Entretien avec Anna Pirozzi
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- Publication : mercredi 30 mai 2018 22:29
Bonjour Anna,
Merci d’accorder cette interview à ODB-Opéra.
J’ai regardé rapidement votre carrière qui a commencé il n’y a pas si longtemps et le constat est qu’elle est vraiment fulgurante. Pourriez-vous nous dire quelles sont pour vous les grandes étapes qui ont déjà marqué cette carrière ?
J’ai commencé en 2012 ; j’ai fait mes débuts dans le Bal masqué à Turin. Un an après, j’ai eu le plaisir de travailler avec Riccardo Muti dans Nabucco en remplacement d’une collègue. Il m’a ensuite invitée à faire Ernani à Rome avec lui. Depuis cela, je ne me suis plus arrêtée ! Je pense que le fait que je chante des rôles lourds come Abigaille ou Lady Macbeth a aidé ma carrière car il y a peu de chanteuses dans ce répertoire.
J’ai chanté au début beaucoup dans de belles maisons d’opéra allemandes comme le Deutsch Oper à Berlin, et italiennes. Il me manque juste Venise où j’aimerais beaucoup me produire.
Et évidemment depuis, j’ai eu le plaisir de chanter au ROH de Londres, au Teatro Real à Madrid et à la Scala de Milan !
A ce propos, y a-t-il parmi ces scènes, certaines que vous préfériez en raison de leur taille ou de leur acoustique ?
Oui absolument. J’aime beaucoup la Scala et, en général, les théâtres à l’italienne qui ont une bonne acoustique. J’aime aussi beaucoup Barcelone.
Votre carrière est également étonnante par la vitesse avec laquelle vous vous saisissez de rôles aussi lourds que, rien que pour citer la saison actuelle : Norma, Aïda, Turandot, Gioconda... Et dans le même temps, vous continuez à chanter les autres rôles lourds que sont Abigaille et Lady Macbeth. Sur le papier, ce planning paraît épuisant. Comment arrivez-vous à gérer ces prises de rôles ?
J’ai déjà chanté Aida et également Turandot en version de concert mais cet été, je vais le faire à Vérone. C’est paradoxalement un rôle que je ne trouve pas trop dur à chanter car il n’est pas trop long. Il est beaucoup moins dur pour moi que Norma. Ensuite, c’est sûr que j’ai conscience d’avoir été gâtée par la nature. Par contre, je demande à mon agent d’avoir de vraies grandes plages de repos entre deux productions et de ne pas avoir trop de prises de rôles dans une même année.
Après Roberto Devereux dans lequel je vous avais découverte à Bilbao et qui avait été pour moi une fantastique surprise, vous abordez le deuxième rôle belcantiste de votre carrière à savoir un rôle mythique : Norma. Par rapport à ce que vous avez chanté précédemment, avez-vous ressenti des difficultés particulières sur cette partition ?
Mon arrivée vers le bel canto a été aussi une surprise pour moi. En ce qui concerne Norma, c’est un rôle que j’avais envie d’interpréter et que j’ai étudié depuis longtemps. Mais quand j’ai commencé, à le travailler, ça a été très dur et j’ai failli laisser tomber. Il y a ce premier acte incroyable qui commence avec le Casta Diva et exige beaucoup de souffle, puis le double duo en finale. Il faut ensuite tenir pour chanter la fin sans être épuisée. Il m’a fallu longtemps pour le « mettre dans ma gorge ». C’est vraiment un rôle impossible ! Il faut vraiment gérer sa tenue vocale.
Ce Casta Diva de Bilbao est vraiment un des plus beaux que j’ai entendus !
Merci !
Après Norma et Roberto Devereux, envisagez-vous de chanter d’autres rôles du bel canto ?
Oui et particulièrement un rôle que je considère encore plus dur que Norma. On verra bien si j’y arrive (rires).
Le public parisien ne vous connaît pas forcément énormément car vous avez fait peu de passage dans la capitale française. Vous vous êtes uniquement produite au théâtre des Champs-Élysées où vous allez d’ailleurs bientôt revenir.
Je suis venue au théâtre des champs Elysées l’an dernier pour Macbeth et j’y retourne la saison prochaine pour Nabucco. J’interprèterai également le même rôle à Lyon. En revanche, je n’ai pour l’instant rien de prévu à Bastille.
On espère que ce sera pour bientôt !
Moi aussi, je l’espère !
J’aimerais vraiment bien chanter plus en France car c’est un pays cher à mon cœur ; ma mère est à moitié française et sa famille vit en France.
Vous parlez d’ailleurs un français incroyable. Bon, on lance un appel aux théâtres d’opéra français pour vous inviter alors ! (rires)
Merci beaucoup.
Le public français pourra également vous écouter au festival de Sanxay cet été.
Oui, j’ai été invitée une première fois à Sanxay il y a quelques années pour Nabucco. J’étais avec ma famille et la petite; c’était comme des vacances. Alors, quand on me l’a reproposé cette année pour Tosca, j’ai accepté avec plaisir. D’autant plus que mon mari (qui est violoniste) sera dans l’orchestre.
Il faut en plus composer votre carrière qui est très lourde avec le fait que vous êtes maman. J’imagine que pour une artiste lyrique qui doit beaucoup se déplacer, cela ne doit pas être évident tous les jours ?
C’est vrai, mais je dois remercier infiniment mon mari car il fait le choix de se sacrifier, si je puis dire, et de m’accompagner partout. J’ai en effet, une petite fille de sept ans et un petit garçon de un an. Grâce à mon mari, je suis en permanence avec ma famille, ce qui me permet, en tant qu’artiste, d’être encore plus sereine. L’an prochain, ma fille va aller à l’école et mon mari restera à la maison. On gèrera ça entre deux spectacles, je rentrerai ou ils viendront me voir.
Avec tout ça, il vous reste un peu de temps pour d’autres passions ?
Pas du tout ! Dans le temps libre qu’il me reste, soit je travaille les rôles à venir, soit je fais la maman !
Pour finir, y a-t-il des rôles que vous avez envie d’aborder dans les années à venir ?
J’adorerais chanter Elisabeth dans Don Carlo. Je voulais aussi aborder Leonora de la Forza mais c’est programmé (à Piacenza prochainement). Enfin, j’aimerais chanter d’autres rôles de bel canto, car ça repose la voix !
Merci Anna.
Merci à vous ! Et continuez à me suivre (rires).
On n’y manquera pas !
Interview réalisée par Paul Favart (MariaStuarda) pour ODB-Opéra
Photos ©E. Moreno Esquibel