suo dizionario, trovò il suo errore, si diede un terribile colpo di mano alla fronte, arrossì, mi ringraziò, e volle a forza ch’io prendessi in dono quel suo dizionario, che conservai per più dei venticinque anni e da qualche mano rapace mi fu carpito. »
[« Casti, auquel personne ne pouvait nier son mérite de poète, n’était en vérité ni docte ni érudit. Il avait un dictionnaire encyclopédique dans lequel il puisait les éléments qui lui faisaient défaut, quand il en avait besoin. Dans l’opéra de Trofonio, en parlant des dialogues de Platon, il écrivit ce vers :
Platon dans son Phédon et dans son Timon [I, 13]
Heureusement pour lui, je fus le premier à lire sa pièce ; devant m’occuper de l’impression, je me rendis compte de son erreur, et je corrigeais en « Timeo ».Quand je lui rendis les dernières épreuves pour correction, arrivé à ce vers, il me demanda qui avait substitué « Timone » en « Timeo ». « Moi même » lui dis-je « monsieur l’abbé ». Il courut à son dictionnaire, reconnut l’erreur, se frappa le front brutalement, rougit, me remercia, et voulut à toute force me donner son dictionnaire en présent, que j’ai conservé pendant plus de vingt-cinq ans et qu’une main rapace me déroba par la suite. »]

 

A détriment de la vraisemblance historique, il précise que Casti et Salieri souhaitaient éclipser le succès de Mozart, et que

 

« Fu allora che scrisse La Grotta di Trofonio, il cui secondo atto, quanto alla poesia, distruggeva intieramente l’effetto del primo, del quale non era un perfetta ripetizione ; ma che, a mio credere, è un’opera assai più bella del Teodoro »
[« C’est alors qu’il écrivit La Grotta di T., dont le second acte, sous le rapport de la poésie, détruisait entièrement l’effet du premier, dont il n’était que la parfaite répétition ; mais qui, à mon avis, est une oeuvre bien plus belle que le Teodore. »]

 

Compliment qui prend tout son sel, quand on se souvient qu’il avait qualifié la langue utilisée par ce dernier de « pur toscan, le style correct, les vers dépourvus ni de grâce ni d’harmonie, avec de la finesse, de l’élégance, du brio ». Da Ponte, une fois le danger passé, pouvait faire preuve de magnanimité rétrospective’ et montrer à son insu que son ancien adversaire avait de la valeur.

Casti ne devait pas être aussi assuré qu’il en avait l’air, car il avait laissé échapper ‘à propos du Re Teodoro- qu’il s’était défendu de toutes ses forces de faire ce livret, car « non avendo mai fatto di tali opere, temo, e con ragione, di fare una coglioneria » [N’ayant jamais écrit d’oeuvres semblables, je crains, et avec raison, de réaliser une crétinerie]

L’élaboration du livret dut être laborieuse. Si l’on manque de renseignements sur les différentes strates du texte, et sur la part qu’y prirent librettiste et compositeur, on peut constater que le livret imprimé à Vienne pour la création comporte un texte très différent de celui finalement utilisé dans la partition éditée de l’opéra. Certains ajouts témoignent en effet de l’évolution de l’oeuvre. Preuve que l’inspiration de l’abbé dut se plier à des impératifs matériels (les forces disponibles pour l’exécution de l’opéra) et intellectuels (dégager une intrigue suffisamment linéaire et ménager une structure équilibrée pour la composition de la musique).

Casti s’est justifié par la suite sur les objectifs de son texte dans son Memoriale dato per Celia :

 

« Poscia l’opera ho composto
della Grotta di Trofonio,
che composi a bella posta
per deridere il demonio,
ed i magici esorcismi
di stregoni e ciurmatori
ed i finti parossismi
d’energumeni impostori.
»
[« Puis j’ai composé l’opéra de la Grotte de Trofonius, que j’ai composé tout exprès pour railler le démon, et les exorcismes magiques des sorciers et charlatans, et les feints paroxysmes des énergumènes imposteurs. »]

 

Par cette ironie, le livret de Casti se distingue des opere buffe viennois car il dédaigne certains des artifices garants de succès : occasions de changements de décors riches ‘ce qu’on lui reprocha-, scènes ancrées dans une réalité plus ou moins réaliste, qui faisait appel à des personnages très typés, préoccupés par leurs statut social et matrimonial, au sein d’amours contrariées et de problèmes financiers, le tout heureusement rentrant dans l’ordre social prévalant à la résolution de l’intrigue. La Grotta di Trofonio se déroule dans un cadre domestique, mais ce dernier n’est pas la scène principale de l’action qui se passe dans une forêt, lieu de transgression et de désordres (comme les lecteurs de Shakespeare et le public des Nozze di Dorina le savent). L’action est également transportée dans une antiquité grecque de fantaisie, prétexte à la magie qui sous tend le livret. Le texte tranche radicalement avec les livrets viennois donnés dans cette même période, même si certains se gaussent également des crédules et du charlatanisme.

Il s’agit ici d’un jeu littéraire en forme de miroir, à la symétrie soigneusement agencée ‘qui permettait aux deux couples d’amoureux d’échanger les rôles, et donnait aux acteurs la chance de se faire valoir.

Une version publiée de manière posthume dans les oeuvres de Casti est radicalement différente. Elle mêle des intrigues secondaires moins linéaires, et qui ont surtout le tort de demander deux chanteuses de plus dans la distribution. Cette première intrigue a également des points de convergences plus importants avec le Socrate immaginario de Paisiello, que Casti connaissait bien pour s’en être fortement inspiré dans son premier livret à Saint-Pétersbourg en 1778 sous le nom de Lo Sposo burlato.
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Ce livret, mis en musique par Paisiello, présente un mage, Trofonio, qui se divertit à utiliser la grotte magique donnant son titre à l’ouvrage à l’encontre de Don Gasperone, marchand de Livourne, benêt fiancé à Dori. Cette dernière est la fille de Don Piastrone, négociant italien, « homme ignorant et fanatique de philosophie ». Dori a une s’ur jumelle, Eufelia, une précieuse ridicule courtisée par Artemidoro, lequel feint de s’intéresser lui aussi à la philosophie pour trouver grâce à ses yeux, mais qui ne cherche en fait qu’à gagner le c’ur de Dori. S’ajoutent à cette galerie de personnages Madama Bartolina, « danseuse astucieuse », amante éconduite de Don Gasperone et Rubinetta, aubergiste italienne, également amie et hôtesse de Madama Bartolina, amante éconduite d’Artemidoro.
Le texte est assez prolixe, les récitatifs étendus, et l’on sent une nette influence de la commedia dell’ arte, ainsi que de Molière. Le dindon de la farce est Don Piastrone, objet de dérision qui disparaît par la suite dans la seconde version, ne laissant plus que la démonstration d’échanges de personnalités et la critique de la magie, qui est bien plus ambiguë, puisque la grotte a un effet réellement surnaturel. Le mage Trofonio est un mélange de charlatan et de philosophe caricatural (comme le montre Plistene), écho du double sens du terme pour les contemporains de Cagliostro.

Malheureusement cette publication de 1838 n’est pas de Casti, malgré plusieurs affirmations erronées dans les études les plus savantes.
Il s’agit d’une adaptation de Giuseppe Palomba, qui fut représentée à Naples, au Teatro de’ Fiorentini quasiment en même temps que le texte pour Vienne, à l’automne 1785. La musique était de Paisiello, l’ancien compère de Casti pour le Re Teodoro. La distribution comportait Vittoria Moreschi (Dori), Antonio Casaccia (Gasperone), Clotilde Cioffi (Eufelia), Lucia Celeste Trabalza (Rubinetta), Rosa Casazza (Madama Bartolina), Nicola del Sole (Artemidoro), Giuseppe Trabalza (Trofonio) et Giovanni Morelli (Piastrone).

Palomba s’expliqua dans la préface de son livret sur les conditions d’élaboration de son texte, mais la similitude des titres, ainsi que la proximité des dates des créations crée souvent une confusion entre l’opéra de Salieri et celui de Paisiello qui fut donné à Vienne en 1792, dans une adaptation de Stéphanie le Jeune.

 

 

Le livret de Casti fut par la suite augmenté par l’ajout de trois morceaux qui ne se trouvent pas dans l’édition du livret imprimée pour Laxembourg mais qui trouvèrent leur place dans la partition éditée. Ces textes furent insérés avant la première viennoise, on ne sait exactement à quel moment.
On trouve tout d’abord un air pour Trofonio, « Questo magico abituro », certainement demandé par Salieri, « un petit morceau plein d’énergie qui casse l’atmosphère délicate qui l’entoure ; cela produit un peu de chiaroscuro » (selon le compositeur). L’air est interrompu par l’entrée de Dori et Ofelia, c’est alors que Trofonio les invite à entrer dans sa caverne. Salieri nota que « fu sempre riguardato come una dei pezzi particolari dell’opera » [« ce fut toujours considéré comme un des meilleurs passages de l’oeuvre »]

Le second ajout concerne un trio qui plut énormément, quel que furent les lieux de représentation ; « Ma perché in ordine » est chanté par Artemidoro, Artistone et Plistene, qui cherchent les deux jeunes filles. La fin du passage fait répéter plusieurs fois le mot « qua », ce qui amusa fort Zinzendorf.

Le dernier eut la postérité la plus importante. Il s’agit du minuetto (qualificatif de Salieri) chanté par Ofelia à sa sortie de la grotte magique. La popularité de cet air ne s’est pas démentie de nos jours, ayant été repris récemment par Cecilia Bartoli pour son récital Salieri.

Casti avait pris soin de truffer son texte de notes de bas de page érudites totalement contraires à l’usage et qui en incommodèrent plus d’un.

La critique la plus célèbre est celle de Casanova, qui rencontra Casti et Orsini-Rosenberg à Görtz en 1773. Casanova, ami et correspondant régulier de Da Ponte, avait sans doute embrassé sa cause, et se fait l’écho des reproches de ce dernier :

 

« [‘]Quant au métier de poète que Casti fait, il ne possède ni la noblesse de langue, ni l’entente du théâtre dramatique. Cette assertion est constatée par deux ou trois opéras-comique qu’il a faits, et où l’on ne trouve que de plates bouffonneries mal cousues. [‘]Dans une autre pièce qu’il a intitulée la Grotte de Trophonius, Casti est devenu la risée de tous les gens de lettres, en faisant un étalage baroque d’une érudition sans objet, puisqu’elle ne contribue en rien ni au comique ni à la marche de son drame. »

 

Cette dernière remarque n’est pas entièrement infondée. Les notes permettent seulement de replacer dans un contexte antiquisant les allusions des personnages, et de justifier certaines des tournures employées :

 

« Evocare, termino latino, che non è nel vocabulario della crusca, ma usato, espressivo, adottato da altre lingue, e addattatissimo all’occasione, nella quale si adopera : e di cui pare ,che non dovvrebbe esser mancante la nostra lingua. » ou encore « Lemures, presso gli antichi dicevanti quei Spettri, che in moderni Francesi chiamano Revenans. » [I, 10]

 

Réponse du berger à la bergère envers Da Ponte qui avait fait allusion devant Orsini-Rosenberg et Casti aux gallicismes du Re Teodoro

Cette opinion négative sur l’oeuvre est loin d’être partagée par les théoriciens du temps qui avaient apprécié à sa juste valeur les tentatives faites par Casti de renouveler la structure de l’opera buffa.

L’abbé Andrès dans sa Lettera dell'abate Andres sulla letteratura di Vienna (1795) écrit que Casti « introdotto il buon gusto e un genere nuovo di stile nelle opere buffe » [introduisit le bon goût et un nouveau genre de style dans l’opera buffa] et avait « fatto stimare il genere di poesia che fino ad allora non meritava la minima considerazione » [fait estimer un style de poésie qui préalablement ne méritait pas la moindre considération] Il est vrai que Da Ponte lui même admettait au détour d’une phrase que -selon certaine hiérarchie des valeurs littéraires du temps-, un livret d’opéra comique ne valait pas grand chose, puisque la musique faisait le succès de l’ouvrage.
Esteban de Arteaga, dans son immense opus, Le rivoluzioni del teatro musicale italiano dalla sua origine fino al presente opera (Venise, 1785), loue fort « la vivace immaginazione, il talento pieghevole e lo stile agiato e corrente » et considère que Casti va régner sans rival sur le théâtre comique italien. De même, Ippolito Pindemonte, dans son abondante correspondance, aurait écrit que La Grotta di Trofonio était « uno dei nostri drammi gioccosi che si possono leggere con piacere per la facilità del verso et la leggiadria delle arie » [« une de nos pièces comiques que l’on peut lire avec plaisir à cause de la facilité des vers et de la grâce des airs. »]


Postérité mozartienne de l’oeuvre

L’un des plaisirs des spectateurs du Burgtheater était celui du sentiment de reconnaissance musical et littéraire, des allusions intertextuelles entre les différents ouvrages donnés au Burgtheater avec la même troupe, le jeu avec les conventions dramatiques usitées et les allusions à l’actualité. Ce jeu de variations sur des thèmes similaires est aujourd’hui peu sensible pour le spectateur, mais des oeuvres qui témoignent de ces conversations musicales et qui eurent une fortune supérieure à sa matrice sont bien connues : La Grotta di Trofonio inspira ainsi deux chefs d’oeuvre de Mozart, Don Giovanni et Cosi Fan Tutte. Si l’opéra de Salieri n’est pas cité à l’instar de Fra i due litiganti, l’hommage indirect est bien plus important qu’on ne le croit. Ses variations d’humeurs, de la noirceur surnaturelle à la comédie pure, se retrouvent dans le dramma giocoso de Mozart. Cette irruption inusitée des Enfers dans un opera buffa apporta avec elle de nouvelles possibilités dont Mozart a tiré parti. Une citation de Casti évoquera certainement un écho : le ch’ur final de Don Giovanni et la réplique de Trofonio [II, 21] « Posso un fausto vaticinio / Far pel vostro matrimonio / E impetrarvi il patrocinio / Di Proserpina e Pluton »‘

Certains passages du texte de Da Ponte semblent ainsi tirés textuellement de Casti : « Giovinette, che fate all’amore » est calqué sur le « Il diletto che in petto mi sento », duo dans lequel Dori et Plistene expriment leur joie de vivre et tandis que le couple « sérieux » maugrée. Le minuetto chanté par Storace a également sans doute inspiré les syncopes et phrasés du « Ah fuggi il traditor » d’Elvira, même si l’humeur en est radicalement différente.

En 1789 Da Ponte écrivit un livret qu’il intitula La Scuola degli Amanti. Il proposa le texte à Salieri, qui l’accepta, et commença à composer les deux premiers numéros de l’oeuvre. Salieri abandonna ensuite la partie, d’autres travaux requérant son attention. Sa brouille avec Da Ponte ne devait pas non plus le pousser à la tâche. Mozart récupéra le livret et le mis en musique, utilisant le sous-titre originel du livret comme titre principal, Cosi fan Tutte.

Les interprètes étaient familiers du public ayant pour la plupart interprété les deux oeuvres, même si les rôles ont peu de correspondance. Ces correspondances sont par contre multiples en ce qui concerne les livrets. Don Alfonso est comme son prédécesseur Trofonio un manipulateur : les deux hommes se servent de leurs capacités (magiques pour l’un, intellectuelles pour l’autre) pour faire une démonstration. Ils illustrent tous deux la bivalence traditionnelle du « philosophe », mage, astronome et astrologue et celui qui fait usage de sa raison pour connaître les mécanismes du monde. Mais Alfonso utilise la raison, en invoquant un bien supérieur au sien. Trofonio pour sa part, se borne à une démonstration de puissance pure, mais les deux hommes commettent un abus de pouvoir.

On peut souligner certaines similitudes textuelles : la comparaison « come scoglio » vient à l’esprit, qu’elle soit énoncée par Plistene ou Fiodiligi. L’entente conclue entre Aristone et les deux amants se conclut par un « Parola ‘ » mais l’objet en est bien différent que pour le pari instauré par Alfonso. On peut également dresser un parallèle entre les « émanations électriques » de la grotte magique et la parodie de cérémonie à la Messmer de Despina’


Les interprètes de la création

La distribution de la création au Burgtheater (et probablement à Laxenburg) fut la suivante :

Ofelia : Ann Selina (dite Nancy) Storace
Dori : Celeste Coltellini
Aristone : Francesco Bussani
Plistene : Stefano Mandini
Artemidoro : Vincenzo Calvesi
Trofonio : Francesco Benucci

Il est tout à fait probable que Casti prit part au choix des chanteurs, comme il l’avait fait pour son Re Teodoro. Le poète faisait office de metteur en scène et de dramaturge, comme en témoigne une lettre d’Orsini-Rosenberg à Casti portant sur la préparation de son précédent livret : « [‘]basterà che si siate voi per dirigere l’azione, li vestiti, le decorazioni ecc. ecc. Vi dispenso dalla regola per la scelta de’ cantanti [‘] » [il suffira que vous soyez présent pour diriger l’action, les costumes, les décorations etc. Je vous dégage du choix des chanteurs, contrairement à l’usage] Le choix des interprètes a bien été du ressort de Casti, si l’on en croit la pique de Da Ponte, qui mentionne que Casti était le protecteur et l’amant des deux chanteuses, qui se partagèrent la vedette de La Grotta di Trofonio et de Prima la musica, poi le parole. (« [‘]e il bello si era che delle due donne che cantavano in quella farsa egli medesimo n’era il protettore ed il vagheggino. »)

 

 

Le Burgtheater (Michaelerplatz) au XIXe siècle.

 

Celeste Coltellini (1760-1829), avait quelques liens avec Vienne, même si elle ne s’y était jamais produite, étant la fille du librettiste Marco Coltellini (qui avait collaboré avec Salieri pour son Armida en 1771). Commençant sa carrière en 1773, elle chanta principalement à Florence, Naples, Venise et Caserta. Le secrétaire de l’Ambassade d’Autriche à Naples l’y entendit dans les années 1780 et rapporta à Joseph II qu’elle « était une excellente chanteuse comique. Elle chante avec pureté mais expression. Sa voix vient de la poitrine. Bien qu’elle connaisse bien la musique, elle ne réussit pas bien les ornements et les cadences. Son jeu rehausse la valeur de son chant, car elle joue tous ses rôles avec vérité et naturel. » (30 août 1783) Trois mois plus tard, Joseph II qui l’avait entendue à Caserta écrivait à Orsini-Rosenberg : « Elle a beaucoup moins de voix et moins agréable que celle de la Storacci, son jeu est chargé, mais on ne sauroit nier, qu’elle ne joue assés bien differens caractere dans le quels elle entre assés subitement. » Joseph II commença des négociations pour la rallier à la troupe du Burgtheater, et parvint à engager la jeune femme pour la saison 1785-1786. Elle repartit à Naples la saison suivante, mais retourna brièvement à Vienne en 1788 pendant quelques mois : le Wiener Früh- und Abendblatt (29 avril 1788) déclara alors qu’ « aucune chanteuse ne peut rivaliser son jeu mais elle est surpassée dans son art du chant par Anna Morichelli et Nancy Storace. » Différentes lettres indiquent que l’empereur souhaitait mettre la prima buffa déjà engagée, Ann Storace, en rapprochement avec la nouvelle venue, s’assurant que Francesco Benucci n’aurait pas d’objections à chanter avec l’une ou l’autre. Coltellini est passée à la postérité pour avoir créé Nina ossia la Pazza per amore de Paisiello en 1789.

La Storace se trouvait effectivement confrontée directement pour la première fois avec la Coltellini.. Les deux femmes avaient jusque là soigneusement évité un affrontement direct ; elles ne seront remises en position de rivalité immédiate que dans leurs propres rôles de divas pour le Prima la Musica, poi le parole qu’écrira Casti quelques mois plus tard pour Salieri.

Ann Selina Storace (1765-1817), future Susanna des Nozze di Figaro, avait été l’élève de Rauzzini puis de Sacchini. Elle commença une carrière en 1778 de seconda donna seria à Naples, Florence puis Trévise, puis se spécialise dès 1780 dans les rôles comiques. Elle est rapidement considérée comme l’une des meilleures chanteuses comiques italiennes, ce qui entraînera un engagement comme prima buffa dans la troupe italienne nouvellement constituée à Vienne. Les avis sur son art sont très contrastés : excellente actrice, elle a pourtant été considérée maladroite pour ses débuts viennois, selon les critères locaux. Mount Edgecumbe, dans ses Musical Reminiscences of an Old Amateur (Londres, 1827), disait qu’elle avait « [‘]a coarseness to her voice, and vulgarity of manner, that totally unfitted her to the serious opera, which she never attempted » [« une rugosité dans sa voix, et des façons vulgaires qui la rendait inapte à l’opera seria, qu’elle n’essaya jamais de chanter »] mais Burney précise que « [‘]In her own particular line of the stage she was unrivalled, being an excellent actress, as well as a masterly singer » [« Dans sa spécialité, elle était sans rivale, étant une excellente actrice et une chanteuse magistrale. »] Cependant sa première expérience dans les rôles sérieux la portait à chanter au moins un air semi serio dans tous les ouvrages qu’elle interprétait. Elle abandonna peu à peu ces airs de bravoure pour se spécialiser davantage dans les airs plus courts et plus lyriques, cavatines et rondos, que lui demandait le public viennois. La Grotta di Trofonio semble marquer une étape importante dans cette reconversion d’emplois.

 

 

Francesco Benucci

 

Ces chanteuses avaient toutes deux été les partenaires en Italie de Francesco Benucci (1745-1824) qui interprétait le rôle-titre. Ce dernier a été considéré comme un des plus grands buffo caricato du temps. Grand acteur très apprécié à Vienne, doté d’une voix sonore et sombre, plus basse que baryton par nos critères actuels, il était l’un des meilleurs éléments de la troupe. Joseph II écrira à Orsini-Rosenberg le 29 septembre 1786 qu’il vaut « plus que deux Storace ». Selon le Berlinische Musikalische Zeitung (5 octobre 1793), « Il avait un talent rare que peu de chanteurs italiens possèdent ; il ne versait jamais dans l’outrance. Même lorsqu’il portait son art aux extrêmes, il gardait une mesure qui l’éloignait de la comédie vulgaire. ». La liste de ses rôles viennois est impressionnante, il créera Figaro et Guglielmo, reprenant Leporello au Burgtheater.

Francesco Bussani (1743-1807), futur Don Alfonso, Commandeur et Masetto pour la reprise viennoise. Ce grand rival de Benucci dut se contenter des rôles secondaires. Il connut une longévité vocale étonnante. Distribué dans des rôles de baryton comme de ténor. (Salieri a noté sa partie pour Plistene pour un ténor, et comme une basse pour Lumaca de la Scuola de’ Gelosi), on lui attribuait généralement les rôles de pères et d’hommes plus âgés. Il chanta dans les années 1760 et 1770 en Italie et à Vienne, et y revint entre 1783 et 1794. Il était chargé des mises en scène, fonction qui se superposait avec celle du librettiste et qui causa de nombreux heurts avec Da Ponte.

Vincenzo Calvesi ( ??- 1811), futur Ferrando, avait fait sa carrière en Italie vers la fin des années 1770. Il fut engagé en 1785 à Vienne jusqu’en 1788 ; il y revint ensuite entre 1789 et 1794. Il fit ses débuts dans Sandrino de Il Re Teodoro. Ténor de mezzo carattere, il était apprécié à Vienne pour sa voix lyrique, et « naturellement suave, plaisante et sonore » (Grundsätze zur Theaterkritik, 1790). Sa diction était renommée pour son intelligibilité. Il devint rapidement un des éléments les plus importants de la compagnie italienne, créant des oeuvres de Martín y Soler (Una cosa rara et L’arbore di Diana), Storace (Gli sposi malcontenti et Gli equivoci) et Salieri (Axur, re d’Ormus) Il devint imprésario après sa retraite en 1794.

 

 

Silhouette de Stefano Mandini (vers 1785 ‘)

 

Stefano Mandini (1750-1810 ?), futur Almaviva de Mozart, avait également créé le rôle pour Il Barbiere di Siviglia de Paisiello. Tenant les emplois de mezzo carattere et considéré comme un excellent acteur, il avait enchanté le public dans les quatre déguisements d’Almaviva. Il alternait les rôles de ténor ou de baryton aigu. Engagé en 1783 à Vienne, il créa le rôle-titre de Il re Teodoro in Venezia, se produisit dans Gli sposi malcontent, Prima la Musica, Una cosa rara, L’arbore di Diana, Axur, re d’Ormus‘ Il quitta Vienne pour l’Italie en 1788, puis Paris (1789-1793) et se rendit ensuite à Saint-Pétersbourg. Il était encore actif en 1804.


Répétitions et représentations : accueil critique

On n’a pas de calendrier exact de la mise en répétition de l’oeuvre, mais on peut déduire quelques jalons par les entrées du journal du Comte Karl Zizendorf, assidu aux soirées d’opéra et de théâtre et qui avait ses entrées chez le Comte Orsini-Rosenberg.

Le texte était déjà bien avancé le 17 février 1785 : Zinzendorf note en effet, «Morelli et Casti chez le Cte Rosenberg . Le dernier lut des scenes de son nouvel opera l’antro di Trofonio. » Il mentionne également que le 6 mars, il fut reçu à « Diné chez le Pce Dietrichstein avec le Cte Rosenberg, la Psse Picolinini, Casti et Somma. Apres le diner on lut l’opera de Casti. »

Les répétitions commencèrent sans doute vers le mois de mai 1785. Zizendorf est de nouveau un témoin précieux : il mentionne dans l’entrée datée du 15 mai de son journal que « Chez le grand Chambellan. Benucci, Mandini, Calvesi repeterent un morceau de la grotte de Trofonio [‘] »
Il est probable que tous les chanteurs commencent à travailler à cette période, y compris Ann Storace, malgré ses défaillances dans son service au Burgtheater. La situation était sans doute assez sérieuse pour que l’on engage Elisabeth Distler pour le Barbiere di Siviglia et Fra i due litiganti, et sans doute pour d’autres représentations, ceci afin de ménager plus de plages de repos pour Ann Storace entre les répétitions de Gli Sposi Malcontenti et de la Grotta di Trofonio.

La catastrophe se produisit pour la première de Gli Sposi Malcontenti (1er juin 1785), de Stephen Storace, le frère de la cantatrice. « [Storace] fit des efforts pour chanter et n’en vint pas à bout, ce qui rendit l’opéra moins intéressant. » note Zinzendorf. Elle fut obligée d’abandonner la partie à la fin du premier acte. Le surlendemain, Stephen Storace rencontre Zinzendorf chez Orsini-Rosenberg et évoque l’idée d’envoyer sa s’ur en cure à Spa ou en Angleterre, ce à quoi elle se refuse. Il semble évident que son état de santé ne devait pas rendre la mise au théâtre d’un nouvel ouvrage très aisée, d’autant plus qu’un des ressorts de la pièce reposait sur sa gémellité supposée avec Celeste Coltellini.

Ce qui facilita sans doute le changement d’organisation pour la troupe du Burgtheater fut l'annulation du séjour de l’Empereur Joseph II et de ses invités à la villégiature impériale de Laxenburg. Le 13 juin, Orsini-Rosenberg dit à Zinzendorf «[‘]un Courrier arrivé apporté des lettres del’Emp. de Mantoüe, qui annoncent qu’il n’y aura pas de séjour de Laxenbourg [‘] » L’opéra qui était déjà en répétition et dont le livret a été imprimé à l’avance et non modifié par la suite, porte la mention « Da Rappresentarsi nell’Imperial Villeggiatura di Laxenbourg. L’Anno 1785 » n'a donc pas été créé comme il était prévu à Laxenburg avant sa reprise à Vienne. Les rajouts signalés par Zizendorf et qui ne sont pas reportés sur le livret ont été réalisés durant les répétitions, et non après l’épreuve de la scène, comme il est courant à l’époque.

Zinzendorf étant absent de Vienne lors du retour d’Ann Storace sur scène, nous sommes privés de ses remarques parfois laconiques qui auraient pu néanmoins rendre compte de la réception d’une mystérieuse cantate en hommage à Storace, car elle a sans doute été exécutée pour son retour dans Il Re Teodoro le 26 septembre. On ne connaît cette oeuvre que par une annonce insérée le 26 septembre 1785 dans le Wienerblattchen, (puis une autre dans le Wiener Realzeitung , le 18 Octobre) : « Pour célébrer l’heureux rétablissement de la virtuosa favorite Mme. Storace, le poète de la cour impériale et royale Herr Abbate Da Ponte a écrit une cantate de réjouissance « Per la recuperata salute di Ofelia ». Cette dernière a été mise en musique pour être chantée avec accompagnement de pianoforte, par les trois célèbres Kapellmeister Salieri, Mozart et Cornetti, et est en vente aux éditions Artaria, Michaelsplatz, pour le prix de 17 kr. »

Si les deux premiers compositeurs sont bien connus, le troisième n’est pas formellement identifié ; G. Brace a avancé qu’il pouvait s’agir de Stephen Storace, mais cela semble incertain ; ce dernier aurait certainement apposé son nom. On a avancé le nom du ténor Alessandro Cornet(ti) (‘ - v. 1795), bien que l’on ne sache pas quel était exactement son rôle dans la politique artistique du Burghteater, à moins que Cornetti ne soit qu’un pseudonyme n’ayant rien à voir avec ce chanteur et pédagogue très connu à Vienne pour défendre un principe selon lequel un chanteur ne doit jamais forcer sa voix ; aurait-t-il joué un rôle (non attesté par les sources) dans le rétablissement vocal de la Storace ‘
Le titre a intrigué durant de longues années, avant qu’on ne le mette en relation avec l’opéra de Salieri.
Cette oeuvre a-t-elle même été reprise par la suite ? Rien n’est moins certain car les sources sont muettes aussi bien sur les exécutants que sur le contenu. Aucune copie n’a survécu, et on ne sait précisément s’il s’agissait d’un compliment à l’intention de la cantatrice auquel elle répondait, ou un simple hommage. En tout cas, il est extrêmement curieux de constater qu’il n’y a pas d’entrée dans le catalogue thématique de Mozart, que Salieri n’inclut pas la pièce dans la liste de ses oeuvres, et qu’on ne connaît aucune copie de l’impression d’Artaria.

Que Da Ponte garde le silence sur le succès éventuel de la pièce, cela est peu étonnant ; le poète pouvait difficilement mentionner une oeuvre dont le texte faisait directement allusion à un succès de son ennemi intime Casti.

Zinzendorf ne verra l’opéra de Salieri que lors de la représentation du 12 octobre 1785, à la première donnée au Burgtheater.

Il note sur son journal :

 

« A l’opera. La Grotta di Trofonio. La musique charmente, les habillemens extraordinaires, la Storace avec son manteau de philosophe étoit jolie, et Calvesi parfaitement bien. La Coltellini a merveille dans son rôle. Benucci en vieux Philosophe. Mais le sujet sans génie, sans art, point de decorations, toujours le jardin, toujours la grotte, toujours les transmutations. Dans la 5eme Scene [« Il diletto che in petto mi sento’ »] ce fut Mandini et la Coltell. qui brillèrent le plus. La 9ème Scene entre eux deux fort bien calamità et felicità. [fin de la scène] Bussani fit médiocrement son rôle. Au commencement du premier final La Storace chanta bien. E un piacer col caro amante. La 9ème scene du IId acte entre les deux femmes est charmente. A la fin de la Xeme Casti a ajouté un Terzetto qui est fort joli. Qua, qua, qua. [II, 7, Trio « Ma perché in ordine »] Benucci s’acquitta a merveille de l’invocation du Sorcier. Scene 18. »

 

Une semaine plus tard, il s’est un peu radouci :

 

17 octobre 1785. « Le soir à l’opera. L’antro di Trofonio. Il fut joué à merveille. Le Terzetto des femmes avec le Sorcier repete [« Venite o donne meco »] ainsi que le Trofonio, Trofonio [Finale II], et le Quartetto dans le Ier acte [I, 4] et les qua, qua, qua. »

 

Il finit par être sensible au spectacle, comme en témoigne sa dernière entrée détaillée sur l’oeuvre :

 

« 24 octobre 1785 : « Au spectacle>. L’antro di Trofonio. Le livre marque peu de génie, tout est repeté, mais les paroles sont jolies, les deux airs de la Storace. D’un dolce amor la face. E’ un piacer col caro amante sont admirables, le duo de la Coltellini avec Mandini Certamente il mattrimonio, le terzetto des hommes Scene 10 IIme Acte. Le duo de Calvesi avec la Storace Scene 14 Que muso assigno ; etc, le terzetto des deux femmes avec le magicien Scene 9, le dernier final tout est admirable.»

 

Johann Friedrich Schink (1755-1835), le critique dramatique, se fera l’écho de ce succès dans ses Dramaturgische Monate : pour lui, La Grotta di Trofonio est l’exemple type de l’opéra viennois.

La Grotta di Trofonio fut un immense succès, une fois passé l’étonnement initial : l’oeuvre fut donnée 12 fois en 1785. Programmée la saison suivante, comme c’était le cas de toutes les réussites incontestables, elle totalisa en tout 26 représentations entre sa création et 1787 (7 en 1785, 13 en 1786 et 5 en 1787), dont une reprise à Laxemburg le 12 juin 1786 (« La grotta di Trofonio fut jouée a merveille » dit Zizendorf), preuve de sa réussite car seules les meilleures oeuvres faisaient l’objet de telles faveurs. A titre de comparaison, dans le même laps de temps, Il Re Teodoro compte 22 représentations, Una Cosa rara (17 nov. 1786), 21 et L’Arbore di Diana (1 déc. 1787), 9. (Le Nozze di Figaro n’ont fait l’objet que de 9 représentations avant leur reprise de 1789.) Joseph II, malgré son avarice légendaire, octroya une gratification de 200 ducats (cent de plus que la rémunération habituelle) à Salieri pour salaire.

Des adaptations circulèrent, comme ces variations de Giuseppe Sardi (et non Sarti, avec lequel on l’a régulièrement confondu), publiées par Artaria : Variazioni del minuetto La ra dell’ opera La grotta di Trofonio, per cembalocon violino obligato.

Da Ponte reprit le trio Trofonio-Dori-Ofelia, « Venite o donne meco », dans la première version de son pasticcio L’Ape musicale, en 1789, avec les morceaux qui avaient remporté les suffrages du public.

Salieri lui-même écrit à propos de la Grotta : « Cette musique, d’un style aussi inusité que le poème le demande, fut énormément applaudie et ce fut le premier opera buffa à être gravé en partition. »

La partition complète de l’opéra fut la seule à être éditée du vivant de Salieri, et le premier opéra comique édité dans sa partition intégrale chez Artaria en 1786. Le frontispice présente une superbe gravure de la scène « Venite o donne meco » où l’on reconnaît Storace sur la gauche et Coltellini juste derrière, s’apprêtant à rentrer dans la grotte que leur désigne Benucci. (cf illustration)

 

 

Détail du frontispice de la partition

 

Son biographe Ignaz von Mosel précise en 1827 :

 

« C’est tout ce que ce modeste compositeur dit d’une oeuvre qui a sa place non seulement parmi ses meilleures, mais parmi les meilleures de sa catégorie, et qui mérite le titre de classique ; il serait juste d’ajouter que personne ne peut se souvenir d’un opéra qui jusqu’à cette époque ait été reçu avec un tel accueil tumultueux, universel et durable, et que tous les amateurs de musique dramatique se rappellent avec délices le plaisir qu’il leur a donné. Les mélodies les plus judicieuses et fluides, suivant à la perfection le texte et les personnages représentés ; un accompagnement expressif et gracieux, dans lequel les vents sont plus fréquemment -quoique pas trop- et élégamment introduits que dans ses autres opéras ; et ce talent, déjà remarqué dans plusieurs de ses autres opéras, à rendre sa musique réellement dramatique, à travers ce soutien coloré, tout en marquant l’action, tout ceci a établi cette oeuvre comme idéal élevé d’un modèle durable pour la musique d’opera buffa »

 

Curieusement, Salieri lui-même fut contacté en 1817 par Spontini qui lui demanda de composer de nouveaux récitatifs pour une reprise française à Paris pour une version nouvelle en français effectuée par A. Moline. On n’a pas de trace d’une quelconque réalisation de Salieri donnant suite à cette offre. L’oeuvre fut bien connue de Rossini, qui en chantait avec plaisir des extraits, comme le rapporte Geltrude Righetti Giorgi en 1823.


Quelques annotations de Salieri sur sa partition

Dans les années 1822, Salieri apposa quelques notes marginales sur ses partitions autographes, en vue d’une éventuelle publication, tout en reprenant les passages qui lui paraissaient plus faibles ou ne correspondant plus à ses idées. Ces annotations ont le défaut d’être laconiques et de ne généralement traiter que de points de détails, sans laisser présumer de l’opinion d’ensemble que Salieri porte sur son oeuvre.

Pour Salieri, la Grotta était « di stile magico-buffo ». Cette appellation est à rapprocher du qualificatif de son Armida, qualifiée de « magico-eroico-amoroso toccante il tragico » ; dans les deux cas, magico fait allusion à la magie noire et aux esprits infernaux. (Salieri avait d’ailleurs employé les mêmes éléments dans la scène infernale d’Armida que dans le début de l’acte II des Danaïdes : tempo lent, mode mineur et emploi des trombones. Il s’en souviendra pour La Grotta, particulièrement dans l’ouverture en ut mineur très inhabituelle pour un opera buffa qui cite l’entrée de Trofonio et ces ch’urs à l’unisson inspirés de l’Orphée de Gluck ou du « Chi tra queste orride » du Socrate immaginario.) Da Ponte avait qualifié la musique de Salieri de « française » à son retour de Paris’

Cette apparition saisissante de Trofonio, dans l’air « Spiriti invisibili » [I, 10] a été commentée par le compositeur :

 

« [cet air] avec les ch’urs sur sa fin, est entièrement magique, et il me semble que la musique le caractérise bien. Mais pour que cela produise son effet, la voix qui le chante doit être très puissante et ténébreuse. »

 

Un succès européen : reprises et transformations

Les reprises viennoises ne seront pas les seules : l’oeuvre voyage dans toute l’Europe, jusqu’à Copenhague. On compte une trentaine de productions européennes dans les dix ans qui suivirent la création.

Tout d’abord en Allemagne : elle est donnée en 1786 à Leipzig (Stadttheater) et à Dresde (Hoftheater) sous le titre Die Höhle des Tryphonius, puis à Varsovie (Nationaltheater) en 1789-1790, ainsi qu’à Prague. Elle arrive pour la première fois en Italie à Trieste (1787). L’oeuvre est ensuite reprise au Théâtre Italien à Paris en 1790, à Parme (Teatro Ducale) en 1790-1791 et en 1794, à Lisbonne (Teatro São Carlos) en 1793, à Riga en 1794 sous le titre Tryfons Zauberhöhle, à Görz (Teatro De Bandeu) en 1795’

Une dernière reprise viennoise, en 1799, parallèlement à certains opéras de Mozart, ne dura qu’une soirée.

Deux productions sont particulièrement dignes d’intérêt, celles de Paris et de Londres, puisque ces deux versions sont les seules à avoir un lien plus ou moins direct avec certains des créateurs viennois.


La reprise parisienne (avec des airs d’insertions de Cherubini)

La troupe italienne du King’s Theatre in the Haymarket se produisit à Versailles dès l’été 1787 durant la période de relâche de leur théâtre ; cette tournée fit renaître l’envie d’établir une troupe italienne permanente à Paris. Ann Storace, qui avait sans doute été reçue en audience privée par Marie Antoinette en mars 1787, ne les accompagna pourtant pas. Elle demeura cependant en contact avec les Français pour négocier un éventuel contrat avec la Comédie-Italienne qui souhaitait monter des opéras dès 1788. Si ce projet échoua, le comte de Provence usa de son privilège et le Théâtre de Monsieur, sous la direction de Viotti, vit le jour. A-t-elle été de nouveau contactée et aurait-elle refusé de donner suite, sa carrière étant bien engagée au King’s Theatre ? Les sources sont muettes sur ce point. Si la protection de la reine sur l’entreprise sut rester discrète, elle dut influencer quelque peu sur la programmation du théâtre, qui lorgnait sur les productions du Burgtheater. La présence de Stefano Mandini, membre de la troupe du Théâtre de Monsieur et son influence au sein de cette compagnie semble avoir été la raison de cette production. Salieri était également un nom connu des parisiens par ses Danaïdes (1784), Les Horaces (1786) et Tarare (1787).

Une parodie en français de la Grotta di Trofonio, L’Antre de Trofonius, aurait été préparée sur la musique de Salieri pour la Comédie-Italienne qui l’aurait refusée, si l’on en croit le Journal Général de France du 18 mars 1790.

La Grotta di Trofonio fut donc donné le 15 mars 1790 avec Luigi Raffanelli (Aristone), Rosa Balletti (Ofelia), Maria Piccinelli Mandini (Dori), Stefano Mandini (Plistene), Giuseppe Viganoni (Artemidoro) et Carlo Rovedino (Trofonio). Le livret avait été raccourci, comme c’était l’usage à Paris pour les pièces italiennes, mais pas suffisamment si l’on en juge par les critiques qui se plaignirent de la longueur de la pièce :

 

« [‘]Pour assurer à cet ouvrage le succès qu’il mérite, nous croyons qu’il seroit à propos de faire quelque coupure dans le récitatif ; car le spectacle a paru trop long [..] »

 

(Chronique de Paris, 15 mars 1790) On inséra de nouveaux morceaux : les airs « D’un dolce amor la face » (également inséré en 1790 dans Il Burbero di buon cuore) et « Che fu ‘ Che m’avvene ‘ » sont probablement de la main du grand Cherubini. Malgré de bonnes critiques l’ouvrage fut retiré du répertoire très vite, après trois représentations seulement. L’Année littéraire ne manque pas de s’en étonner :

 

« La Grotta di Trofonio, opéra héroï-comique, a eu beaucoup de succès à ce théâtre, pendant trois représentations consécutives ; j’ignore pour quelle raison il n’a pas reparu depuis ; peut-être a-t-on voulu faire quelques coupures au poème pour rendre la marche de l’action plus vive : car la monotonie étoit le seul défaut qu’on put reprocher à cet ouvrage qui est un chef d’oeuvre de raison, de justesse, de vraisemblance, en comparaison de la plupart des opéras bouffons italiens. » (1791/III)

 

Cet éloge modéré prend sa juste mesure lorsque l’on sait qu’un courant important de la France de l’époque avait souvent bien du mépris pour la tradition italienne de l’opera buffa Bien plus que sur les aspects purement musicaux des opéras, les critiques de la presse axaient leur analyse sur la qualité des livrets, analysés selon le modèle esthétique du théâtre français. Que l’intrigue de Casti comporte des éléments magiques ne semble pas les avoir dérangé ; ne pouvait-on pas rapprocher la grotte magique des artifices dramatiques féeriques abondamment utilisés par Grétry ou Favart ‘ C’est l’effet miroir d’une construction dramatique jugée maladroite et ennuyeuse qui déplut. On loua généralement la musique :

 

« [‘]On a distingué sur-tout un air du premier acte, chanté par Mlle Baletti, le final du second acte, un trio du même, morceaux qui sont d’un faire aussi pur que délicieux. Ce dernier a été redemandé. La partie de l’orchestre est riche, savante & offre de superbes effets. [‘] » (Chronique de Paris, 15 mars 1790), « [‘]Ce sujet, comme l’on voit, offrait à la musique des oppositions et de contrastes susceptibles d’effet, mais en même tems la grande difficulté de se varier en le répétant sans cesse, et le reproduire sous les mêmes formes sans pourtant se ressembler. C’est pour tout art, sur-tout pour la musique, une tâche très-pénible, et que M. Saliéri a certainement rempli avec succès, peut-être pas assez complettement au gré de ceux qui, sans apprécier les difficultés d’un sujet, impute au musicien le défaut du poëte, ou qui, je jugeant que par les sensations, veulent être remués sans se prêter aux efforts de l’art. [‘] » (Moniteur Universel, 17 mars 1790) ou encore « [‘]La musique est digne du grand Maître, élève & émule de Gluck. Plusieurs airs, & surtout la finale du second acte sont des chefs-d’oeuvre : cet ouvrage a été en général mieux senti à la seconde représentation. [‘] » (Journal général de la Cour et de la Ville, 18 mars 1790)

 

 

Adaptation du Siege of Belgrade, Londres, 1791.

 

Versions londoniennes

Les compositeurs d’opéra anglais n’avaient aucune hésitation à emprunter de la musique pour l’intégrer dans leurs oeuvres, procédé commun et tout à fait acceptable pour leurs compatriotes, même si cette attitude pouvait être considérée comme du vol par leurs contemporains continentaux. Le Révérend John Trussler, oncle des Storace, considérait que

 

« [‘]an author is no more to be censured for embellishing his work with any valuable papers which he has met in his reading, than a traveller for ornamenting his house with pictures he has picked up on his tour » (Memoirs, 1806)
[ ‘ un auteur ne doit pas être plus censure pour avoir embelli son oeuvre avec des textes intéressants qu’il a rencontré au cours de ses lectures, qu’un voyageur qui orne sa maison avec des tableaux qu’il a recueillis durant son Grand Tour.]

 

Il est peu étonnant que Stephen Storace, mandaté par Gallini, le directeur du King’s Theatre et par Sheridan et Linley pour le Drury Lane Theatre, pour rapporter des partitions et conclure des engagements en leur noms lors de ses séjours viennois, ait inclus des extraits des succès continentaux de sa s’ur dans ses propres ‘uvres. Cette dernière avait rejoint la troupe de Drury Lane en novembre 1789, à la suite de l’incendie du King’s Theatre. Elle y avait fait ses débuts dans The Haunted Tower composé par son frère, ce qui ne l’empêcha pas de continuer à chanter des opere buffe au théâtre du Haymarket où s’était transportée la troupe italienne. Le succès de l’oeuvre poussa Stephen Storace et son librettiste James Cobb à rééditer l’expérience avec The Siege of Belgrade, créé le 1er janvier 1791. Il s’agissait d’une adaptation de Una Cosa rara de Vincente Martin y Soler, qu’avait créé Ann Storace en 1786. Sur les 29 numéros de cette main piece, Storace adapta neuf morceaux de l’oeuvre originelle, et y ajouta le rondo alla turca de la Sonate K 331 de Mozart, ainsi que le menuet « Che filosofo buffon » de la Grotta di Trofonio, qui devint « What can mean that thoughtful frown ». Outre un témoignage du succès que remporta ce morceau, l’adaptation nous donne une précieuse indication sur un aspect de la mise en scène viennoise.

Ce « Favourite Minuet, [‘]as danced by Sga Storace [‘] » ainsi que le qualifie la réduction publiée à Londres en 1791, eut énormément de succès, comme en témoigne une critique : « Storace danced her favourite air with much grace ‘ it was encored. » [Storace dansa son air favori avec beaucoup de grâce ‘ il fut bissé.] (The Gazetteer, 4 janvier 1791)
Ann Storace ayant probablement repris le même jeu de scène que lors de la création (le livret anglais indique que « during the Song, she dances slowly between Peter, Leopold and Ghita » [durant son air, elle danse lentement entre Peter, Leopold et Ghita]), Ofelia devait danser autour de Trofonio.

L’opéra de Salieri connut une adaptation encore plus radicale, un peu plus tard, sous le titre de The Cave of Trophonius. Il est d’ailleurs surprenant que l’ouvrage ait été donné de manière si altérée puisque seule la trame principale de l’histoire survécut, et qu’aucun morceau originel ne fut inséré dans ce pasticcio, contrairement à ce qui est parfois avancé.

La musique était de Stephen Storace, avec des insertions composées par Paisiello, Thomas Attwood (l’ancien élève de Mozart), et deux songsécrites respectivement par Ann Storace et Richard Suett (qui interprétait Dromo), vraisemblablement orchestrés par Stephen Storace. La trame du livret avait été drastiquement raccourcie par Prince Hoare, ami et librettiste habituel de Storace, puisqu’il s’agissait d’une afterpiece (pièce courte constituant la seconde partie de la soirée), créée le 3 mai 1791 à Drury Lane pour le benefit [soirée à bénéfice] de la soprano Anna Crouch ; qui en tant que « reine » de la soirée avait un rôle égal en importance de celui d’Ann Storace. Cette dernière reprenait à cette occasion son rôle de s’ur jumelle, sous le nom de Daphne.

La distribution de la création était la suivante : Sedgwick (Aristo), Bannister Junior (Dorilas), Kelly (Amintas), Suett (Dromo), Dignum (Corin), Fox (Trofonius), Sga Storace (Daphne), Mrs Crouch (Phaedra), Mrs Williames (Dorcas), Mrs Bland (Alinet), Miss De Camp (Ist Spirit). S’y ajoutent des ch’urs de démons, de prêtres et prêtresses etc’ Malgré la transposition dans un royaume féerique et sans doute, des décors soignés, ce fut loin d’être un succès. Après quelques modifications, elle fut reprise la saison suivante, le 15 octobre 1791, puis le 22 octobre, avant de chuter définitivement après une ultime représentation, le 11 octobre 1792. Ni le changement de théâtre et l’accueil sur une scène plus vaste à la faveur du déménagement de la troupe de Drury Lane au King’s Theatre reconstruit, ne purent empêcher la désaffection du public. Le directeur du Théâtre, le tragédien John Philip Kemble la qualifia de « Dull ‘ Dull» [« Ennuyeux ‘ Ennuyeux »] dans son journal. Et le Times du 9 mai 1791 ironisa en écrivant que « The Cave of Trophonius seems to have been consigned to the Cave of Oblivion ! » [La Grotte de Trophonius semble avoir été reléguée dans la Grotte de l’Oubli !]

John Adolphus, dans ses Memoirs of John Bannister, Comedian, en 1839, rend compte de cet échec en ces mots :

 

« Another novelty, taken from the Grotta di Trifonio (sic) of the Abbé Casti, by Prince Hoare, was handsomely presented by him to Mrs Crouch, for her benefit (3rd May) Those who have read the Spectator (Nos. 598, 599) were prepared for a cavern which, by some undisclosed means, reduces excessive gaity into tranquil sedateness, and depressed rational sobriety into gloomy melancholy; but in Hoare’s hands, the cave produces effects more extensive, changing even humour into its opposite. The idea was soon worked out, and Bannister in Dorilas gave the fullest effect of the author’s aim. Music selected by Storace from Salieri, and the powerful aid of the singers, male and female, procured for it a temporary existence, but it soon fell into disregard and, being never printed, into oblivion. » [Une autre nouveauté, adaptée de la Grotta di Trifonio de l’Abbé Casti, par Prince Hoare, fut présentée élégamment de sa part à Mrs Crouch, pour son bénéfice du 3 mai. Les lecteurs qui ont pris connaissance des numéros 298 et 599 du Spectator se préparaient à voir une grotte, qui, par des moyens mystérieux, transformait la gaieté en pondération, et la sobriété en mélancolie ; mais entre les mains de Hoare, la caverne produisit des effets plus grands, changeant même l’humour en son contraire. L’idée fut vite épuisée, et Bannister en Dorilas rendit avec le meilleur effet l’intention de l’auteur. La musique de Salieri sélectionnée par Storace, et l’aide des chanteurs, hommes et femmes, procura à l’oeuvre une existence temporaire, mais la pièce tomba assez vite et n’ayant jamais été imprimée, fut oubliée.] (pp. 251-252)

 

Michael Kelly, mentionne l’échec en précisant que l’opéra « did not meet with the reception which I think it deserved » [« ne rencontra pas l’accueil qu’il pensait devoir lui être réservé. »]

Cette relative indifférence se manifeste par l’absence de publication du livret complet et de la musique. Il n’en reste donc que la copie manuscrite du livret envoyée à John Larpent, l’Examiner of Plays, au service de la censure dépendant du Lord Chamberlain, ainsi que quelques passages du texte imprimés en 1791 à Londres dans Songs, Duets, Trio, and Finales, in the Cave of Trophonius.

 

 

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